Maria et Angeline Laurence, une mère et sa fille partagent leur temps, un engagement et une vision pour l’agriculture du territoire.

Texte Ann Bouard – Photo Thomas Proust

Dans un milieu rude par nature, elles sont deux femmes à vouloir faire évoluer l’agriculture : Maria, venue à l’agriculture sur le tard, aujourd’hui gérante de la coopérative Sicasmart et Angeline immergée depuis le plus jeune âge dans l’univers de Rockland Farm, la ferme sur laquelle elle veille désormais. Mère et fille partagent une même complicité et un même enthousiasme pour leur métier et pour la vie. Deux femmes très indépendantes mais qui savent qu’elles peuvent s’appuyer l’une sur l’autre pour transmettre cet héritage agricole.

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Pour Maria Laurence, l’agriculture par amour

Née à Aruba, Maria y a fait toutes ses études. À 18 ans, elle épouse Rex Allen Laurence avec qui elle aura cinq enfants. Une vie familiale bien remplie, un job dans une banque, puis dans une société de bateaux charters, mais Maria n’en oublie pas pour autant ses origines. Avec un grand-père maternel et un oncle agriculteurs, à chaque vacance le travail à la ferme allait de soi. En épousant Rex Allen, lui aussi rattrapé par son héritage familial et reconverti dans l’élevage des chèvres, des moutons et des bovins, elle renoue avec l’agriculture. Après le décès de son mari, Maria décide de reprendre le flambeau et de s’impliquer à 100 % dans l’agriculture … avec l’aide indispensable d’Angeline, la seule de la fratrie à avoir été à l’école française et qui, dans certaines situations, passe au-dessus de la barrière de la langue, ce dont Maria est très fière.

Pour Angeline Laurence, l’agriculture par héritage

Mon père m’a toujours dit « si tu veux changer quelque chose, fais le toi-même ». « Je voulais, après Irma, que l’agriculture prenne une place plus importante La population avait du mal à se connecter avec les politiciens, de mon côté je ne voyais aucune proposition pour défendre mes valeurs, la jeunesse ou l’agriculture. Il fallait donc que je le fasse moi-même ». 

Constats faits, Angeline se lance dans la campagne 2022 aux côtés de Jules Charville et débute sa carrière politique dans l’opposition. Sa voie est désormais entendue dans certaines commissions, mais elle veut aller encore plus loin pour le développement de l’agriculture, tout en étant consciente que son jeune âge lui accorde le temps nécessaire pour acquérir la sagesse qui sied à ceux qui prennent les décisions. Un temps de réflexion qu’elle s’accorde aussi pour la ferme, en pleine mutation ; suite à la sécheresse de 2020-2021 et à la fermeture de l’abattoir, le troupeau est passé de 90 à 40 têtes. Avec le changement climatique, la question se pose pour Angeline de passer peut-être à un autre mode d’agriculture ?

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Maria et Angeline Laurence – Credit Photo Thomas Proust

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Une organisation sans faille

Mère et fille mènent leurs affaires indépendamment mais savent que l’une peut toujours compter sur l’autre. Tout est étonnamment fluide, mais cela n’est en rien dû au hasard. Elles ont un planning commun, communiquent beaucoup et sont très organisées. Pour Maria, qui, à 72 ans, avoue “apprendre encore tous les jours”, ce n’est pas dans son caractère de se plaindre, elle préfère utiliser son énergie pour trouver une solution à chaque chose y compris dans les modes de communication. Une culture de l’action que partage de fait Angéline, engagée sur la ferme (avec l’aide de son frère), la gestion du patrimoine familial, la politique et une vie de famille bien remplie avec deux (et bientôt trois) enfants. 

Leur moteur ? « Que l’on porte plus d’attention à l’agriculture, sans attendre les crises pour penser à la production locale », cite l’une et « que l’on transmette aux jeunes générations ce savoir-faire », complète la seconde. Une histoire familiale qu’elle veulent transformer en horizon commun pour St-Martin.

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