Société. La Caisse générale de Sécurité sociale de Martinique fête ses 75 ans, l’occasion de revenir sur les principes fondateurs et le chemin parcouru avec Paul-Emile Beausoleil, le président de la CGSS et Christophe Van Der Linden, son directeur général intérimaire. (Texte Karen Goldar, Photo Jean-Albert Coopmann)

Présente pour tous et à toutes les étapes de la vie, la CGSS est une institution qui a su s’adapter aux besoins et enjeux de la société martiniquaise. Elle est aujourd’hui tellement intégrée à notre quotidien que son action pourrait presque passer inaperçue. Alors, à l’occasion de ce 75e anniversaire, ne serait-il pas opportun de rappeler à quel point nous sommes chanceux d’en bénéficier ? 

La CGSS de Desclieux en Martinique, jusqu'en 1986
Le hall d’accueil et de réception du public dans le centre de Desclieux qui abrita le siège de la CGSS de 1956 à 1986.

Pour bien comprendre dans quel contexte et pour quelles raisons la CGSS a vu le jour, pouvons-nous revenir 75 ans en arrière ?

Christophe Van Der Linden : Au niveau national, la Sécurité sociale a vu le jour après la seconde Guerre mondiale. Les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 permettent ainsi de « protéger l’ensemble de la population des conséquences d’une perte de revenus liée à un risque social » tel que défini dans le code la Sécurité sociale. 

Paul-Emile Beausoleil : En Mars 1946, la Martinique devient département d’Outre-mer. Après la départementalisation, l’extension des lois sociales n’a pas été aisée. L’engagement de personnalités locales syndicales et politiques a permis la création de la CGSS par le décret du 17 octobre 1947. L’organisme nouvellement créé prend en charge des frais de santé et compense en partie les pertes revenus selon les situations de maladie ou de retraite. Le système couvre les salariés du régime agricole. Il assure également la collecte des cotisations sociales à travers la branche Recouvrement. 

La première prestation servie est l’allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS) par l’Assurance vieillesse. Les autres prestations sociales des autres branches sont mises en place au fil du temps. Dans son histoire récente, la CGSS a intégré en 2020 les anciens salariés du Régime des Indépendants (RSI) et d’autres mutuelles. L’institution est en mouvement et se construit jour après jour.

« La notion de solidarité de la Sécurité sociale a deux dimensions cardinales : une solidarité verticale intergénérationnelle, mais aussi une solidarité horizontale entre bien-portants et malades. »

Quelles sont les valeurs historiques de l’institution ?

C. VDL. : La Sécurité sociale prend son essence dans des valeurs de solidarité, d’équité, de respect et d’universalité. Par conséquent, la CGSS défend de fait ces valeurs. La notion de solidarité a deux dimensions cardinales : une solidarité verticale intergénérationnelle, mais aussi une solidarité horizontale entre bien-portants et malades. Nous tous avons à un moment dans notre vie bénéficié de prestations de la Sécurité sociale (maladie, vieillesse, famille).

Le hall d'accueil de la CGSS Martinique entre 2000 et 2010
L’espace de réception du public du site de Desclieux dans les années 2000-2010.

Parlant de maladie, la Carte Vitale est sans doute le symbole le plus connu de la Sécurité sociale. Pourtant, ses missions sont beaucoup plus larges ? 

C. VDL. : La carte vitale (physique ou dématérialisée) est bien entendu un projet majeur qui a marqué et continue de marquer l’Assurance maladie et au-delà. Elle permet d’améliorer considérablement le délai de remboursement de ses frais de santé. Ce projet souligne que l’institution est dynamique et vit avec son temps. 

Mais plus globalement la CGSS, organisme paritaire de droit privé ayant une mission de service public, garantit également le paiement des pensions de retraite et de réversion, des indemnités journalières en cas d’arrêt maladie et AT/MP,  les prestations d’action sociale selon les revenus. Toutes ces prestations sont pour les salariés du régime général, les travailleurs indépendants et les agriculteurs. Elle assure également le recouvrement des cotisations sociales auprès des entreprises assujetties. 

« Un projet de carte Vitale dématérialisée via application mobile verra bientôt le jour. »

Selon une récente étude*, 88 % des Français expriment avoir un fort attachement à la Sécurité sociale. La crise sanitaire a-t-elle renforcé ce sentiment ?

P-E. B. : Sans minimiser les décennies de présence de l’institution auprès de la population, la situation récente a démontré le rôle fondamental qu’a joué la Sécurité Sociale pendant la période COVID. L’institution a vécu une période sans précédent pour continuer à assurer ses missions pendant la pandémie. Très rapidement, elle a pris en charge les personnes atteintes du COVID. L’assurance chômage a, quant à elle, mis en place un dispositif chômage partiel. L’Assurance Maladie a porté le projet de la plateforme COVID Tracing, un outil pour aider à lutter contre la pandémie. En jouant son rôle d’amortisseur, la CGSS, à travers toutes les prestations qu’elle a versées, a empêché à nombre d’entre nous de sombrer dans la précarité. Toutes les branches sont reconnues pour avoir joué un rôle d’amortisseur de la crise, au premier rang desquelles l’Assurance maladie (86 %). 

CGSS Martinique en 1991
Installation des premières bornes de la CGSS dans les halls d’accueil en 1991.

Serait-il possible de rappeler comment sont financées** les prestations sociales dont chacun de nous bénéficie ?

C. VDL. : Initialement, la Sécurité sociale était principalement financée par les cotisations sociales. Au fil des années et des réformes, le mode de financement s’est diversifié en incluant l’impôt. Aujourd’hui, 47,6 % du financement est assuré par les cotisations sociales. La Contribution sociale généralisée (CSG), créée en 1991 représente aujourd’hui avec les  impôts et taxes affectées (ITAF) 46,3 % du financement (source : Direction de la Sécurité sociale – DSS 2020)

Toutefois, les cotisations sociales payées par les salariés ont quasiment disparu, elles ne sont maintenues que pour le risque vieillesse. C’est l’employeur qui paye l’essentiel des cotisations, dites cotisations patronales.

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Quelles sont les évolutions majeures de la CGSS ces dernières années ?

P-E. B. : La CGSS n’a jamais cessé de se moderniser. L’arrivée de l’informatique au début des années 70 marque un tournant dans la gestion interne des dossiers client. Aujourd’hui, les évolutions informatiques majeures concernent principalement les offres de service à destination des usagers. Pour ne citer que quelques exemples, à la Maladie, on retrouve le compte Ameli, qui permet de faire ses démarches en ligne, à la Vieillesse, le site www.lassuranceretraite.fr qui permet de suivre l’ensemble de sa carrière et déposer sa demande de retraite. Pour le Recouvrement, il est également possible de faire ses déclarations et payer ses cotisations sur l’application dédiée pour le chef d’entreprise. L’institution vit avec son temps et propose des services innovants permettant de la rendre plus accessible, plus ouverte et plus simple, tout en continuant à proposer des services aux clients éloignés de l’informatique. 

L'antenne de la CGSS Martinique à Trinité.
6 centres et antennes sont répartis sur tout le territoire local pour l’accueil du public. Ici : l’agence de Trinité.

Des manifestations sont-elles prévues à l’occasion de ce 75ème anniversaire ?

C. VDL. : Nous prévoyons de nous concentrer sur des évènements en interne, essentiellement. Il n’y aura pas de manifestions particulières à destination du grand public. Toutefois, la CGSS tient à continuer à mieux se faire connaitre et notamment à poursuivre l’amélioration de l’ensemble des services rendus. Un ensemble d’éléments de communication sont prévus pour la fin de l’année 2022, en télévision notamment.

Que peut-on espérer de la CGSS dans les années à venir ?

C. VDL. : La CGSS est un organisme indispensable au quotidien des Martiniquais. Elle doit améliorer le service rendu à l’ensemble de ses publics en diminuant notamment les délais de traitement et en assurant un service de qualité. 

P-E. B. : L’organisme devra également s’adapter aux différentes politiques publiques en cours ou à venir, particulièrement celles de la santé et de la retraite.

* Étude : Baromètre 2020 « Les Français et la Sécurité sociale » réalisé par L’Union des caisses nationales de Sécurité sociale (Ucanss)
** Depuis la réforme constitutionnelle de 1996, le Parlement vote chaque année la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS). Elle détermine les conditions générales d’équilibre des comptes sociaux, établit les prévisions de recettes.

1986
C’est la date de l’installation de la CGSSM dans son siège actuel au Lamentin. Avant cela, en 1949, elle a d’abord été installée dans le bâtiment de l’actuelle maison des Syndicats, puis en 1956 dans le siège historique de Desclieux à Fort-de-France. Aujourd’hui, 6 centres et antennes sont répartis sur tout le territoire local pour l’accueil du public.

Un principe de “solidarité nationale”
C’est l’Article L111-1 du code de la Sécurité sociale qui l’institue. L’organisation de la Sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale. Elle garantit les travailleurs et leur famille contre les risques de toute nature, susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain.