Concilier vie pro/vie perso

Des années de salariat et puis un jour le déclic. « Cela n’est pas venu d’un coup », raconte Nathalie Neuilly. Son passage vers l’entrepreneuriat est venu d’un triste épisode : le décès de deux de ses collègues, une dépression et une réflexion sur le travail, sur la conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle. « Quand j’ai découvert la liberté que c’était que d’être à son compte, j’ai eu la sensation d’avoir le beurre et l’argent du beurre », d’autant, ajoute-t-elle que « j’ai d’abord travaillé comme freelance pour l’entreprise d’informatique qui m’avait embauchée ». Autrement dit, pas de problème pour dénicher des marchés ou des clients. Pour la jeune femme, c’était un moment idéal : un travail qu’elle aimait, des enfants qu’elle a pu redécouvrir et donc une harmonie entre la vie de famille et la vie professionnelle. « Je dois dire que j’aimais vraiment ce que je faisais et donc je n’avais pas l’impression de travailler. » Puis un jour, c’est un reportage télévisé sur des adolescents malades de dépressions soignés par des médicaments qui la lance dans une autre phase de sa vie professionnelle. Adepte des médecines dites douces, elle se forme au massage bien-être, puis aux massages pour bébé et à la parentalité masculine. Elle travaille d’abord à domicile puis décide d’ouvrir un local en région parisienne. Depuis, la petite entreprise, nommée Noona, a fait du chemin. « Je suis venue fin 2021 en Guadeloupe et ne suis jamais repartie », sourit Nathalie, qui donne des conférences sur la parentalité masculine et anime également des séminaires en entreprises pour aider les hommes à gérer leur vie professionnelle en même temps que leur paternité. 

Croire en soi pour réussir

Lydia Cyanee, patronne de Salon Duchesse
Lydia Cyanee, patronne de Salon Duchesse

Elle tient un glacier à Sainte-Anne, ouvert un mois et demi avant la crise Covid. Mais, l’entreprise tient bon. « La principale qualité du chef d’entreprise, c’est de croire en soi et de s’entourer des bons experts », affirme Lydia Cyanee, la patronne de l’établissement qui a été salariée jusqu’à ses 42 ans. C’est à son arrivée en Guadeloupe, déçue par les opportunités professionnelles du salariat sur l’île, qu’elle a commencé à songer à créer son entreprise. « C’était pour me recréer une situation professionnelle : les salaires ici sont assez bas. Et puis, je me sentais capable de créer ma boîte, étant donné que j’avais réalisé toutes ces démarches pour la dernière personne pour qui j’avais travaillé comme salariée », raconte la dynamique cheffe d’entreprise. Au départ, le projet se tournait plus vers le nettoyage industriel, mais une étude de marché la dissuade. « En revanche, il n’y avait que peu de glaciers artisanaux en Guadeloupe », explique-t-elle. En trouvant un local à Sainte-Anne, elle savait que la concurrence existait déjà sur la zone. Mais elle assure que l’entreprise tourne. L’affaire va même devenir familiale, puisque sa fille vient de décrocher les diplômes qui lui permettront de pérenniser le projet. « Nous allons chercher un local pour fabriquer nos propres glaces, mais là, on rentre dans une autre dimension », sourit Lycia Cyanee. Elle avoue, elle travaille, plus que jamais et ne se paie pas encore de véritables salaires après trois ans d’existence et un prêt pour démarrer l’entreprise. « Mais », dit-elle, « la possibilité de prendre ses propres décisions pour soi est tellement satisfaisante que ça compense ! »

Le combat mental de l’entrepreneur, Axel Loupeda, fondateur de Belpair

C’est aux États-Unis que le fondateur de Belpair, découvre ce concept de pressing pour sneakers. « J’ai obtenu une bourse d’étude dans le design et cela m’a donné des idées. » Lui aussi a été salarié avant d’enclencher le développement de son entreprise. « Mais », dit-il, « quand tu es salarié, tu es restreint à un moment donné. Il est difficile d’être à 100 % créatif car tu dois respecter la décision d’autrui, tu n’as pas un total pouvoir de décision ». Revenu à Cayenne, il décide de monter son entreprise, portée par la nécessité de préserver l’environnement, en trouvant la ressource de son business localement : les baskets. « L’entrepreneuriat, c’est un parcours qui est quand même assez solitaire, on est vite isolé », témoigne-t-il. « C’est un vrai combat mental », qu’on remporte en s’entourant d’experts de l’entrepreneuriat, mais aussi en confrontant son projet à la réalité. « On croit souvent qu’il ne faut pas parler de son projet mais en réalité, c’est la clé, car même si quelqu’un à la même idée que vous, seule l’exécution viendra concrétiser les choses. » Pour tous ceux qui voudraient se lancer dans l’aventure de l’entreprise, il conseille de tester avant de réaliser. « Au début, je récupérais des vieilles baskets, je les rénovais, je les redécorais et je voyais si je trouvais preneur. » Depuis, il est installé dans un des célèbres centres commerciaux de Cayenne et ses produits ont trouvé preneur, jusque chez certaines célébrités : Dimitri Payet ou Kalash ont arboré des chaussures issues de chez Belpair.

Concilier les exigences du patronat et les aspirations des salariés

Christophe Yu Ming Chuan, Yu and mie, boulangerie à Cayenne

Lorsqu’il a quitté le monde de la grande distribution, où il était salarié, pour monter une boulangerie moderne et innovante avec son frère à Cayenne, Christophe Yu Ming Chuan avait l’ambition d’une entreprise à son image où la conciliation vie privée et vie professionnelle des salariés était un point d’absolue nécessité, dans un secteur aux horaires compliqués et dont la pénibilité n’est plus à prouver. « Cela nous oblige à nous poser de très nombreuses questions en tant que patrons, à questionner les bien-être, les méthodes, les façons de recruter, les personnes qu’on embauche, et c’est un casse-tête, certes exaltant, mais permanent. » D’autant que la génération des millenials, qui entre sur le marché du travail casse les codes de l’entreprise. « On reste dans un système qui fait qu’on doit être rentable si on veut embaucher », souligne cet homme de 38 ans, qui s’évertue, par exemple, à adapter les horaires d’ouverture de la boulangerie pour les vacances scolaires pour que les salariés puissent profiter de leurs enfants, ou à donner carte blanche aux employés pour proposer des produits inédits. « On essaie de stimuler la créativité, de rendre le travail agréable, de partager le poids de la pénibilité », indique-t-il. Pas simple, pour autant, d’impulser une culture du changement, de véhiculer des façons de travailler et d’embarquer une équipe dans son projet de A à Z. « Peut-être qu’il faut tout changer à la base : les façons de former les gens, mais aussi, la manière de considérer un business, la rentabilité, et au final la totalité de la chaîne », se questionne le jeune entrepreneur.