Alors que la Ministre des Outre-mer était en visite en Guyane, le 23 juin dernier, la Présidente de la Chambre de Commerce et d’Industrie Guyanaise Carine Sinaï-Bossou a tenu à alerter sur les risques d’un nouveau confinement sur l’économie guyanaise.  

Le contexte depuis le 17 mars est particulier en Guyane. Les récentes annonces et l’amplification de la crise géo-sanitaire avec l’augmentation du nombre de cas covid-19 sur le territoire compliquent la relance. La Chambre de commerce est néanmoins restée très active depuis 4 mois. Pouvez-vous nous expliquer comment se vit la crise de l’intérieur ? 

Carine Sinaï-Bossou : Depuis le début du confinement, nous travaillons en collaboration directe avec la Préfecture qui a été d’une grande aide et réactivité. Nous avons réussi à sauver une partie de l’économie puisque nous avons su maintenir dans de bonnes conditions la construction qui représente un pourcentage important du PIB de la Guyane.

L’Ordre des avocats, les syndicats patronaux, les experts comptables mais aussi les médecins, les kinésithérapeutes apportent leur contribution pour assurer la relance. Comme beaucoup d’organisations, nous avons travaillé en visio-conférences.

« Il a fallu prendre en compte l’urgence des secteurs sinistrés, la porosité des économies interdépendantes. »

Lorsque l’un des secteurs est touché, il peut y avoir des conséquences directes et indirectes sur un autre. L’annonce d’un potentiel reconfinement est un vrai coup de massue car les entreprises sont à bout de souffle.

Face à la hausse du nombre de cas en Guyane, la Ministre des Outre-mer Annick Girardin a fait le déplacement. Quel message lui avez-vous adressé ? 

Nous avons assisté au Comité de Gestion de Crise proposé par le Ministère des Outre-mer. J’ai rappelé à Annick Girardin qu’un nouveau confinement affecterait gravement l’économie guyanaise au point de provoquer des centaines de fermeture d’entreprises et des milliers de suppressions d’emplois.

« Aujourd’hui, ce sont plus de 60 000 emplois qui sont en jeu en Outre-mer si l’on ne parvient pas rapidement à relancer l’économie. »

Plus la reprise sera tardive plus le retour sera difficile. Nous assistons à un grand nombre de fermetures ou licenciements qui annoncent des mois et années extrêmement difficiles. 

Vous cumulez plusieurs casquettes. En plus d’être présidente de la CCI Guyane, vous êtes également Présidente de l’ACCIOM qui est l’Association des Chambres de Commerce et d’Industrie d’Outre-mer. Il vous faut donc veiller à la coordination des différentes chambres. Quelle lecture faites-vous des événements ? 

Cette double-casquette me permet d’avoir une vision multidirectionnelle, de comprendre la pluralité de nos tissus économiques en Outre-mer.

Ce qui fonctionne sur un territoire ne fonctionne pas forcément chez l’autre. Il nous faut veiller à ce qu’aucun d’entre eux ne soit oublié dans cette relance et c’est la raison pour laquelle nous travaillons main dans la main et conjointement avec toutes les CCI.

Nous sommes en pleine étude pour modéliser l’impact de la crise sanitaire dans les territoires avec le cabinet DME. Ils travaillent sur le modèle Universel de simulations économiques (MUSE) et le modèle multisectoriel de type Keynes-Léontif pour évaluer l’impact des chocs exogènes. C’est essentiel d’avoir ces chiffres pour savoir ce que nous devons actionner pour aider les ultramarins.

Est-ce trop tôt pour révéler des grilles de lecture de cette étude ? 

Il faudra plusieurs mois pour évaluer précisément l’impact de la crise géo-sanitaire sur notre économie mais ce que je peux d’ores et déjà vous dire, c’est que les premières tendances confirment nos observations sur le terrain.

« Ce que révèle l’enquête est qu’à des degrés divers, tous les secteurs d’activités ont été durablement touchés. La restauration et l’hébergement sont les premiers à 90%, voire 95%. »

Le transport à 50% de son activité, comme les services aux entreprises. Plus faiblement l’agriculture et l’industrie agroalimentaire qui tiennent bon grâce à la consommation locale.

C’est plus d’1,5 milliard d’euros de pertes pour la Guadeloupe (650 millions), la Martinique (600 millions) et la Guyane (270 millions), ce qui est énorme pour ces économies interdépendantes. 

Quelles sont les mesures pour limiter la propagation de l’épidémie en Guyane ? 

Nous nous sommes rendu compte, en mai 2020, que toutes les entreprises ne connaissaient pas les mesures obligatoires instaurées par le Gouvernement. Les gestes barrières indispensables à la sûreté des Guyanais n’ont pas été tout de suite instaurés. C’est une grande problématique.

D’après les statistiques du Centre de Formalités des entreprises (CFE), 32,4% des entreprises guyanaises n’étaient pas sensibilisées.

Depuis le confinement, nous faisons du phoning pour les sensibiliser une par une. C’est un travail de titan. Pour une communication plus globale, nous travaillons avec Guyane 1ère et avons lancé une campagne Instagram. 

Comment réussir à garder la tête sur les épaules et ne pas baisser les bras face aux nouvelles actualités ? 

C’est impensable. Malgré la fatigue et l’épuisement général, nous ne pouvons pas baisser les bras. C’est maintenant que se joue la Guyane de demain.

Ce sont les décisions prises aujourd’hui qui nous permettront de colmater l’impact de toute cette crise. Vous savez, les chefs d’entreprise guyanais sont de véritables guerriers. Tout notre travail est d’accompagner la relance.

Nous nous sommes rendu compte par exemple que le fonds de solidarité n’était pas du tout adapté à la physionomie de nos entreprises ici car 70% d’entre elles n’ont pas de salariés. Au niveau des pièces du PGE, elles étaient plus importantes sur le territoire guyanais. Le rôle d’une Chambre de Commerce est de faire remonter ses spécificités régionales pour assurer ces ajustements.

Sachez que nous continuons la permanence d’aide aux entreprises sur rendez-vous à l’Hôtel de ville de Matoury de 8H30 à 12h30. Et nous continuerons ! Et pour nous aider, il faut consommer local. On ne peut pas laisser l’économie guyanaise. Il faut se battre !

CCI Guyane
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