L’industrie en Guadeloupe est capitale pour l’économie de l’archipel. Elle représente 16 000 emplois directs soit 10% de la population active. Selon Christophe Wachter, secrétaire général des MPI de Guadeloupe, soutenir cette industrie, c’est « contribuer au maintien et à la création d’emplois locaux. » 

Propos recueillis par Willy Gassion 

L’existence même de l’Association des Moyennes et Petites Industries de la Guadeloupe (AMPI) prouve qu’il existe des industries en Guadeloupe. Qu’est-ce que l’industrie guadeloupéenne ?

Il s’agit du secteur économique qui regroupe les entreprises manufacturières créatrices de valeur ajoutée. Ce sont donc des entreprises implantées dans notre contexte insulaire qui transforment des matières premières en série de produits finis. Autant le dire, ce serait une erreur conceptuelle que d’aborder l’industrie guadeloupéenne avec les mêmes schémas que s’il s’agissait de considérer ce secteur dans un grand pays industrialisé comme l’Allemagne ou la France, avec de grosses unités de production dans la construction automobile, l’aéronautique, ou les grosses industries pharmaceutiques. 

L’industrie guadeloupéenne dans sa forme actuelle date des années 1970, avec l’émergence d’unités de production de biens de consommation se substituant à des produits qui étaient jusque-là importés. La création de l’association des MPI date d’ailleurs de cette époque. Nous regroupons aujourd’hui huit secteurs d’activités :l’agroalimentaire, le secteur ameublement/literie/bois, l’énergie et le traitement des déchets, le secteur imprimerie/papier/carton, les industries chimiques et pharmaceutiques, les industries liées au bâtiment, les matières plastiques et pneumatiques, et enfin celui de la transformation des métaux. Toutes ces entreprises sont regroupées derrière la signature « Produit péyi ».

De quels types d’entreprises est composé le tissu industriel de la Guadeloupe ? 

Ce sont des entreprises qui sont majoritairement de petite taille, puisqu’elles sont orientées vers un marché local de moins de 400 000 habitants. Elles comptabilisent en moyenne une vingtaine de salariés, tout en précisant que notre association compte en son sein des adhérents comme EDF ou la sucrerie Gardel qui emploient plusieurs centaines de personnes.

Quelles sont les spécificités de cette industrie ? 

Cette industrie a beau être guadeloupéenne, elle est parfaitement respectueuse de tout le corpus de normalisation européenne. Elle fonctionne à partir de matières premières disponibles localement, ou dans d’autres cas à partir de matières premières et d’intrants importés d’Europe ou de la Caraïbe. Il est important de comprendre qu’en contexte insulaire, les activités industrielles ne peuvent pas toujours faire l’économie d’une forme de dépendance vis-à-vis de l’extérieur. La qualification « locale » est la résultante de la valeur ajoutée qui est créée sur place. En effet transformer des matières premières en produits finis suppose des investissements, des emplois, des activités de transport, de commerce ou de promotion, qui enclenchent véritablement une dynamique économique.

Une autre spécificité vient du fait que ces entreprises évoluent sur un marché domestique exigu, ce qui suppose de pouvoir y occuper des parts de marché significatives ou de pouvoir exporter leurs produits. Bien évidemment, ce potentiel à l’export est variable en fonction de la nature des produits.

Enfin, la dernière caractéristique importante de l’industrie guadeloupéenne, c’est qu’elle est très fortement concurrencée par des produits importés, parfois de moins bonne qualité. Notre marché guadeloupéen est en quelque sorte un « marché de dégagement » pour des surproductions venues d’Europe, vendues à des prix ultra-concurrentiels qui séduisent facilement les consommateurs. C’est la raison pour laquelle nous mettons en avant le rapport qualité-prix, plutôt que de considérer uniquement le prix.

Quel type d’emplois est généré par les industries ? 

Outre les fonctions classiques que l’on retrouve dans les entreprises de tous les secteurs (comptabilité, ressources humaines, fonctions commerciales, manutention), les emplois industriels sont généralement des emplois qualifiés de responsables de production, de techniciens de maintenance ou de contrôle qualité. En fonction des secteurs d’activités, on retrouve par conséquent des emplois d’une grande diversité allant de la chimie à la biologie par exemple.

Comment l’industrie de Guadeloupe peut-elle absorber la demande d’emplois sur le territoire ? 

A défaut de pouvoir l’absorber intégralement, nous pensons plutôt qu’elle peut certainement y contribuer. La logique est mathématique et dépend des parts de marché de l’industrie locale. Plus nos produits industriels guadeloupéens feront partie des réflexes de consommation et plus il y aura de l’emploi industriel en Guadeloupe. C’est la raison pour laquelle nous travaillons sans relâche afin de convaincre le consommateur guadeloupéen de faire le choix des « Produits péyi » chaque fois que cela est possible. L’achat local est une contribution au maintien et à la création d’emplois locaux.

Prenons l’exemple de la filière agroalimentaire, que faut-il faire pour que cette filière soit structurée ?

La prospérité d’une vraie filière agroalimentaire dépend essentiellement de trois facteurs : le réflexe affinitaire du consommateur guadeloupéen, le soutien de la grande distribution alimentaire et la force du lien qu’elle est susceptible d’entretenir avec la restauration collective. 

En clair, l’agroalimentaire en Guadeloupe doit reposer sur une démarche volontariste dans une logique de projet pour le territoire.

Peut-on envisager l’auto-suffisance alimentaire en Guadeloupe ?

Il faut toujours viser l’autosuffisance alimentaire, mais avant cela, il faut aussi parler de souveraineté alimentaire. En 2009, le président de la République Nicolas Sarkozy est venu s’interroger en Guadeloupe sur le fait que seuls 24% des fruits consommés en Guadeloupe seraient issus de notre terre. Cela signifie que le chemin est encore long.

Comment les entreprises industrielles se défendent-elles face aux produits qui viennent de l’extérieur ? 

Vous avez raison de parler de « défense » parce que nos produits sont véritablement attaqués.

En premier lieu, je dirais que les entreprises guadeloupéennes n’ont
pas d’autre choix que de s’inscrire dans un rapport qualité-prix qui soit à minima équivalent à celui des produits importés, voire supérieur. En second lieu, les entreprises investissent dans des actions de communication et de lobbying dans le but de sensibiliser le consommateur guadeloupéen et le touriste de passage à l’achat de produits fabriqués en Guadeloupe. Le message des MPI est plus que jamais valable et bien connu : « Achète local pour construire notre avenir ! ».