Vainqueur du Vendée Globe 2012-2013, quatrième du Rhum en 2018 (Imoca), Vincent Riou naviguera cette année dans les méandres des fichiers météo depuis son pavillon de Loctudy (Finistère), dans l’ombre du Guadeloupéen Thibaut Vauchel-Camus. Son job ? Routeur.

1- Routeur, à quoi ça sert ?

C’est un assistant, à terre, qui communique au skipper des informations sur les prévisions météorologiques, ce qui influe sur les stratégies de course à adopter. Disons qu’on a davantage de temps que lui pour traiter les fichiers et donc lui apporter des données plus éclairées que ce qu’il pourrait avoir. On peut aussi élaborer des scénarios plus précis, en étudiant les options de ses adversaires, mais on n’arbitre jamais à sa place. Il reste seul maître de son destin car lui seul est au contact direct des éléments.

2- Quelle formation faut-il avoir ?

Il faut naturellement disposer de bonnes connaissances en météorologie et en stratégie de course. Mais aussi être rodé à tous les outils informatiques d’aujourd’hui qui nous permettent de calculer toutes les données numériquement.

3- Router, c’est tricher ?

Non, tant qu’il y a de l’équité, c’est pareil dans tous les sports. Le routage est interdit chez les monocoques (sauf en Rhum mono, NDLR), comme sur le Vendée Globe par exemple, car il n’y a pas de danger réel à bord. C’est très bien, car c’est plus valorisant pour le navigateur et plus lisible pour le grand public. Mais dans certaines conditions, en multicoque, ça peut être dangereux, c’est donc le choix qui a été fait par la communauté.

4- C’est encore utile aujourd’hui ?

C’est vrai que les skippers sont mieux formés de nos jours, et tout le monde possède les mêmes infos météo, donc il y a de moins en moins d’options différentes. Le processus pour traiter les données reste fastidieux et le skipper peut vite faire des erreurs. On lui permet d’éviter cela. Ça se joue parfois à des détails, donc il restera toujours du boulot pour les routeurs.

5- À quelle fréquence échangez-vous ?

Grosso modo, nous échangeons lors de quatre moments cruciaux dans la journée, qui correspondent à la mise à jour des fichiers météo. Après, ça dépend des conditions et si le skipper se pose beaucoup de questions, on est attentif à ses besoins. On reste de toutes façons en liaison permanente par messagerie classique, type WhatsApp.

6- Il dort quand le routeur ?

Quand il a fini son boulot, si le skipper n’a plus besoin de lui, donc pas beaucoup ! On dort
rarement la nuit, mais on fait de petites siestes dans la journée. On a le même rythme que
lui en fait. Notre vie familiale est un peu bouleversée, il faut l’avouer.

7- Quelle est la meilleure route pour la Guadeloupe ?

Il n’y en a pas de meilleure, je dirais plutôt la moins mauvaise. Rien n’est écrit à l’avance. On ne saura jamais vraiment, même la veille, si on va prendre une route plus ou moins nord ou sud. Selon la météo, toute la stratégie peut être remise en cause quatre fois par jour. Il faut certes avoir des convictions, mais aussi savoir garder une certaine souplesse intellectuelle.

8- Quand est-on le plus en danger ?

Dans le premier tiers du parcours, principalement, au sortir de la Manche et jusqu’à atteindre la latitude de Lisbonne, dans toute la zone dépressionnaire de l’Atlantique nord. Surtout en plein mois de novembre ! Mais on peut aussi avoir de gros grains dans les alizés, qui génèrent de forts vents et une mer très agitée. Le danger peut être partout.


9- Devient-on routeur par défaut, quand on n’a plus de bateau ?

Pas forcément ! C’est surtout une manière de vivre la course différemment. L’aspect coaching est très sympa et la relation avec le skipper est très riche. Et puis, en termes de stratégie de course, de navigation, de météo, ça permet d’aller au fond des choses. Dans la voile en solitaire, on est très polyvalent mais on n’a jamais le temps de se spécialiser. Là, au moins, on s’investit à 100 % dans un domaine, ce qui répond à une certaine frustration.


10- Qui est le meilleur routeur ?

Je pense à Jean-Yves Bernot (pour François Gabart), notre maître à tous, mais il y en a d’autres très doués comme Marcel Van Triest (Armel Le Cléac’h) et Christian Dumard (Francis Joyon). En règle générale, ce sont surtout des navigateurs ou anciens navigateur alors qu’auparavant on avait davantage affaire à des purs spécialistes, techniciens ou ingénieurs météo. Ce fut le cas des Pierre Lasnier, Sylvain Mondon ou Richard Slivani, qui était avec Bourgnon. Les profils ont évolué car les prévisions météo sont aujourd’hui plus fiables et plus accessibles.

Question bonus pour Thibaut Vauchel-Camus
Ça coûte combien un routeur ?


« Certains routeurs comme Vincent apportent une réelle expertise, de par son expérience de
navigation et ses connaissances sur le fonctionnement du bateau. Je n’ai pas fait appel à lui
seulement pour la Route du Rhum, je l’ai aussi pris en navigation cette saison (sur le Pro
Sailing Tour, NDLR) et lors d’un convoyage entre Saint-Malo et la Corse, afin de mieux nous
connaître. Il faut aussi prendre en compte tout le travail réalisé avant la course pour préparer
le road book, etc. On est sur un pack compris entre 10 000 et 12 000 euros pour l’année. À
cela s’ajoutent des coûts périphériques liés au système de communication, pour l’envoi et la
réception des données de communication entre le routeur et le skipper. Je dois aussi investir
dans un forfait de data, qui peut s’élever à 1000 euros pour une transat. »
Le saviez-vous ?
Vincent Riou était le routeur de Michel Desjoyeaux (Géant) lors de sa victoire sur la Route
du Rhum en 2002.
à noter
Pour la Route du Rhum, le routage est interdit en Imoca et en Class40. Ce sont les règles
de classe qui l’indiquent. Les skippers doivent donc se débrouiller seuls !