Auteure de bande-dessinée, Jessica Oublié, créatrice de Péyi an nou qui aborde la question du BUMIDOM, revient en fin d’année avec une nouvelle création, Tropiques Toxiques. Fruit de deux ans de travail, Tropiques Toxiques traite cette fois du chlordécone, de l’impact de cette pollution systémique sur notre société, de ses enjeux et de son traitement sur nos territoires.

Cette BD est “un gros bébé documenté”, composé à la fois d’illustrations et de photographies, une sorte de cliché de nos territoires à un instant T, destiné à vulgariser les savoirs actuels sur ce sujet.

Une création de 210 pages, 70 témoignages, fruit de 126 rencontres à la fois en Guadeloupe, en Martinique, à Bruxelles, en France hexagonale ou encore en Virginie aux Etats-Unis; des particuliers, des producteurs, des pêcheurs touchés par la pollution, des chercheurs ou encore des lobbyistes. 

Jessica Oublié - créatrice BD Péyi An Nou et Tropiques Toxiques
Jessica Oublié, créatrice de la BD Tropiques Toxiques – Photo Elodie Noël

La genèse de Tropiques Toxiques

Mais comment s’engage t-on dans un tel projet documentaire qui mêle toutes les composantes de notre société, fait intervenir diverses disciplines et une myriade d’acteurs, suscite de nombreuses émotions négatives, convoque toute sorte d’opinion, et surtout s’attaque à un sujet encore irrésolu ?

C’est à la suite de son installation en Guadeloupe il y a deux ans et demi, que Jessica Oublié s’est retrouvée confrontée à la problématique du chlordécone qu’elle ne connaissait que très peu.

Quand on découvre cette pollution, sa rémanence et ses effets destructeurs sur la production, très vite se pose la question de savoir comment manger et par quel type de circuit s’approvisionner.

Ayant vécu pendant les premiers mois avec sa grand-mère satisfaite de ses habitudes de consommation malgré le risque de contamination des aliments, Jessica Oublié a alors décidé de se consacrer à la création d’un ouvrage de sensibilisation, délivrant une information sourcée, à la fois percutante pour les lecteurs antillais comme pour ceux de l’Hexagone, peu au fait de la question et pourtant confrontés à des problématiques environnementales similaires liées à l’industrie agro-alimentaire. 

Un panorama complet et didactique des effets de la pollution

Tropiques Toxiques permettra aux lecteurs d’embrasser ce dossier de maintenant plus de 40 ans sous tous ses aspects :

  • des incidences sanitaires aux conséquences économiques
  • des problématiques de transmission et d’héritage culturel bouleversés par cette pollution…
  • …au désamour pour nos territoires lié à la difficulté de s’approprier sa terre qu’on sait ne pas être saine
  • des croyances en circulation vides de tout fondement scientifique malgré les travaux de recherche entrepris, à la difficulté de faire collaborer tous les acteurs
  • de la nécessaire responsabilisation à tous les niveaux pour avancer

Une planche de la BD aborde ainsi la situation vécue par des particuliers et professionnels ayant fait réalisé l’analyse de leurs sols dans le cadre du programme JAFA, et s’étant vu annoncé, comme on annonce une maladie incurable à un patient, la présence de chlordécone dans leurs sols, duquel ils retiraient leur alimentation depuis une vingtaine d’années.

Qu’advient-il alors de notre tradition des jardins familiaux ? Ou de la pêche à la senne, pratique traditionnelle martiniquaise quasiment interdite aujourd’hui du fait de la pollution des eaux côtières ?

Un sujet important pour Jessica Oublié et qui méritait de s’y attaquer, que cette “pollution dont hérite bien malgré eux les antillais, qui touche à de nombreux aspects de leur vie, qui est le résultat de la monoculture de la banane liée à un héritage colonial, qui plus est majoritairement destinée à l’exportation pour le marché français.”

Pour mieux comprendre et s’engager pour nos îles

Comment vit-on sur un territoire pollué : c’est aussi l’interrogation à laquelle l’auteure souhaite répondre, afin que le lecteur et le jeune lecteur en particulier, saisisse tous les enjeux de cette problématique et surtout l’importance de la consommation, qui est un acte politique, un choix engagé pour son territoire quand on est confronté à une telle situation.

C’est l’idée derrière le choix du format de bande-dessinée, destinée à être appropriée par les écoles, les élèves et en particulier les enseignants dans le cadre d’une lecture accompagnée.

Un outil de vulgarisation scientifique en somme, qui aborde les sujets d’écocide ou encore les très controversées Limites Maximales de Résidus, tout en étant didactique et accessible au plus grand nombre; qui permet de remettre en perspective l’utilisation des produits phytosanitaires dans notre agriculture, de questionner la place de la banane dans notre économie; et est destiné à mettre tout le monde sur un pied d’égalité en termes de connaissances, pour dissiper les doutes, croyances ainsi que la lassitude de certains face à une problématique sur laquelle on n’a que peu de prise et à laquelle nous allons être encore confrontés pendant des centaines d’années.  

Le message de Jessica Oublié : ne pas arrêter de s’indigner.

Et s’engager dans des projets qui puissent participer à la continuité du débat et permettre de faire émerger des solutions pour vivre mieux avec cette pollution, certes demain, mais aussi et surtout ici et maintenant. 

Tropiques Toxiques, une bande-dessinée de Jessica Oublié, photographies de Vinciane Lebrun, dessins de Nicola Gobbi et mise en couleur de Kathrine Avraam. Dans tous les espaces librairie en Guadeloupe et en Martinique, à partir du 22 octobre 2020.

Tropiques Toxiques
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