Renouvellement. Depuis la réforme foncière de 1981, 800 agriculteurs guadeloupéens ont été installés sur près de 9 000 hectares au sein de 38 Groupements Fonciers Agricoles (GFA). Missionnée par l’État, la Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural (Safer) répond aux besoins de foncier agricole pour l’installation et le renouvellement des générations. Rencontre avec Rodrigue Trèfle, Président directeur général de la Safer. – Texte Sandrine Chopot

Trois réformes foncières se sont succédées en Guadeloupe. Quel bilan à ce jour ? 

Rodrigue Trèfle, président directeur général de la Safer : Historiquement, le rôle de la Safer de Guadeloupe a été la réalisation de la réforme foncière en vue de la préservation du foncier agricole et de l’installation d’agriculteurs.

La première réforme foncière s’est étalée de 1961 à 1968 et a consisté en la vente, par les sucriers, de 2 308 ha aux agriculteurs. Depuis, ces terres ont été revendues et sont aujourd’hui largement urbanisées. La seconde réforme a eu lieu de 1968 à 1979. 2 901 ha ont été vendus par les usiniers aux agriculteurs. Environ 50 % de ces terres ont gardé leur vocation agricole. La troisième réforme foncière, depuis 1981, se distingue par le fait que la quasi-totalité des surfaces rétrocédées aux agriculteurs sont préservées à des fins agricoles, notamment grâce au dispositif GFA. 

Bien que non-finalisée, cette dernière présente un bilan globalement positif vis-à-vis des missions de la Safer. Les terres sont toujours agricoles, non morcelées, ni placées en indivision. L’année 2021 a marqué les 40 ans de cette troisième réforme. Un bilan d’envergure semble indispensable, tant les réalités de terrain reflètent des situations contrastées en ce qui concerne la valorisation effective des surfaces rétrocédées et la situation financière des GFA. 

« La troisième réforme foncière, depuis 1981, se distingue par le fait que la quasi-totalité des surfaces rétrocédées aux agriculteurs sont préservées à des fins agricoles. »

Comment accroître et diversifier l’offre foncière agricole ?

Pour clore la réforme foncière en cours, la Safer doit solder le stock foncier résiduel dont près de 50 % a une vocation agricole. Ces terres sont difficiles à rétrocéder pour plusieurs raisons. Il s’agit d’un stock de moindre qualité, hétérogène, peu mécanisable, avec lequel il est complexe de constituer des lots d’installation. Il s’agit également de terrains occupés, voire bâtis, sans autorisation. La libération de ces terres est souvent longue et empreinte de complexités.

Aujourd’hui, des centaines de jeunes, formés, sont en attente de foncier afin de mettre en œuvre leur projet. Notre travail, permettant d’offrir des solutions foncières aux jeunes générations, est donc nécessaire pour le développement agricole du territoire. Les singularités de notre reliquat foncier nous conduisent à diversifier les formes de rétrocessions.

Afin de participer au développement d’approches innovantes, telles que l’agroécologie ou l’agroforesterie, peu compatibles avec les exigences de la réforme foncière, la Safer propose des rétrocessions en pleine propriété, associées à des cahiers des charges permettant de se prémunir des écueils des réformes antérieures. Alors que les porteurs de projets rencontrent fréquemment des difficultés de financement, la Safer expérimente plusieurs leviers, comme le portage foncier, afin de faciliter l’installation progressive et la diversification des systèmes de production. 

« Aujourd’hui, des centaines de jeunes, formés, sont en attente de foncier afin de mettre en œuvre leur projet. »

Comment la Safer participe-t-elle aux objectifs d’autonomie alimentaire du territoire ? 

Acteur majeur du développement agricole, la Safer participe assidument aux différentes instances de consultation et s’avère être une force de propositions dans le cadre de son périmètre d’intervention.

Les freins structurels à une autonomie alimentaire accrue sont nombreux, comme la faiblesse des revenus agricoles favorisant l’inculture ou la sous-exploitation, l’insuffisance des opportunités de valorisation de la production et l’inéquitable répartition de la valeur ajoutée au long de la chaîne de valeur.

Ces freins appellent à renforcer les synergies entre l’ensemble des acteurs du monde agricole pour répondre aux enjeux de l’agriculture guadeloupéenne. Un de ces enjeux étant le renouvellement des générations, la Safer veut, par ces partenariats renforcés, mieux repérer les cédants et favoriser la mise en relation avec les candidats à l’installation. 

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Quelles sont les priorités d’actions inscrites dans le PPAS 2022-2028 ? 

Le Programme Pluriannuel d’Activités Stratégiques (PPAS) est un outil de pilotage destiné à définir la stratégie de la Safer, les priorités d’actions, les objectifs et les modalités d’interventions pour les six prochaines années. C’est un document co-construit avec l’ensemble de nos partenaires devant répondre aux objectifs nationaux et aux enjeux locaux.

En cours d’élaboration, il ambitionne le développement d’une approche territorialisée pour la finalisation de la réforme foncière afin de contribuer à la diversité des systèmes de production et aux approches innovantes, le renforcement des partenariats, notamment avec la Chambre d’agriculture, la lutte contre l’artificialisation des sols mais également un accompagnement renforcé aux collectivités territoriales à travers l’ensemble de nos outils et leviers d’actions. 

« Favoriser une agriculture diversifiée et résiliente au changement climatique par l’installation de porteurs de projets innovants, orientés vers la satisfaction du marché interne, est au cœur de notre stratégie. »

Quels sont les défis d’aujourd’hui et demain pour la Safer ? 

Répondre aux besoins de foncier agricole, pour l’installation et le renouvellement des générations, en poursuivant la réforme foncière ainsi que l’opération Terres Incultes, initiée par le Conseil Départemental, est une priorité. Pour cela, nous développons également les intermédiations locatives, à travers les Conventions de Mise à Disposition.

Favoriser une agriculture diversifiée et résiliente au changement climatique par l’installation de porteurs de projets innovants, orientés vers la satisfaction du marché interne, est également au cœur de notre stratégie.

Enfin, accentuer la diversification de nos missions est notre principal enjeu. Participer à la protection du foncier agricole et des ressources naturelles, au développement durable et équilibré des territoires ruraux, assurer la régulation d’un marché foncier caractérisé par les singularités insulaires et les dynamiques spéculatives, tel est l’ensemble des défis de la Safer de Guadeloupe.

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