Point de jonction entre le monde et la Martinique, le Grand Port est le premier acteur de l’économie bleue.

Propos recueillis par Mathieu Rached

Deuxième port de croisière du monde. Rien de moins. Le palmarès des Seatrade Cruise Awards 2018 dévoilé au mois de septembre a attiré tous les regards sur le Grand Port Maritime de la Martinique, cette méga structure, peu connue du grand public, acteur majeur de l’économie bleue et du développement du territoire. « C’est un très bon outil, commente modestement le président du directoire du Grand Port, Jean-Rémy Villageois. Un port qui bénéficie d’une situation privilégiée, avec de grandes profondeurs d’eau et que le travail de nos équipes a su inscrire dans la liste des ports qui comptent. » Visite de terrain, sur les docks à Fort-de-France avec un président touche-à-tout, à la fois manager, commercial et visionnaire. 

Après avoir reçu plusieurs prix cette année (2ème port de croisière mondial, prix Health Safety Environnment) quels sont vos prochains objectifs et priorités ?

Jean-Rémy Villageois : Être compétitif, pour le port c’est répondre aux enjeux du territoire. Et c’est précisément la question que nous nous sommes posée collectivement au niveau des équipes du port, de la direction et de la gouvernance : « qu’est-ce qui est important pour le territoire aujourd’hui et demain ». C’est ce qui continue de guider notre réflexion et nos actions. Nous devons anticiper, être à l’écoute des besoins locaux, du marché régional et des évolutions mondiales. Le secteur maritime est un secteur qui évolue très vite et où la compétition est parfois féroce.

Pourquoi féroce ? 

Prenez le tourisme de croisière qui est un de nos axes de développement et aujourd’hui un de nos succès avec plus de 600 000 passagers accueillis en 2017. Les études montrent une très forte rentabilité socio-économique de ce marché, toutes les îles le savent et la compétition commerciale, naturellement, bat son plein. Ce volet nécessite de notre part un engagement quasi quotidien qui exige d’échanger, de discuter et de négocier avec les compagnies croisières. 

Et de pouvoir sortir du lot…

Exactement. Et c’est ce que nous avons réussi à faire notamment en créant un « service passager » : une équipe resserrée dédiée à la partie opérationnelle sur le quai. C’est la qualité de service, les réponses apportées aux attentes des équipages et du commandant au moment de son approche et de l’amarrage, mais surtout l’engagement collectif des acteurs du tourisme de croisière qui ont réussi à faire la différence cette année et qui nous ont valu d’être nommé 2ème port de croisière du monde par les Seatrade Cruise Awards.

Sur le volet commercial, quel est l’enjeu ? 

A l’échelle du port de commerce, le nerf de la guerre repose sur la logistique. Nous concentrons nos efforts pour baisser les coûts, diminuer les embouteillages, faciliter le stockage, réduire les temps d’attente… En somme optimiser toute la chaîne de travail. 

Et ça marche ? 

C’est un travail de tous les instants qui nécessite une attention permanente. On a réussi à attirer jusqu’à nous des flux depuis la Caraïbe et l’Amérique du Sud qui ne viendraient pas naturellement jusqu’à la Martinique. Notamment en mettant en place le transbordement qui positionne le Grand Port Maritime de la Martinique sur la carte des escales qui comptent pour les armateurs. Tout cela repose sur la nécessité et la volonté de s’intégrer dans un maillage logistique mondial. 

A l’échelle locale, en accueillant le triathlon de Martinique, vous avez également voulu changer la vision et la place du port dans la vie des Martiniquais…

Cette envie d’ouvrir le port à la population s’inscrit dans la logique d’une réflexion globale qui est ici et à l’échelle mondiale. Quelle place donner au port au sein de la ville et de son écosystème ? La question mobilise et intéresse les philosophes, les sociologues, des urbanistes avec qui je nourris des échanges réguliers. C’est un enjeu de société. Cette intégration du port à la vie quotidienne et à l’histoire de la population est un élément clé de nos développements.

Concrètement, comment voyez-vous les choses ? Vous souhaiteriez des journées portes ouvertes à l’image des journées du patrimoine ? 

(Sourire) Ça va plus loin que de faire visiter les infrastructures du port. Ma volonté est davantage d’apporter le sport et l’art au sein du port. C’est le sens des récents événements que nous avons organisés. Après la biennale de danse, puis le triathlon de Martinique, suivra le hackathon portuaire. Un rendez-vous dans le domaine de l’innovation numérique. Le port décernera un prix spécial au meilleur projet de startup sur un outil numérique applicable au Port. 

Un changement d’image radical de cet espace sécurisé, entouré de barbelés et méconnu par les habitants… 

(Sourire) Il s’agit de rétablir un lien qui existe de fait. Le Port de la Martinique représente 98% des échanges de l’île… Il fait déjà partie de la vie quotidienne de tous les Martiniquais. Nous avons à cœur d’enrichir cette relation autant que de renforcer la place de la Martinique sur le marché mondial.

Le Grand Port a également fait parler de lui au moment des Assises de l’Outremer avec son activité de réparation navale. 

Nous disposons d’une infrastructure très rare dans la Caraïbe, héritée de Napoléon III, qui permet de mettre les bateaux à sec afin de les réparer. Aujourd’hui, ça représente une centaine de personnes et un village de réparation navale qui tourne trois cents jours par an. Cet équipement et ce savoir- faire ont été retenus par les Assises de l’Outremer pour les maintenir à leur plus haut niveau.

Le port de demain aura-t-il aussi de nouvelles missions ? 

La très rapide évolution du commerce et de l’économie mondiale affecte forcément nos infrastructures et nos plans de développement. Le volume de marchandises réceptionnées en Martinique est sensiblement le même qu’il y a trente ans. En revanche les bateaux ont plus que doublé de taille et le nombre d’escales ne cesse de progresser, modifiant la physionomie de nos quais, installations et process de logistique… Ces enjeux de logistique seront au cœur des défis de demain.

Vous voulez dire qu’il faudra davantage d’entrepôts ou d’ap-pareils de manutention… ? 

Je pense plutôt à la conception d’espaces et d’un service de qualité pour abriter des bases logistiques performantes et compétitives au service du territoire martiniquais. Il s’agirait d’ateliers hyper modernes, s’inspirant des besoins et des métiers d’entreprises mondiales comme Amazon ou Alibaba, dont les process d’entrée, de stockage et de livraison sont extrêmement élaborés et efficaces. A nous de développer demain une offre de service de même niveau d’efficacité.

Grand Port Maritime de la Martinique

Quai de l’Hydrobase

97200 Fort-de-France

Tél : 0596 59 00 00

Fax : 0596 71 35 73

contact@martinique.port.fr