Ingénieure en agroalimentaire et présidente de la commission développement agricole de la CTM, Nadine Renard revient, quelques jours après le salon de l’agriculture Matinik’Agri sur les enjeux propres à l’agriculture et à l’élevage. 

Propos recueillis par Mathieu Rached 

Le Salon de l’agriculture avait pour thème « les agricultures durables ». Comment se porte la filière bio en Martinique ? 

Au delà du label « agriculture biologique », encourager une agriculture plus respectueuse de l’environnement est un véritable enjeu de société et fait partie des préoccupations majeures de la CTM. Diverses initiatives en ce sens existent déjà sur notre territoire, il s’agit aujourd’hui de favoriser leur développement et soutenir l’innovation et la recherche pour proposer des alternatives aux produits phytosanitaires et aux engrais chimiques… La première édition du Matnik’Agri avait notamment pour ambition de mettre en lumière ces diverses pratiques agro-écologiques, souvent méconnues du grand public, et de créer un espace d’information et de partage d’expériences à l’attention des professionnels.

Les agriculteurs sont-ils sensibles à ces nouveaux outils et à ce discours d’agro- écologie ? 

Tout à fait, on parle de choses essentielles pour lesquelles l’adhésion est évidente. La mise en œuvre suppose un accompagnement technique et financier et surtout l’adhésion à une orientation commune en matière de production agricole. Derrière le discours, nous poursuivons trois objectifs : permettre aux agriculteurs de vivre décemment de leur métier, pouvoir proposer à notre population une production locale diversifiée et préserver notre environnement.

La diversification des cultures, c’est la clé aujourd’hui de la politique agricole ? 

C’est effectivement un enjeu majeur pour la Martinique. Compte tenu d’un certain nombre de contraintes d’ordre économiques, climatiques et environnementales, notre production agricole dans son ensemble est fragilisée. Pour ce qui est des cultures maraîchères et vivrières, ou encore de l’élevage, la production actuelle est loin de satisfaire les besoins. C’est l’un des axes majeur de notre action afin d’accompagner la structuration et le redressement de ces filières.

Par exemple ? 

Soutenir et accompagner les producteurs actuels pour leur permettre de maintenir leur activité et développer leur capacité de production. Faciliter l’accès au foncier à ceux qui souhaitent s’installer, ceci par la préservation des terres agricoles, le désenclavement et la valorisation des terres en friches. Optimiser la formation et valoriser l’image du métier d’agriculteur pour susciter des vocations…

Qu’en est-il des aides ? Elles constituent un levier important de la politique de la CTM ? 

Tout à fait, en tant qu’autorité de gestion des Fonds Européens nous accompagnons via le FEADER la mise en œuvre des orientations définies dans le Programme de Développement Rural de la Martinique. Par ailleurs, la CTM a mis en place depuis près de deux ans des aides spécifiques destinées essentiellement aux agriculteurs qui ont de petites exploitations. Ces aides ciblent entre autres, les agriculteurs en difficultés, la modernisation des exploitations, la valorisation des productions agricoles, le regroupement des producteurs… 

Ces dispositifs seront évalués prochainement et seront amenés à évoluer pour répondre au mieux aux besoins et attentes des agriculteurs. Nous avons également mis en place des aides spécifiques aux agriculteurs impactés par les aléas climatiques. Il s’agit pour la CTM, à travers l’ensemble de ces dispositifs, de pouvoir accompagner le plus grand nombre d’agriculteurs, et soutenir ce secteur pilier de notre économie. L’enjeu au-delà du soutien est avant tout de créer les conditions d’un véritable essor et d’un développement durable de notre production agricole dans toutes ses composantes.

Retour en images sur le salon de l’agriculture

Organisé par la Collectivité Territoriale de Martinique, en partenariat avec la Chambre d’Agriculture, le Salon de l’agriculture qui s’est tenu du 1er au 3 juin dernier, au stade Pierre Aliker a accueilli plus de 40000 visiteurs sur trois jours.

Un succès populaire pour cette première édition, qui s’inscrivait dans le cadre de Matnik’Agri, la semaine de l’agriculture de Martinique, et qui avait pour thème « les agricultures durables en Martinique, diversité et perspec-tives ». Les 180 stands, les animations et les conférences qui ont rythmé la manifestation avaient pour but de montrer l’agriculture martiniquaise et l’économie rurale, dans toutes leurs composantes, valoriser le savoir-faire des producteurs agricoles de la Martinique et la technicité du secteur, conforter une image positive d’une agriculture qui porte en elle l’ambition d’un « mieux produire pour mieux consommer et mieux vivre au pays ».
L’enjeu également était d’informer les professionnels et le grand public sur les enjeux et les défis de la transition écologique et énergétique afin de faciliter leur compréhension et de favoriser le rayonnement de l’agriculture martiniquaise sur le territoire et la Caraïbe. 

Marinette Torpille Conseillère Exécutive, Franck Robine, préfet de Martinique, Louis Boutrin, Conseiller Exécutif, Louis Glorianne, 1er vice-Président de la Chambre d’Agriculture, Nadine Renard, présidente de la commission développement agricole de la CTM, Didier Laguerre, Maire de Fort-de-France et Lucien Adenet, vice-président de la commission Agriculture, membre du Comité de pilotage de l’organisation du salon de l’agriculture. 

« La transformation des modes de production pour assurer une alimentation sûre, saine, durable et accessible est engagée ! Je salue tous les efforts déployés pour améliorer sans cesse la qualité de la production, y compris sur les sols contaminés par la chlordécone. Je reste convaincu qu’il  y a un avenir pour tous les agriculteurs en Martinique ! » Franck ROBINE, préfet de Martinique 

« Matnik’Agri est une vitrine de l’excellence de notre agriculture. Je suis très satisfait du travail fourni par les services de notre Collectivité avec ceux de la Chambre d’Agriculture. J’avais rencontré le Président de la Chambre d’Agriculture M. Bertome pour organiser ce salon qui est une véritable réussite. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, plus de 40 000 visiteurs ont fait le déplacement, j’ai rencontré les différents participants qui m’ont tous dit à quel point ils étaient satisfaits de cette édition. Je souhaite que nous reconduisions cet événement tous les deux ans. Je tiens à féliciter et à remercier tous ceux qui ont œuvré à son succès. » Alfred Marie Jeanne, président du Conseil Exécutif de la CTM.

Lucien Adenet, vice-président de la commission Agriculture,  remet le 3 ème prix à l’ADDEER qui accueillait et informait le public et les professionnels sur les nombreux avantages de l’agriculture durable et circulaire en exposant des systèmes aquaponiques domestiques ou professionnels. Ce stand a eu un vif succès sur le salon à travers la présentation du système de culture en aquaponie avec des poissons et des écrevisses.

Au Pôle animalier, une zone d’exposition étrait réservée aux animaux, et un espace pédagogique mettait en lumière les pratiques durables en élevage. On y voyait les vaches brahman et les moutons Matinik dont l’alimentation est composée principalement de fourrages produits localement, les porcs « plein air » dont le respect de l’habitat naturel permet de réduire les coûts de production et la pollution associée, et aussi d’autres élevages de notre territoire avec des lapins dont la viande est reconnues pour ses valeurs diététiques et une zone de basse-cour avec une mare aux canards.

Les lauréats des mentions spéciales du Pôle productions animales. « Le Salon de l’agriculture édition 2018 était d’excellente qualité. L’agriculture martiniquaise a été mise à l’honneur durant 3 jours. La population a été très sensible et très heureuse de voir ce que peut offrir la filière agricole. Nous espérons de formidables retombées économiques pour nos exploitations. » André Prosper, président de la Codem.

Quelques 40 000 visiteurs ont pu découvrir les stands des différents exposants, s’informer, échanger et aussi déguster et remplir leur panier de fruits et légumes. Vif succès également pour les stands emblématiques dédiés au rhum agricole, au chocolat du stand de Valcaco, au traditionnel chocolat antillais et bien sûr pour le stand du miel Maniba, primé au dernier salon de l’agriculture de Paris pour son miel de tibaume (médaille d’or) et son hyrdromel toutes fleurs (médaille d’or). Les vaches, chèvres, poules et autres animaux de la ferme également représentés ont eu toute l’attention des jeunes enfants venus avec leurs parents. Et quelques jours avant le salon, un premier temps fort avait eu lieu avec la visite d’une exploitation au quartier Bontemps Lacour au Saint-Esprit. Une immersion au sein de l’exploitation agricole de M. Bertrand Sainte-Rose qui pratique l’agriculture «organique» c’est-à-dire sans pesticides, avec des méthodes agro-écologiques (association de cultures, paillage).

Depuis 2010, la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) et le Parc Naturel de Martinique (PNM) conduisent un programme de diversification agricole pour un café d’excellence en Martinique. Il est mené à partir d’une variété ancestrale d’Arabica « Typica », issue du 1er plant de caféier introduit en Martinique en 1721 par Gabriel-Mathieu Desclieux, qui s’est ensuite répandue dans les Amériques. Cette démarche permettra à terme, la création en Martinique d’une nouvelle filière caféicole « haut de gamme ».

L’élaboration de produits labellisés, le développement de circuits agro-touristiques ou encore, la création d’une structure à vocation muséale sur la vie et l’agriculture en Martinique au XVIIIème siècle assureront la valorisation économique et culturelle de la filière. De plus, positionnée comme une production de niche à haute valeur ajoutée, cette culture patrimoniale offrira à la Martinique, un rayonnement mondial. Plusieurs sociétés étrangères (Japon, USA…) ont déjà confirmé leur vif intérêt pour une commercialisation internationale du café d’excellence de Martinique, à l’instar de la Ueshima Coffee Company (UCC), le plus important producteur de café du Japon, qui organise avec les présidents MARIE JEANNE et BOUTRIN, le lancement de notre café d’excellence à l’occasion des Jeux Olympiques de Tokyo en 2020.

« Ce projet de café d’excellence s’inscrit pleinement dans notre vision du développement de la Martinique, par la conciliation des objectifs de protection des enjeux patrimoniaux avec les besoins d’attractivité des territoires, qu’ils soient culturels, sociaux et économiques. » Louis BOUTRIN, président du Parc Naturel de Martinique

L’Union des Groupements de Producteurs de Bananes de Guadeloupe et Martinique (UGPBAN) rassemble l’ensemble des producteurs de bananes de Guadeloupe & Martinique. Ils produisent 270 000 tonnes de bananes dont 70% sont commercialisées en France et 30% à l’export.

Kilouma propose une gamme baptisée TI BOUBOUN’ de plats cuisinés pour les enfants en bas âge (0 à  36 mois) à base de produits tropicaux locaux. Des recettes maison conçues “sans concentré, sans conservateur, sans sel ni sucre ajouté, sans colorant, sans OGM et sans arôme ajoutés.”

« Dès les premières heures d’ouverture du salon, la foule des grands jours était au rendez-vous. Notre objectif était de montrer à ce public venu en nombre qu’il était possible de mieux produire en Martinique. Des choses existent déjà avec des agriculteurs plus soucieux de la protection de l’environnement, qui proposent des produits de bonne qualité, qui leur permettent de vivre de leur métier et qui satisfont les attentes des consommateurs. Nous sommes à l’heure de redéfinir le modèle de production ancien qui destinait la production locale à l’exportation, pour aller vers un modèle centré sur les besoins de la population, sur une alimentation locale de qualité et plus respectueuse. Un nouveau modèle d’agriculture se dessine, les Martiniquais y sont sensibles. » Lucien Adenet, vice-président de la commission Agriculture, membre du Comité de pilotage de l’organisation du salon de l’agriculture. 

 

Les Prix Matinik’Agri 2018

Prix des stands 

1er prix : A3P2FM (Association des Pépiniéristes et Producteurs de Plantes, de Fruits et de Fleurs de la Martinique)

2eme prix : BOIS ET ASTUCES (Activités annexes de fabrication de petit mobilier en bois)

3eme prix: ADDEER (Cultures en Aquaponie)

Mentions spéciales

Pôle productions végétales : CHAMPFLEURY pépinière (plantes florales et ornementales) 

Pôle productions animales : COOPMAR –SOTRADEV (Production et transformation de Viande porcine)

Pôle Services : le PARM (pôle agro ressources et de recherche de Martinique)

Pôle développement durable, risques majeurs : METASYSTEMES 

Pôle agrofourniture : PHYSIABIO (engrais biologiques) et L’ANIMALERIE (aliment du bétail)

Pôle agro transformation : ADAMAH (Produits alimentaires transformés)

Pôle activités annexes : LA SANTE AU NATUREL (Produits de santé à base de plantes ) 

Pôle restauration : la CASE A MANIOC (fabrication de farines et cassaves de manioc).

Mention spéciale pour le pôle animalier pour le grand nombre de visiteurs.