87 % des maladies professionnelles reconnues* appartiennent à la famille des Troubles musculo-squelettiques (TMS), qui génèrent des difficultés à assumer ses tâches au travail ainsi que des douleurs gênantes voire invalidantes, pouvant laisser des séquelles. Ergonome depuis plus de 30 ans, formé en hygiène et sécurité, en physiologie du travail, en biomécanique et ergonomie ainsi qu’en psychologie du travail, Nordine-Philippe Abdessemed nous explique en quoi consistent les TMS et comment les prévenir. Texte Axelle Dorville

Que sont les troubles musculo-squelettiques ?

On parle de troubles musculo-squelettiques ou TMS, pour désigner des troubles qui  affectent les muscles, les tendons, les nerfs, et plus globalement, les tissus mous localisés autour des articulations. Les zones du corps les plus touchées par les TMS sont ainsi les épaules, les poignets, les mains, les doigts, les coudes, le dos et dans une moindre mesure, les genoux. La maladie du carreleur désigne, par exemple, les problèmes aux genoux dont peuvent être victimes les personnes qui travaillent une bonne partie de leur carrière sur les genoux, comme les carreleurs.

Il est important de noter que les TMS à composante professionnelle représentent la première cause de maladie professionnelle dans tous les pays industrialisés. Le coût des TMS est ainsi énorme tant au niveau humain (douleurs, séquelles…) qu’au niveau financier pour les entreprises ; il représenterait près d’1 milliard d’euros à la charge des entreprises.

« Le coût des TMS est énorme tant au niveau humain (douleurs, séquelles…) qu’au niveau financier pour les entreprises ; il représenterait près d’1 milliard d’euros à la charge des entreprises. »

Quels sont les gestes, postures, situations, les plus à même de générer des TMS ?

Les Troubles musculo-squelettiques résultent en fait d’une combinaison de plusieurs facteurs. Les facteurs biomécaniques premièrement. La répétition d’un geste, la posture de travail et la force exercée (soulever des charges lourdes ou répéter des gestes très fins avec le bout des doigts) sont ainsi susceptibles de créer des TMS pour le travailleur. Si on ajoute à cela des situations de travail au froid, de stress, de monotonie, de postures statiques, de vibrations sur le poste de travail ou de manque de récupération, ce sont d’autant plus de facteurs qui vont aggraver la situation.

Les TMS peuvent être provoqués par les aspects techniques du travail (la disposition des postes de travail, les outils utilisés), l’organisation du travail (les temps de pause, les rotations, les cadences), la sensibilisation et la formation insuffisante du personnel ainsi que le climat social de l’entreprise, qui peut également jouer sur l’apparition de TMS chez les travailleurs s’il est dégradé.

« Un TMS n’est pas un accident du travail, c’est un trouble qui s’installe sur la durée. »

Y a-t-il des secteurs d’activité davantage à risque ou les TMS concernent-ils tous les métiers ?

Si on se réfère aux statistiques de la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie, les activités du transport et de la logistique, du commerce de façon générale et surtout lorsqu’il y a de la manutention, de réception de produits et les postes d’encaissement nécessitant des gestes répétés font partie de celles dans lesquelles la survenue des TMS est la plus fréquente. Le secteur de l’agroalimentaire est également très touché, par exemple dans les entreprises d’abattage de volaille.

On peut aussi citer les entreprises du secteur de la propreté, du fait des cadences à suivre et de la répétition de gestes. Mais aussi le secteur de l’aide et du soin à la personne, du fait du soulèvement des patients. Les activités administratives, réalisées devant un écran, peuvent générer des troubles au niveau des épaules ou du canal carpien. Le risque est moindre que dans d’autres secteurs précédemment cités mais il n’est pas négligeable.

« L’employé qui ressent des signes et douleurs doit s’adresser à son médecin traitant et au Médecin du Travail pour une prise en charge précoce, à son employeur ou à la délégation du CSE de son entreprise. »

Quels signes doivent alerter, à partir de quel moment faut-il faire appel à un professionnel ?

Les signes d’un Trouble musculo-squelettique peuvent être très variés mais dans la plupart des situations, on va d’abord observer une gêne fonctionnelle, c’est-à-dire une difficulté à effectuer les gestes dans le cadre de son travail. Cet inconfort est souvent réversible au début et disparaît après le repos. Le travailleur va ressentir des fourmillements, des engourdissements qui peuvent réveiller la nuit jusqu’à ce que la gêne devienne de plus en plus persistante. Alors qu’elle disparaissait le soir au retour du travail, il faudra attendre le weekend pour que ça passe, puis les vacances, jusqu’à ce qu’on ne parvienne plus à récupérer et que l’inconfort devienne permanent et provoque des difficultés à la fois au travail mais aussi pour effectuer les gestes du quotidien. Un TMS n’est donc pas un accident du travail, c’est un trouble qui s’installe sur la durée.

L’employé qui ressent des signes et douleurs doit s’adresser à son médecin traitant et au Médecin du Travail pour une prise en charge précoce, ainsi qu’à son employeur ou à la délégation du CSE de son entreprise. L’entreprise peut aussi se rapprocher de la CGSS de Martinique, qui est très active sur ce sujet et pourra apporter des conseils ainsi que des aides financières afin d’agir sur la prévention des TMS, avec, il faut le préciser, une obligation de résultat de la part de l’entreprise.

*Chiffre ameli.fr

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Focus sur le syndrôme du canal carpien
Le syndrôme du canal carpien se manifeste souvent par des troubles sensitifs ressentis au niveau des trois ou quatre premiers doigts de la main : le pouce, l’index, le majeur et parfois l’annulaire. Il s’agit de fourmillements, de picotements, de sensation d’engourdissement et de décharges électriques qui surviennent souvent la nuit. Réversibles au début, ces troubles sensitifs se transforment en gêne fonctionnelle si rien n’est fait et provoquent des douleurs à l’intérieur de la main qui peuvent évoluer en une diminution de la force de préhension, se manifestant par une difficulté à écrire, à attacher un bouton voire une propension à lâcher des objets. 

Nordine-Philippe Abdessemed
Solutions en Ergonomie
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