Le lycée de Rémire-Montjoly porte son nom. Il fait partie du trio de la négritude, avec Léopold Senghor et Aimé Césaire. À Cayenne, l’Allée des Trois Fleuves retrace son parcours. Il reste un emblème pour les étudiants américains de l’Université Howard… Mais qui était Léon-Gontran Damas, dont nous célébrons le 110e anniversaire de sa naissance ?

Léon-Gontrann Damas enfant

« Ci-vi-li-sa-tion » (extrait de «Solde», Pigments, 1972)

De Cayenne à l’exil parisien

Né le 28 mars 1912 à Cayenne, Léon-Gontran Damas reçoit une éducation rigoureuse et bourgeoise par sa tante, Gabrielle Damas, après la mort de sa mère. Il continue ses études en Martinique, où il fait la connaissance d’Aimé Césaire, son camarade de classe. De cette rencontre naît une longue amitié.

En 1928, il part à Paris afin de continuer ses études. Venant d’une famille aisée, il suit des cours de droit à l’Université de Paris, pour respecter une exigence familiale. Mais très tôt, la rébellion poétique fait son apparition. Par goût pour la littérature, il choisit de suivre des cours de lettres et s’intéresse à l’anthropologie et aux langues orientales.

À Paris, le jeune homme connaît une période de solitude. Il finit par fonder la Fraternité des solitaires, afin de créer des liens avec ceux qui, comme lui, ne trouvent pas leur place. Quelques années plus tard, Damas publie un livre intitulé Poètes dexpression française (1947), rassemblant des poètes des quatre coins du monde, dont la Réunion, Madagascar, l’Indochine, les Antilles et la Guyane. 

Durant son « exil » à Paris, il participe à l’écriture de certaines revues, dont l’Étudiant Noir, créée par le trio de la négritude. Puis, avec Paulette Nardal, il participe à la diffusion de la Revue du monde noir, et plus tard, il écrit pour La Dépêche africaine.

Aimé Césaire et Léon-Gontran Damas
Aimé Césaire et Léon-Gontran Damas

L’expérience américaine

L’auteur du livre Nègre de personne, Roland Brival, retrace le parcours du poète à New York, et partage son témoignage sur la ségrégation américaine, que Léon-Gontran Damas découvre à l’âge de 26 ans, dès son arrivée dans le pays. Ce séjour sera aussi l’occasion pour Damas de faire la connaissance des intellectuels et des artistes noirs américains. 

D’une part, il s’inspire des écrivains français comme André Breton, Mallarmé, Paul Claudel et Rimbaud, desquels il reçoit une influence surréaliste, ce qui joue un rôle important dans la recherche de son identité. D’autre part, les Américains participent aussi à cette recherche, avec le mouvement de la Renaissance de Harlem et ses écrivains : Langston Hughes, Countee et McKay. 

Léon-Gontran Damas aux Etats-Unis

« ET BLACK-LABEL

pour ne pas changer 

Black-Label à boire 

à quoi bon changer » 

(extrait de Black-Label, 1956)

Recherche identitaire

Le documentaire de Jean-Michel Martial, Nègre Fondamental, réalisé en 2004, relate chaque détail de la vie du poète, à travers un groupe d’intellectuels et d’écrivains, dont Aimé Césaire, Serge Patient, Daniel Maximin, Raphaël Confiant, Rodolphe Alexandre… Des archives, de la poésie, des images et des paroles font du film une invitation à la poésie guyanaise. On y découvre par le biais de ce film que Léon-Gontran Damas aurait passé toute sa vie à la recherche de son identité.

Cette quête identitaire s’exprime fortement durant ses années de recherches sur l’ethnologie. Il rentre en Guyane pour une mission proposée par l’Institut d’ethnologie, et commence à écrire des articles sur les problématiques rencontrées durant son séjour. En 1938, il publie Retour de Guyane, un ouvrage qui va à la rencontre de la situation précaire en Guyane, d’un point de vue économique et social. 

Le racisme, l’assimilation et la colonisation sont également dénoncés par sa plume. Ce malaise lié à l’assimilation est présent dans ses ouvrages tels que Black Label, Pigments et Névralgies. Il ironise l’exotisme de la « figure de l’Amérindien » et décrit son mépris envers l’aliénation du colonialisme. Le poète engagé voit également son recueil Pigments être censuré en 1939. 

Dans sa carrière, Damas tente une vie politique – qui sera très courte (1948 – 1951) – en tant que député. Malgré son engagement, la vie de politicien ne lui plaira pas vraiment. Outre sa vie de poète et de politicien, d’autres métiers s’ajoutent dans sa trajectoire. Damas devient homme de radio, directeur de collection, ambassadeur culturel et professeur. Il enseigne dans plusieurs pays, et s’installe définitivement aux États-Unis en 1970, pour enseigner à l’Université de Georgetown, et plus tard, à l’Université Howard. C’est aussi à Washington, en 1978, que sa plume cessera de se rebeller. En 2019, sa poésie rentre enfin dans le programme scolaire des lycées en Guyane.

Cité à l’assemblée nationale

D’une poésie satirique et ardente, ses vers n’ont pas échappé à la bouche de Christiane Taubira. Pour dénoncer une utilisation à tort de la poésie de son compatriote, l’ancienne garde de Sceaux (2012-2016) déclame ses vers devant l’hémicycle : 
« Nous les gueux
nous les peu
nous les rien
nous les chiens
nous les maigres
nous les Nègres… »*
(Léon-Gontran Damas, extrait de « Nous les gueux », Black-Label, 1956)