Depuis l’arrivée des réseaux sociaux, la publicité a gagné un nouveau terrain de jeu et le monde du travail numérique, un nouveau métier. Les influenceurs animent les internautes sur les réseaux sociaux et font du marché de marketing, un nouvel essor pour les marques. Ils sont nombreux à fleurir sur les scènes antillo-guyanaises, mais est-ce possible de créer du contenu à temps plein dans nos territoires ? Décryptage. 

Texte Karollyne Hubert

Tout d’abord, « influenceur », quésaco ? En ayant une forte influence sur le réseau social professionnel LinkedIn, la consultante en ressources humaines et entrepreneure, Laïza Marie, nous explique le concept : « On associe l’influenceur à un personnage tout fait sur les réseaux sociaux… Moi-même, je ne me considère pas influenceuse, car je ne suis pas rémunérée à chaque fois que je mets un évènement ou un produit en avant. Sur LinkedIn, mon influence sert principalement à faire rayonner nos territoires d’Outre-mer afin de sensibiliser autour de l’actualité de chez nous. »

Laïza Marie, influenceuse sur LinkedIn
Profil de l’influenceuse Laïza Marie sur LinkedIn

L’influenceur aurait ainsi une notoriété auprès de sa communauté grâce à la création de contenu et des valeurs partagées. Pour les entreprises, son influence permettrait de mieux cibler une communauté et de passer un message dans un but commercial.

Pour tous les goûts

La gastronomie, le voyage, l’écologie, la mode, l’humour… Plusieurs catégories sont possibles. Du côté guyanais, la blogueuse culturelle Régine, créatrice de @silence_on_teste, a décidé de mettre en avant le patrimoine local.

Profil de @silence_on_teste sur Instagram
Profil de @silence_on_teste sur Instagram

J’ai commencé ce blog, car j’estimais que notre patrimoine n’était pas assez valorisé. Chaque fois que je cherchais un nouveau restaurant ou à faire une nouvelle activité, Google ne m’indiquait rien. Pour qu’il soit réactif, il faut des personnes qui s’intéressent au territoire avant lui.

@silence_on_teste

En Martinique, à travers un JT sur les réseaux sociaux, Ludovic Romain (@callmeludo), incarne un présentateur télé et donne les actualités sur une tonalité décontractée. Son profil, sur Instagram, comptabilise plus de 50k abonnés.

@callmeludo
Profil de @callmeludo sur Instagram

Certains influenceurs vont même plus loin : une fois que leur communauté est créée, ils décident de lancer leurs propres marques.

En Guadeloupe, le blogueur sportif Maxime Gautier (@maxxime_gautier), a même lancé une association pour l’environnement, Clean My Island. 

Pour l’heure, il n’existe pas de formation pour devenir influenceur, mais il existe des parcours dans le marketing et la communication qui favorise ce secteur.

Dans nos territoires, dans l’école Parallel 14 en Martinique, il existe une formation pour devenir youtubeur.

Il existe également des agences qui accompagnent les influenceurs. Celle guyanaise, The Palm Agency, est déjà une référence dans toute la Caraïbe. 

Le marché local est-il prêt pour ces nouvelles tendances ?

Selon une étude de Statista, le marché du marketing d’influence a doublé en 2019 dans le monde (11,6 milliards de dollars à 27,5 milliards de dollars), et est estimé à plus de 40 milliards d’ici 2025.

La youtubeuse Rachel David, sur un TEDx, parle même d’une des plus grandes évolutions du marketing moderne.

Si les marques locales commencent à prendre conscience de l’importance du marketing d’influence pour booster leur croissance, il n’en reste pas moins que le premier pas peine à se faire pour certaines d’entre elles. Quelles seraient les causes ?

Photo de Karsten Winegeart sur Unsplash
Photo de Karsten Winegeart sur Unsplash

« Je parle beaucoup avec des créateurs Guyanais et Guadeloupéens et il semblerait que la Martinique soit la plus en avance. En Guadeloupe, mais aussi en Guyane, le marché reste encore timide », affirme @callmeludo.

Est-ce que les tarifs pourraient aussi être un frein pour les entrepreneurs locaux qui aimeraient faire appel à ce type de marketing ?

Selon les influenceurs interviewés, les tarifs varient d’un micro à un macro-influenceur, de la prestation, et aussi, de la zone géographique.

Pour @matlebuzz, ses tarifs sont basés sur une grille parisienne.

Je baisse les tarifs, car j’estime que les budgets en Guadeloupe ne sont pas les mêmes qu’à Paris.

@matlebuzz

Depuis 2017, l’influenceur et humoriste est devenu intermittent du spectacle. Il vit depuis 2015 de cette activité d’influenceur. 

Profil de @matlebuzz
sur Instagram
Profil de @matlebuzz sur Instagram
Micro ? Macro ? Nano-influenceur ?
Pour les campagnes en général, les annonceurs font appel aux micro-influenceurs (entre 10K* à 100k d’abonnés).
En ayant moins d’abonnés, les nano-influenceurs (moins de 5 000 abonnés) prouvent néanmoins d’un contact plus direct avec leur communauté.
Les macro-influenceurs (100k à 500k abonnés) ainsi que les célébrités (plus d’un million d’abonnés) sont les plus recherchés par les grandes marques. 
*Les chiffres varient selon la zone géographique et le temps

Marketing dinfluence : Une stratégie utilisée par le privé… Et pas que…  

Aujourd’hui, les nano-influenceurs, principalement aux Antilles-Guyane, sont des plus en plus en vogue dans les réseaux sociaux.

Photo de Andrew Neel sur Unsplash
Photo d’Andrew Neel sur Unsplash

En Guyane, Allô Joffrey, une plateforme de livraison, a mis en place une communication digitale à travers des nano-influenceurs tels que @jheyoncee, @_leelyqueen et @linlin_pozaaf.

Grâce à l’influence de ces profils, l’entreprise donne de la visibilité à la production locale. Ces influenceurs tant cherchés par les entreprises privées sont également convoités par le public.

Pour mettre en avant le tourisme, l’Office de tourisme de l’Ouest Guyane a fait appel aux influenceurs locaux dont @rodman973, mais aussi des Antillais tels que @callmeLudo.

« L’idée était de montrer la Guyane aux Antillais et de casser les idées reçues que nous avons aux Antilles », souligne Ludovic qui a récemment été aussi invité par la préfecture de la Martinique pour créer du contenu.

C’est là que j’ai vu que ça n’a pas de limites. Je me demande jusqu’où je peux aller.

@callmeLudo
Marketing dinfluence
Si le terme influenceur est entré seulement en 2017 sur le dictionnaire Larousse, le marketing d’influence n’est pas nouveau. La figure du père Noël serait l’un des pionniers dans la branche. Le marketing d’influence fonctionne ainsi : un “porte-parole” fait une recommandation, directe ou pas, sur un produit contre une rémunération ou un avantage. Cette stratégie se base sur l’influence positive que cet individu peut avoir sur sa communauté.

Une vie pas toujours instagrammable” 

Des évènements par ici, des cadeaux par là… La vie des influenceurs semble le rêve de la nouvelle génération TikTok.

Mais @callmeludo tient à nous préciser que ce filtre n’est pas toujours rose.

« Je pense que le plus grand inconvénient de ce métier reste l’état d’esprit. On reste humain, il est normal de ne pas avoir de l’inspiration tous les jours. »

Si certains sont devenus “photographes” avec l’arrivée d’Instagram, d’autres tentent une carrière de vidéaste depuis l’arrivée de TikTok.

Mais pour créer du contenu, ce n’est pas aussi simple que cela explique Régine. « Il faut avoir plusieurs casquettes : vidéaste, photographe, commercial, rédacteur… et les faire toutes bien, ou du moins, l’essayer. À la fin, le plus déstabilisant dans tout ça, reste les feedbacks, parfois, pas très gai. »

Les interviewés parlent aussi de leur peur de perdre leur compte, leur communauté, en raison d’un piratage ou bien, d’être cyberharcelé à cause d’un bad buzz*.

Bad buzz : Un bouche-à-oreille négatif suite à une polémique sur internet.