Il est kiné, Marie-galantais, sportif et hyperactif. Il était premier Guadeloupéen sur le Rhum 2014. Il rempile le mors aux dents. Portrait.

Par Julie Clerc

23 novembre 2014, 9h. Accueilli au son des caisses claires et des tambours du carnaval sur le ponton de la darse pointoise, Dominique Rivard, ti punch en main, savoure. Derrière lui, 20 jours et 23 heures de mer, pour 3800 milles à 9 nœuds de moyenne. Le skipper de Marie-Galante boucle sa première Route du Rhum à la 22e position, sur 41 Class 40. Il est surtout le premier Guadeloupéen à franchir la ligne d’arrivée. 

Pour un skipper amateur au budget microscopique, c’est un exploit. Le kiné Rivard, installé depuis dix-sept ans sur la « galette », porte haut les couleurs de son île, « ce petit paradis où j’ai élevé mes trois enfants loin du tumulte du monde » souligne-t-il. 

Un nouveau Rhum ? Pas sûr : ce matin-là, l’homme est usé. Il dit pourtant : « Je suis déjà passé par ce type d’étape à vélo, en natation. J’ai déjà dit : Je n’en peux plus, le corps vieillit… Et j’ai recommencé ! ». Dominique Rivard est un hyperactif touche à tout : vélo (il a à son actif un tour de Marie-Galante et un tour de Guadeloupe), nage (il s’est offert un Marie-Galante – les Saintes d’une traite), kayak de compétition et kitesurf, avec au compteur deux records du monde de distance entre Guadeloupe et Saint-Vincent.

Quatre ans après, le marin est bel et bien inscrit à la 11e édition du Rhum. En ce mois de juin, il nous embarque à bord du fameux Class 40 qu’il n’a toujours pas fini de payer. Sa « baleine blanche », avec « son bel arrière large et rond », est d’un blanc immaculé sur la coque et les voiles. « Comme ça, si je me plante, je ne rends de comptes à personne » explique-t-il. Le kinésithérapeute aborde sa seconde participation à la Route du Rhum avec 80 000 euros en poche, lorsque la moyenne est de 450 000 euros pour cette classe. 

Dominique Rivard s’apprête à prendre la mer pour une transt’ retour en solitaire, trois semaines de navigation pour ramener son bateau en Métropole et, au passage, affûter son entrainement physique. Il est philosophe. « Avec mon Class 40 première génération, je vais me confronter à des bateaux dernier cri à 600 000 euros. Je ne me fais pas d’illusion ! Je vais d’abord me battre pour représenter Marie-Galante, montrer que sur mon île il fait bon manger, nager et se reposer. Et j’ai envie d’en profiter, tout simplement. A Saint-Malo, côtoyer Armel Le Cléac’h ou Loïc Peyron et savoir que je vais faire la même route qu’eux, c’est extraordinaire ! »

Le Rhum 2018, c’est une suite logique pour Dominique Rivard. « Ma préparation physique ? ça fait vingt ans que je suis prêt ! », lâche le sportif. Côté mental, on retrouve la même assurance. Rappelons que pour s’aligner sur sa première Route du Rhum, le skipper avait cumulé pas moins de 20 000 milles de haute mer. « J’ai tellement navigué » confirme-t-il, « j’ai eu tant de galères que physiquement et nerveusement, je me sens prêt. » En 2014, victime d’un défaut de pilote, le marin faisait halte en catastrophe à Madère, le spi enroulé autour de l’étai, accusant un retard de vingt heures. Les problèmes à répétition, ça forge le moral. « D’abord on pleure, ensuite on se met au travail et on répare les dégâts. Après, on pleure encore, mais de bonheur. Et on se dit « allez, c’est reparti. » Ce genre d’expérience, ça transcende un bonhomme ! » Parole de marin.

Les portraits ​de la Route du Rhum pOWERED BY KIA