“Je disais à mes copines au lycée de ne pas se laisser faire par les garçons, je pense que j’étais clairement la copine féministe relou.” Marie Ozier-Lafontaine éclate de rire au téléphone en nous racontant cet épisode de sa vie d’adolescente. – Texte Mathieu Rached

Le souvenir peut sembler anecdotique, mais il est sans doute chez Marie le révélateur d’un attachement précoce et féroce au fait de choisir et de décider de sa vie. « J’ai rapidement été sensibilisée et attachée à cette idée de liberté en tant que femme », se souvient-elle.

« Ma mère, qui soit dit en passant était très heureuse avec mon père, nous disait à ma sœur et moi qu’elle était contre le mariage, qu’on ne devait jamais dépendre d’un homme ». Ça a forgé très tôt chez la jeune Martiniquaise une conviction : celle de créer sa vie telle qu’elle la voulait. 

Marie Ozier-Lafontaine, créatrice réseau Bizness Mam

« Je pense que le monde de l’entreprise est inadapté aux femmes, et quand elles deviennent mères, c’est encore plus évident : les enfants et l’organisation qui leur est liée, personne ne veut en entendre parler. »

Mariée, deux enfants, cheffe d’entreprise

Plus tard, passée par une prépa hypokhâgne et Sciences Po Lyon, elle a rapidement signé son premier CDI et plongé dans l’univers de la communication. « 10 années de vie professionnelle en tant que salariée, à Paris puis en Martinique. J’ai rapidement vécu certaines limites de ma position de femme, en termes de salaire, de positionnement, d’atmosphère sexiste. Je pense que le monde de l’entreprise est inadapté aux femmes, et quand elles deviennent mères, c’est encore plus évident : les enfants et l’organisation qui leur est liée, personne ne veut en entendre parler. »

Sa deuxième grossesse lui fait tout remettre en cause et accepter de perdre la sécurité de l’emploi, son salaire et sa routine de jeune cadre accomplie. La maternité a révélé « un besoin d’être plus indépendante dans la gestion de mon temps, ma façon de travailler, mes objectifs ». Ce besoin, elle l’a transformé en devenant une cheffe d’entreprise assumée et conquérante. L’appel de la liberté en somme, à 34 ans, un numéro SIRET en poche. L’agence éditoriale Le Verbe et la Plume était née, tout était nouveau, la liberté, les succès et les pièges de la vie d’entrepreneure.

« Je veux aider les entrepreneures à affirmer leur singularité et leur puissance. »

Définir sa mission

« Quand on se lance, on veut vendre ». Rédaction de rapports d’activités, de sites web, synthèses de conférences, animation de formations… Comme tous les solopreneurs que compte le territoire, Marie Ozier-Lafontaine a d’abord accepté toutes les commandes qu’elle pouvait et plus encore, heureuse d’y trouver un revenu et une reconnaissance. « Ça valide notre choix et c’est important », résume-t-elle, « mais à un moment ça ne suffit plus et ça génère une grande fatigue ».

Elle s’accroche, se recentre sur sa matrice stratégique : créer du contenu pour les entreprises, en travaillant systématiquement leurs atouts différenciants, leur branding, leurs valeurs. « Le plus important pour une entreprise c’est de pouvoir définir son identité et sa mission, pour toucher sa cible idéale ». Sa mission à elle ? « Je veux aider les entrepreneures à affirmer leur singularité et leur puissance ». 

Marie Ozier-Lafontaine, cheffe d'entreprise martiniquaise

« Je pense qu’une femme n’est pas obligée de calquer son comportement sur les codes masculins de management, ni d’illustrer certaines qualités qu’on nous prête “généreusement”. »

Leadership 

Les femmes auraient donc besoin d’un programme dédié pour s’accomplir ? Marie retient sa réponse quelques secondes puis pose un constat simple : « il existe des injonctions qui conditionnent notre capacité à nous réaliser. Pour réussir en tant qu’indépendante, pour réussir le dépassement de soi qu’exige le rôle de cheffe d’entreprise, il faut être capable de se défaire de certains diktats », décrit-elle.

« Je pense qu’une femme, par exemple, n’est pas obligée de calquer son comportement sur les codes masculins de management, ni d’illustrer certaines qualités qu’on nous prête “généreusement” tels le sens du compromis, la douceur ou encore la diplomatie. Devenir entrepreneure exige de sortir du “syndrome de la bonne élève”. À mon échelle, j’ai fait le choix d’être une femme épanouie, j’ai créé mon modèle, je le crée jour après jour, en fait », poursuit-elle.

Après avoir co-fondé le réseau Bizness Mam avec Linda Nyirenda et Willène Léger Dometille, Marie poursuit son aventure de cheffe d’entreprise avec la création du concept Ozla ! Une newsletter, des ateliers animés par des expertes et, bientôt, des programmes pour accompagner les entrepreneures dans le développement de leur business, « en restant fidèles à elles-mêmes ».

Ozla !, ces initiales qui claquent composaient la toute première adresse email de Marie Ozier-Lafontaine, dans les années 2000 (sur Yahoo évidemment). 20 ans plus tard, elles symbolisent un projet en nom propre et un certain accomplissement. Celui de la transformation individuelle, de la copine relou au lycée qui, aujourd’hui, donne l’opportunité à chaque femme de conquérir son modèle de liberté.

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