Elle se confond en excuses. Marie-José Pérec a un léger retard au rendez-vous que nous avons fixé. Elle conduit, les rues parisiennes, son fils qu’elle accompagne à l’école. Le préadolescent est au collège. On lui demande alors ce que son fils sait d’elle, de la championne qu’elle a été. La triple championne olympique plaisante : « il sait que je suis sa mère », puis explique, « plus jeune ça l’embêtait que les gens m’arrêtent dans la rue, il disait : je la veux pour moi tout seul, et quelque fois il dit, ma maman elle était très forte avant. » – Texte Willy Gassion

« Je n’avais pas droit à l’erreur » 

Marie-José Perec c’est nous, c’est la Guadeloupe triomphante, nos cœurs exultés devant ses exploits qui nous remplissaient de fierté. Ses jambes sans fin et le péyi derrière elle qui la poussait, lui faisait des ailes à la place des jambes. Une victoire, une médaille d’or, quelquefois un record.

« Même si elle est petite, la Guadeloupe est forte et elle peut inspirer, c’est ce que signifiait chacune de mes victoires. »

Il y avait autre chose que nous, spectateurs, ne percevions peut-être pas : le devoir de gagner pour les siens. Pour la Guadeloupe. « Je n’avais pas droit à l’erreur, j’étais là pour représenter ma communauté et montrer d’où je viens, même si elle est petite, la Guadeloupe est forte et elle peut inspirer, c’est ce que signifiait chacune de mes victoires. » 

Des victoires, il y en a eu beaucoup dans toutes les compétitions majeures : les Mondiaux et les Jeux olympiques. Mais aussi quelques déconvenues quand en 2000 elle quitte précipitamment les JO de Sydney avant le début des épreuves du 400 mètres. « Quand on tombe, on se relève ! C’est ce que m’a dit ma grand-mère après Sydney. »

« Lors des départs, j’allais chercher la rivière de mon enfance pour ralentir les battements de mon cœur, je n’ai jamais eu de préparateur mental, c’est là que j’ai puisé toute ma force durant ma carrière. »

Les dombrés de ma mère, le boudin de ma grand-mère

Qu’y a-t-il d’invisible qui attend derrière la ligne d’arrivée la championne nouvellement sacrée ? Qu’y a-t-il que nos yeux embués par la joie ne voient pas, et que seule elle peut étreindre ? Les souvenirs heureux de l’enfance, la rivière aux Herbes à Basse-Terre, c’est après ça que la Gazelle courait. « À chaque victoire, une fois la ligne franchie, je pensais à la rivière aux herbes où, enfant, je passais beaucoup de temps avec mes amis, on faisait de la musique avec des boites de conserve, la pêche aux écrevisses, on courait, grimpait aux arbres. Lors des départs, debout derrière les starts, mon cœur battait très fort, j’avais très peur, j’allais chercher la rivière de mon enfance pour ralentir les battements de mon cœur, je n’ai jamais eu de préparateur mental, c’est là dans ce coin de Guadeloupe que j’ai puisé toute ma force durant ma carrière. » 

Il y a bien longtemps que Marie Jo a quitté le péyi et pour autant la Guadeloupe n’est jamais loin. « J’y viens jusqu’à trois fois par an, quand je vivais à Los Angeles, je pouvais faire jusqu’à 17h de vol pour venir manger les dombrés de ma mère et le boudin de Mèmère, ma grand-mère. »

« Je constate avec bonheur que notre jeunesse est motivée, nous devons continuer à croire en nous, on a tous en nous une force, il faut l’utiliser pour faire »

Le péyi et ses gens en qui elle se reconnaît : « je les aime, comme eux je suis entêtée, on a du caractère, on ne se laisse pas faire. Je suis connectée à la Guadeloupe et je constate avec bonheur que notre jeunesse est motivée, nous devons continuer à croire en nous, on a tous en nous une force, il faut l’utiliser pour faire ». Le péyi nourricier, elle en est convaincue, est la source de toutes nos ambitions.

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