Charly Vincent, président du Comité des Pêches de Guadeloupe, expose la situation des marins pêcheurs.

Par Alice Colmerauer

Destin personnel

A la fois Saintois, fils et petit-fils de marins pêcheurs, Charly Vincent était prédestiné à la pêche. Et pourtant…
« Enfant, nous avons toujours été écartés de ce métier, car étaient pêcheurs ceux qui ne réussissaient pas leurs études. Comme je n’étais pas mauvais à l’école, j’ai pris une voie totalement différente », révèle t’il. 

Après des études d’arts graphiques dans l’Hexagone, Charly revient au pays pour travailler auprès de l’IFREMER afin de mettre en place le système d’informations halieutiques (SIH) pour quantifier les stocks de pêche en Guadeloupe. 

Chassez le naturel, il revient au galop… Le Comité des Pêches de Guadeloupe l’emploie par la suite en tant que chargé de communication. « Cinq ans plus tard, je passe mon diplôme de capitaine et je retourne concrètement à la pêche, en 2016. » 

Mission collective

En 2017, il est élu par ses pairs président du Comité des Pêches. Durant son mandat de cinq ans, Charly Vincent doit remplir plusieurs missions : gérer le comité, mais aussi développer et structurer la filière pêche. « Sur l’aspect réglementaire, nous devons permettre aux marins d’être tous formés car d’ici 2020 les marins sans diplôme ne pourront plus embarquer. Ensuite sur l’aspect économique, nous devons administrativement aider les entreprises de pêche sur le plan comptable et fiscal. Enfin, nous devons développer une pêche durable en maintenant une pêche artisanale pour préserver la biodiversité en Guadeloupe. Concernant la gestion des stocks, nous n’avons aux Antilles qu’un seul quota à respecter : l’ICCAT. C’est un quota national pour l’Atlantique Nord (200 tonnes) qui concerne deux poissons : le marlin et l’espadon. Pour l’instant il n’y a pas de quota pour les thons tropicaux, mais cela viendra d’ici quelques années. »

Epreuves

La population des marins pêcheurs décline en Guadeloupe. Il y a dix ans, mille navires étaient en activité. Aujourd’hui, il ne reste que six cents embarcations, soit mille marins pêcheurs. Il en va de même pour les ports de pêche. Port Louis était encore il y a quinze ans un port de pêche florissant, l’un des plus grands de Guadeloupe. Aujourd’hui le port le plus important est celui de la Désirade, puis viennent en deuxième place ceux de Saint-François et des Saintes. Mais globalement l’activité s’est réduite. « A l’heure actuelle si vous n’êtes pas aidés par votre entourage pour démarrer votre activité c’est quasiment impossible. Il faut savoir que le ticket d’entrée à la pêche, bateau et matériel compris est aux alentours de 110 000 euros. De même, on ne rentre plus à la pêche sans diplôme. Donc l’accès à la profession est d’office limité par ces conditions. »

Les clauses d’obtention de financements européens se sont aussi durcies en raison de procédures administratives de plus en plus complexes. « Depuis quatre ans, nous n’avons pas reçu d’aide de l’Europe. Aujourd’hui le poisson que vous mangez en Guadeloupe n’a pas touché un euro de subvention ! C’est à la fois une fierté, mais c’est aussi une entrave à un meilleur développement de la filière. Heureusement, nous espérons débloquer l’instruction de certains dossiers courant 2019. Malgré ces obstacles, notre métier reste une passion que nous pratiquons aux heures que nous souhaitons et avec encore une certaine liberté. »