Unique en son genre, le dispositif de formation et d’insertion du RSMA garantit bien plus que des compétences techniques. C’est une expérience citoyenne à part entière, qui aboutit sur un taux d’insertion inégalé. Rencontre avec le chef de corps du régiment de la Martinique, le colonel Picot. 

Texte Mathieu Rached – Photo Jean-Albert Coopmann 

Le 07 juillet 2022, dans la grande cour centrale, à Gondeau, en surplomb du Lamentin, le colonel Picot devenait chef de corps du Régiment de Service militaire adapté de la Martinique. Au total, pendant ses deux années de commandement, ce sont un peu plus de 800 jeunes Martiniquais qui vivront au sein du régiment. Des garçons et des filles, issus de toutes les communes de Martinique qui auront saisi au bond l’opportunité des stages de formation du RSMA. Internes en semaine, ils passent chaque matin sous la fenêtre du colonel Picot pour la cérémonie des couleurs du lundi, les séances de sport ou encore les ateliers de formation. Au bout de 6 à 12 mois de stage, 80 % d’entre eux réussissent à s’insérer : embauchés par une entreprise (plus de 55 % avec un CDI ou un CDD de 6 mois minimum) ou engagés dans une poursuite de formation. « Un taux sans équivalent pour un dispositif d’insertion », rappelle le colonel Picot. Une proportion qui sert de métronome sur ce site du Lamentin où le RSMA fait coïncider les vies en devenir des jeunes, les besoins des entreprises locales et l’expérience des cadres et formateurs. Une petite ville de 15 hectares où se joue bien plus qu’une formation professionnelle : une certaine capacité à construire sa vie et à trouver sa voie.

Depuis plusieurs années, on voit régulièrement des affichages publicitaires pour le RSMA sur le bord des routes, invitant à se renseigner et s’inscrire. En 2023, le recrutement de jeunes volontaires stagiaires demeure un de vos enjeux clés ? 

Absolument, c’est mon premier objectif : accroître le recrutement qui baisse fortement depuis quelques années. À titre d’exemple, en 2022 nous avons recruté 316 volontaires stagiaires (pour 520 places disponibles). En 2023 nous offrons 545 places de formation. Cela passe par une campagne de communication active (affichage, réseaux sociaux, etc.), ainsi que par un panel d’actions de terrain, pour nous rendre visibles et attractifs auprès des jeunes de 18 à 25 ans partout sur le territoire. Nous nous rendons dans les forums, les établissements scolaires, les cérémonies mensuelles de “présentation au drapeau” (c’est-à-dire le moment où les nouveaux volontaires stagiaires sont officiellement intégrés au régiment, ndlr) se déroulent tour à tour dans les communes, les bus RSMA qui sillonnent l’île tout au long de l’année (pour permettre aux volontaires de rejoindre le régiment le lundi et de rentrer chez eux le weekend), etc. Le dispositif RSMA est une véritable chance, les jeunes y trouvent un cadre, acquièrent des compétences professionnelles et surtout un savoir être. C’est une expérience à part entière qui change les jeunes et qui se répercute dans leur vie, leurs projets, leur capacité à trouver leur place au sein de la société. Nous voulons que tous les potentiels candidats puissent nous connaître de manière plus intime, et qu’il n’hésitent pas à venir nous rencontrer.

Quels sont les profils de ces candidats potentiels ? 

Ils sont nombreux… Entre 18 et 25 ans, on peut se trouver dans des phases de vie très différentes au niveau familial, personnel et professionnel. Une majorité est diplômée (jusqu’à 70 %), titulaires du brevet, du bac et pour certains allant jusqu’à bac+3. Ils ont tous en commun d’être en construction sans avoir, au moment où ils nous rencontrent, le bon guide pour avancer. Le RSMA, par son format avec la vie en collectivité, la culture et l’environnement militaire, des formations et qualifications adaptées aux besoins locaux, va constituer une expérience hors du commun. 6 à 12 mois pendant lesquels nos jeunes vont mûrir, construire leur vie d’adulte et prendre confiance en eux.

L’offre de formation professionnelle compte 19 filières (BTP, logistique, informatique, restauration…), pour lesquelles vous délivrez uniquement des qualifications professionnelles. Cela suffit-il à convaincre les entreprises de recruter et embaucher les jeunes du RSMA ?

Les nombreuses entreprises qui viennent nous voir ont face à elles des jeunes formés à un métier mais trouvent avant tout des candidats avec de solides qualités comportementales. C’est le principal atout de l’écosystème militaire du régiment qui, dans son approche de la hiérarchie, de la ponctualité, des rapports avec les autres, façonne des individus qui se montrent fiables. C’est justement cette fiabilité qui fait la différence et qui leur permet de réussir leur insertion : les entreprises savent qu’elles peuvent faire confiance à nos jeunes.

Au RSMA, le régiment est une sorte d’antichambre du vivre ensemble ?

(rire) La formule est sans doute exagérée mais il y a de ça, oui. En quelques mois, nos jeunes vont vivre des expériences qui dépassent là aussi la dimension du savoir être (le fil rouge du stage) et la formation professionnelle en tant que telle. L’engagement au RSMA les conduit à participer à des chantiers citoyens, à réaliser des actions concrètes au service d’organismes tiers et de la population. Par exemple, grâce à notre partenariat avec l’ONF (Office National des Forêts), ils participent à l’arrachage d’espèces envahissantes, à des opérations de dépollution de la mangrove avec des collégiens, ou à l’entretien d’un refuge de la Montagne Pelée… On les mobilise aussi sur les chantiers d’application pratiques, souvent au profit des Collectivités : nos volontaires ont ainsi rénové la cour de l’école Léon Mamie à Fort-de-France, entretenu et aménagé les berges du canal Odélie au Carbet, ou encore aménagé les douches de la plage de la Française, etc. Ils se tiennent également prêts à intervenir en cas de situation d’urgence pour des missions d’assistance et de secours à la population (distribution d’eau, déblayage d’axes routiers, etc.). Autant d’actions qui vont donner un sens particulier à leur engagement, les faire se sentir utiles, regardés, valorisés. Qui vont les transformer.

RSMA
RSMA Martinique – Credit Photo Jean-Albert Coopmann

La majorité des volontaires stagiaires sont des garçons âgés de 18 à 25 ans, est-ce que c’est une curiosité pour eux de voir une femme qui commande le régiment ? Ou ça ne l’est que pour les journalistes en mal d’inspiration ? 

(sourire) C’est bien quelque chose qui surprend toujours un petit peu, car de fait, les femmes sont bien, à l’heure actuelle, une minorité à ce niveau de responsabilité dans les armées. Cela s’explique aisément car l’ouverture du recrutement officier aux femmes s’est fait assez tardivement (années 1980), elles sont moins nombreuses que les hommes à embrasser ces carrières, et il faut au minimum 20 ans de carrière pour atteindre le grade de colonel. Forcément, à notre époque, le “chef de corps” est plus souvent un homme. Une fois que cela est dit, la curiosité à ce sujet est très fugace et très peu perceptible auprès des volontaires stagiaires qui comptent tout de même un tiers de jeunes filles. Ils s’immergent dans l’univers du régiment sans trop d’idées reçues en matière d’homme ou de femme et adhèrent au cadre, avec une chef de corps.

En termes de proportions, on compte 35 % de jeunes filles parmi les volontaires au RSMA, c’est un chiffre qui pourrait progresser ? 

Oui totalement, nous aimerions qu’il y ait autant de filles que de garçons ! Je pense que beaucoup n’osent pas nous rejoindre ou se mettent des barrières, consciemment ou pas. Les raisons sont là aussi assez diverses, et c’est parfois la maternité qui les en empêche. C’est pour cette raison que nous travaillons sur un projet ambitieux de solution d’accueil pour parents isolés, avec une possibilité de garde des enfants sur place en journée et des espaces de vie aménagés pour l’accueil parent-enfants le soir. Deux ans seront nécessaires pour le mettre en place. 

Justement, dans deux ans vous aurez quitté votre poste, à quoi ressemblera le RSMA ? 

(sourire) Je peux vous dire à quoi il ressemble déjà, c’est un espace sans équivalent doté de moyens considérables, une chance inestimable pour les jeunes Martiniquais qui permet à plusieurs centaines d’entre eux, chaque année, de prendre leur place dans la société et de s’épanouir.  

Au cours d’une carrière militaire, on ne commande un régiment qu’une seule fois, comment avez-vous porté votre choix sur le RSMA ? 

En effet ça ne se produit qu’une fois, donc je le fais avec d’autant plus d’énergie et d’engagement. Un an avant d’arriver ici, je travaillais à l’état-major du SMA, au ministère des Outre-mer, ce qui m’a en quelque sorte préparée à cette prise de fonction sur le terrain en Martinique. Une fois sur place, la gratification est quotidienne et elle est immense. Permettre à des jeunes, qui se cherchent, de réussir est une mission très noble qui nourrit un sentiment très singulier. Car en réalité tout le monde n’a pas eu la chance de grandir dans un environnement qui offrait de possibilité de se construire sereinement et librement. Cette liberté de devenir qui on veut, c’est la raison d’être de ce format de “service militaire adapté”. Je me sens à la fois chanceuse et obligée par ce rôle de commandant du RSMA de la Martinique.

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RSMA Martinique – Credit Photo Jean-Albert Coopmann
Un dispositif du Ministère de l’intérieur et des Outre-mer
7 régiments (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Mayotte, La Réunion, Polynésie française, Nouvelle Calédonie) 
Un centre de formation à Périgueux
Un état-major à Paris où environ 35 personnes pilotent ce dispositif directement rattaché au ministère de l’intérieur et des Outre-mer 

Journées Portes Ouvertes : les 6 et 7 mai 2023
Il s’agit de la première édition depuis 2019, avec un village d’artisans, des ateliers de présentation des filières et des animations pour les enfants et même un concert de DJ Natoxie. Tout est fait pour que le grand public pénètre dans l’enceinte du régiment et se familiarise avec l’environnement RSMA, ses infrastructures et les jeunes volontaires qu’ils vont rencontrer. Le régiment espère accueillir 3000 à 4000 personnes.

Le saviez-vous ?
Le RSMA est également un employeur de premier plan en Martinique : il propose en effet 150 postes de «volontaires techniciens» à des jeunes diplômés, dans des domaines très variés. Les meilleurs volontaires stagiaires peuvent d’ailleurs être recrutés à ces postes et décrocher ainsi leur premier emploi.

Titres professionnels 
2 filières de formation professionnelle du RSMA permettent aux stagiaires d’obtenir un titre professionnel : technicien d’assistance en informatique et agent prévention et sécurité.