À moins de 200 jours du départ de la 12e Route du Rhum, Joseph Bizard, directeur d’OC Sport Pen Duick, organisateur de la course, a accordé à Ewag une interview exclusive. Ce passionné de voile, qui sera aux commandes de son premier Rhum, souhaite « transformer l’essai » pour que cet événement populaire gratuit continue de faire rêver le grand public. – Propos recueillis par Anne-Laure Labenne

La liste définitive des 138 skippers engagés surla course a été dévoilée le 27 avril. Où en êtes-vous à ce stade sur l’organisation ?

Cette édition 2022 sera un record absolu en termes de participants toutes éditions confondues et un record absolu de marins au départ d’une transatlantique. Sur le plan sportif, la machine est maintenant bien lancée et nous espérons que cette course connaîtra un succès sportif sensationnel.

Pour faire un bel événement, il faut aussi des villages pour le faire vivre avec le grand public. Nous sommes, en ce moment, en train de boucler ce dispositif au départ et à l’arrivée. À partir des mois de juin-juillet, nous entrerons dans la phase de communication plus intense. Les voyants sont au vert pour en faire une édition remarquable. Nous constatons qu’il y a une attente, aussi bien côté breton que guadeloupéen. Nous sommes au travail, enthousiastes… Il reste six mois, les bases sont posées, nous devons transformer l’essai sur le plan événementiel et le volet communication.

« L’aventure, le dépassement de soi, l’environnement, l’océan… La course au large est une discipline qui se porte bien, car elle raconte des histoires qui parlent au plus grand nombre. »

L’édition 2018 était celle de tous les records. Celle de 2022 le sera tout autant, voire plus, comment l’expliquez-vous ?

La course au large est une discipline qui se porte bien, car elle raconte des histoires qui parlent au plus grand nombre. La Route du Rhum c’est l’aventure, le dépassement de soi, l’environnement, l’océan… Ce sont des valeurs fortes pour nous, les Français. La Route du Rhum – Destination Guadeloupe, depuis qu’elle a été créée il y a 44 ans, connaît une croissance ininterrompue d’édition en édition. Cela pourrait s’expliquer par le fait que c’est la seule course au format très ouvert. On retrouve d’ailleurs au départ du Rhum tous les grands bateaux qui font rêver le public, des amateurs et de grands professionnels. Tous ces éléments, accompagnés par l’engouement de la Guadeloupe dont c’est l’événement phare, et de Saint-Malo qui y est très attaché, font que la Route du Rhum a, dans ce contexte, un succès particulier et qui explique l’affluence.

« C’était déjà un moment symbolique quand les bateaux sortaient pour prendre le départ et qui maintenant sera aussi symbolique car nous allons événementialiser l’entrée dans les écluses. »

Cette course, c’est aussi et surtout un événement de territoire. Quelles seront les grandes nouveautés de cette 12e édition ?

Premièrement, nous avons étendu le village dans le temps, avec un jour de plus, et dans l’espace pour faire en sorte que les gens puissent circuler de façon plus confortable. Nous avons aussi travaillé à créer des temps forts en amont du départ. On sait que les gens ne peuvent pas tous être là, au départ, le 6 novembre. On a ainsi construit un dispositif de parades, organisé au départ, qui va permettre au public de voir, la première semaine, les bateaux naviguer sous voile pour arriver jusqu’à Saint-Malo. C’est une idée qui avait germé en 2018 mais qui n’avait pas pu être réalisée. Il s’agit de scénariser les entrées dans l’écluse avec, en effet, un dispositif de gradins dans cette
enceinte. C’est la deuxième nouveauté. C’était déjà un moment symbolique quand les bateaux sortaient pour prendre le départ et qui maintenant sera aussi symbolique car nous allons événementialiser l’entrée dans les écluses.

Pour accueillir 138 bateaux, il a fallu trouver de la place dans les bassins de Saint-Malo, trouver de la place pour passer les écluses et ce sont de vraies contraintes. Il faut aussi trouver de la place en Guadeloupe, à l’arrivée, car on sait que les bateaux sont de plus en plus fiables et de plus en plus nombreux au ponton. L’accueil populaire devant le Mémorial ACTe est très attendu. L’amarrage des bateaux, à la marina de Bas du Fort, ne suffit plus. Il faut trouver des solutions complémentaires pour s’assurer que tout le monde soit « au chaud » de l’autre côté de l’Atlantique.

« C’est un partenariat gagnant-gagnant pour tout le monde. Plus il est long, plus il bénéficie d’un côté, à l’organisateur pour mieux construire son projet et de l’autre côté, aux partenaires pour en tirer les meilleures parties. »

Une convention avec la Région Guadeloupe a été signée jusqu’en 2026, en tant que partenaire
majeur. Cela a-t-il un côté sécurisant ?

C’est à la fois un gage de confiance que nous avons avec le Conseil régional et une relation de partenariat très forte qui nous lie, qui nous permet de nous projeter, de construire quelque chose
dans le temps. C’est aussi pour cela, très tôt, que nous avons été capables de donner les contours de cette édition.

En se soutenant, on programme mieux et on structure mieux en amont. On sait que des partenariats qui se construisent dans le temps, sont ceux qui bénéficient le plus aux partenaires. Cette perspective nous permet d’installer le « réflexe Guadeloupe » dès lors qu’on parle Route du Rhum. C’est un partenariat gagnant-gagnant pour tout le monde. Plus il est long, plus il bénéficie d’un côté, à l’organisateur pour mieux construire son projet et de l’autre côté, aux partenaires pour en tirer les meilleures parties.

Départ le 6 novembre, pour une arrivée à Pointe-à-Pitre le … ?

C’est une bonne question (rires) ! Les skippers avaient mis sept jours en 2018. On se prépare à accueillir les premiers bateaux, qui sont plus rapides, et si les conditions sont bonnes, à partir
du vendredi 11, samedi 12 novembre. Vraisemblablement plutôt le 12 mais nous devrons être prêts dès le 11.

La Route du Rhum en chiffres

Depuis 44 ans : La Route du Rhum-Destination Guadeloupe s’affirme définitivement, depuis 1978, comme la course au large en solitaire la plus mythique. Disputée tous les quatre ans, cette 12e édition est d’ores et déjà annoncée comme celle de tous les records.

Le départ de la transatlantique sera donné dimanche 6 novembre, à Saint-Malo, en Bretagne.

3542, c’est, en milles nautiques, la distance entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre.

Ils seront 138 hommes et femmes, professionnels ou amateurs, à mettre le cap sur la Guadeloupe. La flotte de marins offrira à La Route du Rhum d’entrer un peu plus encore dans la légende en étant la première à aligner autant de solitaires sur une seule et même ligne de départ.

7 skippers guadeloupéens prendront le départ de la course : Thibaut Vauchel-Camus (ocean fifty), Damien Seguin (imoca), Rodolphe Sépho (imoca), Keni Piperol (class40), Sacha Daunar
(class40), Willy Bissainte (rhum mono) et David Ducosson (rhum multi)

Ils en parlent : l’impact attendu de la Route du Rhum

Rodrigue Solitude, Directeur général adjoint du CTIG : « Cette 12e édition de La Route du Rhum sera le point d’orgue de notre année de relance de l’activité touristique. À Saint-Malo, la Guadeloupe pourra se montrer dans toute sa splendeur. Nous ferons de cet événement le plus grand salon touristique de la destination des Îles de Guadeloupe.

Au sein du pavillon, nous allons créer une scénographie, c’est notre nouveauté. En travaillant sur ce concept, il s’agira de montrer notre singularité à travers le fait que nous soyons archipélagique. Durant 12 jours, sur cet espace attractif, les opérateurs qui seront avec nous pourront
vendre leurs produits et créer des achats impulsifs. »

Alain Bievre, Président du Directoire de la société aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes
Alain Bievre, Président du Directoire de la société aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes

Alain Bievre, Président du Directoire de la société aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes : « La Route du Rhum est un événement sportif majeur qui renforce la notoriété de notre destination et entraîne, à chaque édition, un regain de trafic que nous constatons systématiquement sur les 12 à 24 mois qui suivent. Nous sommes convaincus que cette édition 2022 donnera un coup d’accélérateur à la reprise constatée du trafic aérien vers notre archipel.

L’aéroport est d’ores et déjà prêt à recevoir les participants et spectateurs, et les investissements que nous continuons de réaliser sur la plateforme participent de cette volonté d’améliorer toujours plus les conditions d’accueil de nos visiteurs. »

Catherine Cadrot, Présidente de la commission tourisme à l’UDE Medef : « Sur cette période, nos entreprises, qu’elles soient alimentaires ou événementielles, seront impactées. La Route du Rhum, c’est défendre une destination et nous nous devons de bien accueillir tous les visiteurs. Avec 138 bateaux au départ, cela nous demande un gros potentiel de chambres, aussi bien en hôtellerie, en gîte ou en meublé pour recevoir toute cette clientèle. Charge à nous, ensuite, de leur faire consommer de la production locale et de la culture. Notre destination doit être
vécue. Un tel événement en fin d’année, entre deux saisons, redonnera de l’espoir aux acteurs économiques. »

David Arnoux, Président de la commission tourisme à la CCI-IG
David Arnoux, Président de la commission tourisme à la CCI-IG

David Arnoux, Président de la commission tourisme à la CCI-IG : « Depuis 44 ans, la CCI organise le village de départ à Saint-Malo qui nous permet d’exposer nos produits. Aujourd’hui, ce village, c’est LE pavillon Guadeloupe de 950 m2. Pour la première fois cette année, celui-ci restera ouvert jusqu’à 21-22 heures afin que les gens puissent profiter le soir de nos produits du terroir.

La grande nouveauté, c’est aussi et surtout, la boutique éphémère de 80 m2 qui ouvrira ses
portes dès le mois de juin dans le Saint-Malo intra-muros, et ce, pour une durée de six mois. C’est une véritable aubaine pour mettre en avant toute la gastronomie de la Guadeloupe, ses produits du terroir que ce soit le rhum ou l’épicerie fine. »

Comment la Région Guadeloupe se prépare à la Route du Rhum 2022 ?

Partenaire majeur de La Route du Rhum, la Région Guadeloupe accueillera la 12e édition de la mythique transatlantique en solitaire à la voile devant le Mémorial ACTe, « vaisseau amiral de la culture » guadeloupéenne. Comment s’y prépare-t-elle ? Éléments de réponse avec Jean-Claude Nelson, président de la Commission culture.

« À six mois du départ à Saint-Malo, nous avançons avec sérénité sur les préparatifs. Après avoir fait le bilan de l’édition 2018, nous travaillons, en concertation avec les responsables d’OC Sport, pour faire évoluer et améliorer notre organisation.

L’arrivée au Mémorial ACTe, vaisseau amiral de la culture et de notre politique du tourisme
mémoriel, sera ponctuée de temps forts, au sein d’un village sur l’esplanade, notamment avec nos artistes guadeloupéens que nous mettrons à l’honneur. Le public pourra également retrouver des villages d’animations Place de la Victoire à Pointe-à-Pitre, à la marina de Bas du
Fort au Gosier et à Basse-Terre. Nous privilégierons bien entendu des temps d’animations, mais aussi et surtout des rencontres et des échanges.

Tout le territoire de la Guadeloupe doit être en fête et nous demandons donc aux EPCI de s’approprier La Route du Rhum en proposant des animations culturelles ou sportives. Ainsi, tous les Guadeloupéens pourront prendre part à cette édition.

Après deux années de quasi-confinement, cette 12e édition sera le levier de notre plan de relance de l’activité économique et culturelle de notre territoire. Pour ce faire, nous allons mettre en avant ce que la Guadeloupe a d’excellent. Car, nous le savons, cet événement a des enjeux de développement économique, culturel et touristique avec des retombées immédiates. Chaque
skipper est, par exemple, accompagné d’une équipe et de sponsors qui viennent sur place. Cela impacte, entre autres, notre activité d’hébergement avec l’ensemble des hôtels et des gîtes remplis ; mais aussi les loueurs de voitures et les producteurs qui approvisionnent les
commerces et les restaurateurs.

Mais aussi des retombées sur le long terme : nous le savons et nous le constatons, le nombre de touristes augmente de manière exponentielle l’année après une Route du Rhum. »