Le skipper

Lâché par son sponsor historique Macif en 2020, François Gabart a vite su rebondir aux côtés du groupe français de cosmétiques Kresk. À la barre du nouveau maxi-trimaran SVR-Lazartigue, le “Petit Prince des océans”, révélé aux yeux du grand public en remportant le Vendée Globe 2012-2013 sous l’œil averti de son mentor Michel Desjoyeaux, puis le Rhum l’année suivante (Imoca), veut prendre sa revanche en Ultim à Pointe-à-Pitre, après avoir échoué à seulement sept minutes de Francis Joyon (Idec) lors de la dernière édition.

Englué toute l’année dans une polémique médiatico-judiciaire relative à la conformité ou non
de sa nouvelle monture (lire ci-dessous), le Charentais de 39 ans, recordman du tour du monde en solitaire, a hâte de larguer les amarres.

Palmarès
2021 : 2e Transat Jacques Vabre
2019 : 2e Brest Atlantique, 2e Fastnet Race
2018 : 2e Route du Rhum
2017 : Record du tour du monde en solitaire (42 jours 16h 40mn 35s)
2016 : 1er The Transat
2015 : 1er Transat Jacques Vabre
2014 : 1er Route du Rhum
2013 : 1er Vendée Globe, 1er Transat Jacques Vabre, 1er Trophée Azimut
2010 : Champion de France de course au large en solitaire
2003 : Champion du monde Jeune Tornado

Le bateau

Sorti l’année dernière de l’écurie de course au large Mer Concept, l’entreprise fondée par François Gabart en 2006, à Concarneau (Finistère), le révolutionnaire SVR-Lazartigue affiche 16 millions d’euros de fabrication au tableau. Un projet titanesque pour ce maxi-trimaran aux lignes épurées et au design futuriste. Un “avion de chasse” nouvelle génération dont les principales innovations résident dans l’aérodynamisme avec, entre autres, l’apparition d’un cockpit fermé en mode Top Gun.

Reste au Tom Cruise de la flotte à viser juste après son abandon lors du Défi Azimut et sa 2e place sur la Transat Jacques Vabre à la barre de son nouveau joujou, équipé de foils dernier cri : 400 kilos à la pesée pour chaque appendice.

SVR-Lazartigue – Photo ⓒGuillaume Gatefait
Port d’attache : Lorient
N° de voile : 1
Date de construction : 2021
Architecte : VPLP Design
Chantier : Mer Concept (Concarneau) Longueur HT : 32 m
Largeur : 23 m
Déplacement : 15 t
Tirant d’eau : 4,5 m
Hauteur du mât : 35 m
Voilure au près : 400 m2
Voilure au portant : 650 m2

L’Affaire Gabart

Depuis la mise à l’eau du nouveau bolide futuriste de François Gabart, en juillet 2021, la classe Ultim conteste sa conformité architecturale. Le maxi-trimaran SVR Lazartigue enfreindrait la règle qui stipule que les winches d’écoute ne doivent pas être installés sous le pont, pour maintenir une veille efficace. Face aux batailles d’experts et aux interprétations de chacun, le groupe Kresk, sponsor et propriétaire du bateau, a saisi la justice. Le 21 juillet, le tribunal de Paris a finalement autorisé Gabart à prendre le départ, sur dérogation. Fin du débat ? Pas certain, surtout si le Charentais l’emporte. Après un an d’imbroglio, cette affaire de gros sous semble suivre le sillon des batailles juridiques que se livrent les mécènes milliardaires de l’America’s Cup. Une course légendaire qui, pour certains, a perdu son âme.

François Gabart
Photo ⓒGuillaume Gatefait

« Pas une préparation idéale »

Après une année de polémiques relatives à la conformité de son trimaran futuriste SVR-Lazartigue, François Gabart repart à l’assaut du Rhum, quatre ans après avoir manqué le titre pour quelques minutes.

Francis Joyon l’avait emporté en 2018 grâce à la fiabilité de son trimaran. Et pourtant, vous revenez avec un nouveau bateau. N’est-ce pas risqué ?

C’est sûr, mais pour tenter de gagner une course, il faut prendre des risques, c’est le cas dans tout ce qu’on entreprend. On a certes un nouveau bateau mais on a beaucoup appris du précédent, même si personne n’est à l’abri de connaître des avaries. Je suis justement excité par ce nouveau challenge, cette phase de découverte d’un bateau au potentiel incroyable. Je sais qu’il faudra des années pour l’appréhender au mieux et le fiabiliser, c’est pourquoi il faut rester humble. En tout cas, j’ai un bon feeling, je me sens prêt.

Avez-vous pu travailler sereinement avec cette polémique qui a rythmé l’année ?

Je reconnais que ce n’était pas une préparation idéale. C’est dommage d’avoir passé autant de temps sur quelque chose qui, malheureusement, ne nous a pas fais beaucoup progresser. Mais notre job, c’est d’être capable de continuer à se préparer de la manière la plus professionnelle possible. Aujourd’hui, je suis extrêmement positif et optimiste et je le revendique, le bateau est conforme. On va tous pouvoir participer à la Route du Rhum et se concentrer sur ce qui nous rassemble : naviguer et jouer à ce magnifique jeu qu’est la course au large.

Avez-vous souffert du scénario de 2018, où vous échouez pour quelques minutes seulement ?

Honnêtement, je l’ai relativement bien vécu, dans les mois et années qui ont suivi. Je garde un très bon souvenir de la course, malgré la déception d’avoir fini deuxième. Mais j’ai tellement de respect pour Francis. On a la chance d’avoir pu vivre des émotions incroyables et surtout d’avoir pu les partager avec le public. On m’en parle encore des années après. C’est ce qui fait la magie du Rhum, offrir des scénarios et des histoires magnifiques lors de chaque édition. D’une certaine manière, la course au large rend service à la société.