Il faut plonger pour rencontrer Mariane Aimar. À 10 mètres sous la surface, sur la barrière de corail ou dans les dédales bleutés de l’Aquarium de Guadeloupe. C’est là qu’on la découvre. Dans son élément au détour des anémones, des crabes et des coraux. Au beau milieu des poissons. – Texte Joséphine Notte

Quand elle nous accueille, ses cheveux sont mouillés et ses yeux brillent : elle ressort tout juste d’une plongée à Malendure où elle a validé un diplôme en restauration de la biodiversité marine. « Je souffre du syndrome de l’imposteur », nous confie-t-elle. « Je ne suis pas scientifique de formation et j’ai souvent ce complexe qui ressurgit comme si mon expérience n’était pas légitime. Alors, petit à petit, je m’équipe de diplômes pour que mon travail soit reconnu. »

En surface, une fragilité surprenante venant de celle qui dirige l’École de la Mer depuis plus de 15 ans. À la source, un rêve d’enfant brisé : avant qu’on ne lui dise que « la mer, c’est un métier d’homme », Mariane voulait être océanologue.

« Là, je suis une femme, mais dans une autre vie, je devais sûrement être un poisson, je suis d’ailleurs plus épanouie sous l’eau. »

Corps de femme, poisson dans l’âme

Son lien à la mer est inné. Corps de femme, poisson dans l’âme: « Là, je suis une femme, mais dans une autre vie, je devais sûrement être un poisson, je suis d’ailleurs plus épanouie sous l’eau. » C’est la plongée qui a révélé sa vocation. Baptisée dans la Méditerranée, elle est à la fois subjuguée par la richesse de la biodiversité marine et profondément choquée de la pollution et de la destruction déjà avancées de ces écosystèmes. « J’ai immédiatement senti ce besoin d’agir. »

Avec un terrain de jeu aussi grand que l’océan, l’adepte des abysses ne chôme pas. Voilà 25 ans que Mariane est sur tous les fronts. « Il est déjà trop tard » pour sauver la biodiversité marine. Une urgence qui pourtant nous concerne tous, ici en Guadeloupe. Avec des airs de maîtresse d’école, elle explique : « Savez-vous que la Guadeloupe, c’est 2% de terre et 98% de mer ? Tout l’écosystème de l’archipel fonctionne en symbiose avec la barrière de corail, la mangrove et les côtes ensablées. Un équilibre fragile qu’il faut à tout prix préserver. Les fonds que j’ai découverts en arrivant en Guadeloupe n’existent plus aujourd’hui. Le corail, les poissons… La vie marine s’éteint à grande vitesse et peu de gens s’en rendent compte. »

« Les fonds que j’ai découverts en arrivant en Guadeloupe n’existent plus aujourd’hui. Le corail, les poissons… La vie marine s’éteint à grande vitesse et peu de gens s’en rendent compte. »

La mère des coraux

Le temps s’écoule. Mariane raconte son Grand Bleu. Ses moments préférés, sous l’eau dans un état de méditation extrême, yeux dans les yeux avec les poissons. Comment brasser « ciel et mer » pour développer des programmes de préservation de nos espèces endémiques. Les centaines d’élèves initiés pour qu’ils connaissent « notre mer pour mieux la protéger ». Les plongées à la pleine lune pour assister à « la ponte », ce moment unique où les coraux laissent échapper leurs œufs pour se reproduire. Les heures passées dans sa pouponnière à élever « ses bébés coraux ».

Chaque recoin de son histoire transpire l’amour maternel. Inconditionnel. Sans limite. Quand on le lui fait remarquer, elle sourit : « Il existe un vrai parallèle entre mer et mère, ce n’est pas pour rien qu’aujourd’hui plus de 80% des scientifiques en biodiversité marine sont des femmes ». Une belle revanche : les Manman Dlo sont partout.

« Il existe un vrai parallèle entre mer et mère, ce n’est pas pour rien qu’aujourd’hui plus de 80% des scientifiques en biodiversité marine sont des femmes. »

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