Le recyclage du plastique serait-il un mirage ? Dans son dernier rapport (octobre 2022), Greenpeace USA interpellait sur la réelle proportion de plastique recyclé (5 % aux États-Unis en 2021). Autrement dit, on trie de plus en plus mais ça ne servirait à rien ? Derrière la formule choc et au moment où des négociations internationales sur le “cycle de vie du plastique” ont lieu sous l’égide des Nations Unies, nous avons demandé un éclairage à Zero 

Waste France. Propos recueillis par Sarah Balay 

Le dernier rapport de Greenpeace USA (octobre 2022) dresse un rapport accablant sur la production et le recyclage des déchets plastiques. Que faut-il en retenir ?

Aux USA, le taux de recyclage des plastiques est tombé de 9,5 % en 2014 à 5-6 % en 2021 (notamment suite à l’arrêt des exportations de ces déchets vers la Chine en 2018). Autrement dit, 95 % des déchets plastiques en circulation (films plastique, barquettes, briques de lait, etc.), même s’ils sont collectés, n’auront pas une seconde vie en tant que plastique recyclé mais ils sont enfouis parmi d’autres déchets. 

S’agit-il d’une remise en question du principe du recyclage du plastique ? 

Contrairement aux idées reçues, le recyclage du plastique est un procédé très gourmand en énergie, en eau, et demande l’injection de matière vierge. Beaucoup de plastiques ne sont même pas recyclables. La solution est donc la réduction de la production, bien avant le recyclage. 

Qu’attendez-vous du futur traité international sur le plastique, dont la 2ème session des négociations s’est déroulée à Paris du 29 mai au 2 juin ?

Nous défendons un texte contraignant qui prenne en compte l’ensemble du cycle de vie du plastique. En cohérence avec les objectifs climatiques fixés par l’Accord de Paris, ce traité doit viser une réduction de 75 % de la production de plastique d’ici à 2050. Il doit également garantir le respect des droits humains et la justice sociale et environnementale.

La baisse drastique et effective de la production plastique est-elle réalisable ?

Même si cela paraît difficile, la réduction de la production de plastique est une nécessité. Le coût économique de l’inaction est gigantesque. Un monde sans pollution plastique est possible si tous les acteurs prennent leurs responsabilités dès maintenant, à commencer par les industriels. 

Pour y arriver, des mesures contraignantes doivent être adoptées au niveau international, comme l’interdiction de certains plastiques inutiles, à usage unique et/ou toxiques, l’arrêt des subventions à la pétrochimie pour les matières premières plastiques d’ici à 2030 ou un moratoire sur toute nouvelle installation, ou expansion, pétrochimique. D’autre part, le réemploi doit être soutenu par un cadre réglementaire favorable et des investissements adéquats.

Croyez-vous aux innovations du type : plastique innovant qui ne se détériore pas après le recyclage ou plastique qui intègre des matières végétales (sucre, amidon, maïs, blé) ?

La priorité n’est pas de financer le recyclage, mais d’investir dans les solutions qui fonctionnent déjà : le réemploi, le vrac… Concernant les alternatives “bio”, “végétales” ou “dégradables”, attention, car certaines contiennent encore du plastique à base d’énergies fossiles et ces emballages ne se dégradent pas forcément s’ils sont jetés dans la nature. Par ailleurs, comme ils restent à usage unique, leur fabrication gaspille de fait des ressources naturelles. Si l’utilisation d’emballages à usage unique continue d’augmenter, la production de ces alternatives pourrait accaparer des terres agricoles qui seraient plus utiles pour produire notre alimentation. 

À leur niveau, les citoyens, peuvent-ils limiter cette pollution plastique ? 

Les citoyens peuvent refuser les plastiques inutiles, avoir recours à des emballages consignés et réemployés, à l’achat en vrac, ou encore en réduisant leurs achats d’objets neufs. Le plus efficace reste l’action collective comme l’engagement au sein d’un groupe local Zero Waste et ainsi agir directement sur le terrain. En Martinique, l’association Zéro Déchet Martinique est très active !

En chiffres
En France, le taux de recyclage du plastique est de 30 %
La France est l’un des plus gros consommateurs de plastique en Europe, avec 70 kg par habitant et par an (ADEME**)
460 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année dans le monde, et ce chiffre devrait tripler d’ici 2060 (*OCDE). 
Sur les plus de 9 milliards de tonnes de plastiques produits depuis les années 1950, dans le monde, moins de 10 % ont été recyclés. 
Près de 700 espèces sont menacées par la pollution plastique
40 % des plastiques sont jetés après moins d’un mois d’utilisation.
Plus de 50 % des vêtements produits contiennent du plastique et cette tendance est à la hausse. 
En France, seuls 65 % des emballages plastiques sont aujourd’hui recyclables.
20 % ne pourront jamais être recyclés et finiront incinérés ou enfouis (Citéo). 
Au moins 14 millions de tonnes de plastique finissent dans l’océan chaque année. 

*OCDE : organisation de coopération et de développement économiques

**ADEME : agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie