Parce que les besoins évoluent, parce que la technologie progresse et parce que les défis se transforment, de nouveaux intitulés de métiers émergent régulièrement. Qu’il s’agisse d’habitat, de santé ou de transition écologique, nous avons voulu savoir si ces nouveaux métiers étaient réellement pertinents et s’ils auront un avenir aux Antilles-Guyane. Pour cela, nous avons rencontré et interrogé un acteur reconnu pour chacun des secteurs.  

Texte Floriane Jean-Gilles – Sarah Balay – Yva Gelin 

LE BOOM DES MÉTIERS « VERTS »

métiers
Credit Photo Jean-Albert Coopmann

Notre expert : Anissa Zapata, consultante Energie Climat 

Selon une récente étude de l’APEC*, entre 2019 et 2021, les métiers « verts » ou « responsables » ont progressé de 21 %. Les fonctions de manager décarbonation, conseiller en transition écologique, chef de projet biodiversité, éco architecte… sont de plus en plus courantes. Un progrès significatif généré par les besoins des entreprises et des services publics de répondre aux évolutions réglementaires en matière de climat. Aux Antilles-Guyane, la tendance est-elle la même ? De quels nouveaux métiers aurons-nous le plus besoin ?

Energy Manager

Depuis 2019, les acteurs du tertiaire doivent répondre à certaines obligations légales pour réduire la consommation énergétique de leurs bâtiments (17 % de la consommation énergétique nationale). L’objectif est d’atteindre – 60 % en 2050. Depuis le premier décret, les arrêtés d’application se succèdent pour compléter et préciser ce dispositif « éco-énergie tertiaire ». Le dernier remonte au 13 avril 2022. Il précise, entre autres, pour certaines catégories et sous-catégories d’activités, les valeurs seuils à atteindre en 2030 en apportant quelques précisions méthodologiques utiles (les seuils Outre-Mer ne sont pas encore sortis). De quoi pousser davantage les acteurs concernés à se mobiliser.

Selon Anissa Zapata, consultante Énergie Climat, de plus en plus de collectivités et d’entreprises vont devoir recruter du personnel capable de les accompagner. Le nouveau métier d’ « Energy manager » est tout trouvé. Responsable de la gestion et de l’optimisation de la consommation d’énergie au sein d’une entreprise ou d’une organisation, il est chargé de mettre en œuvre les stratégies visant à réduire la consommation d’énergie, l’identification d’opportunités d’efficacité énergétique et parfois la recherche de sources d’énergie plus durables.

Chef de projet en énergies renouvelables 

Le domaine des énergies renouvelables est en cours de développement, mais va l’être encore davantage ces prochaines années, notamment sur nos territoires. En Guadeloupe, par exemple, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit 61 % de la production électrique issue de ressources locales  (24 % éolien, 17 % photovoltaïque, 2 % hydraulique et 14 % géothermie) à l’horizon 2033. Selon Anissa Zapata, outre le photovoltaïque, les autres sources d’énergies renouvelables, éolien, géothermie et énergies marines vont nécessiter de plus en plus de compétences car le potentiel de développement est très élevé. En Martinique, plusieurs études de préfaisabilité ont été réalisées ces dernières années, révélant des sites prometteurs pour la géothermie comme la zone côtière des Anses d’Arlets et le Morne rouge (flanc ouest de la montagne Pelée). Le métier de chef de projets énergies renouvelables aura donc le vent en poupe pour plusieurs missions : lancer des études de faisabilité, évaluer les risques, élaborer des plans de mise en œuvre de projets et leur suivi, en tenant compte des ressources, des échéanciers, des budgets et de la réglementation. Il devra rester informé des dernières avancées technologiques et surtout intégrer les pratiques durables dans la conception, la construction et l’exploitation des installations.

Consultant/chercheur risques climatiques et adaptation 

Les conséquences du dérèglement climatique impactent l’ensemble de la planète, mais une chose est certaine, les Outre-Mer sont en premières lignes avec plusieurs bouleversements à venir : hausse des températures, montée des eaux, baisse de la ressource en eau, phénomènes climatiques plus violents et fréquents selon le dernier rapport du GIEC*, etc. Les collectivités et les entreprises devront donc s’entourer de consultants et de chercheurs compétents pour établir différents scénarios d’adaptation en fonction des évolutions climatiques sur chacun des territoires et organisations : gestion des risques inondations, construction de bâtiments résistants, création de zones vertes pour atténuer les îlots de chaleur urbains, diversification des ressources en eau, agriculture résiliente au climat, etc. L’intelligence artificielle a également un grand rôle à jouer dans la récolte, l’analyse et l’interprétation des données climatiques. 

Les métiers des biodéchets

Selon le site internet Upcycle, « l’essor de la gestion des biodéchets va faire émerger de nouveaux métiers. À l’horizon 2025, environ 10 000 personnes devraient exercer des fonctions dans ce domaine, à l’échelle nationale ». En effet, depuis le 1er janvier, la valorisation des biodéchets (déchets non dangereux alimentaires de cuisine, biodégradable de jardin ou tout déchet provenant des établissements de production ou de transformation de denrées alimentaires), est obligatoire pour tout le monde : professionnels et particuliers. Parmi ces nouveaux métiers figurent celui de collecteur de biodéchets chargé d’assurer les tournées de collecte auprès de différents usagers et le déchargement des biodéchets dans des exutoires adaptés ; celui d’éco-animateur de tri ou ambassadeur du tri des biodéchets. Sa fonction est de mener des actions de sensibilisation et de prévention auprès d’un public varié, particuliers, professionnels, collectivités, etc..  Vont également émerger les fonctions de chargé de mission déchets des collectivités ; le maître-composteur, référent technique et animateur de la prévention et de la gestion de proximité des biodéchets ; le guide-composteur qui peut-être un habitant de la commune assurant bénévolement sa mission ou encore le référent de site, personne relais d’un ensemble immobilier, d’un quartier, impliquée dans l’information des usagers et la conduite globale du dispositif de compostage partagé (semi-collectif) ou autonome en établissement.

*APEC : association pour l’emploi des cadres (étude de 2022).

*GIEC : groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat

LES MÉTIERS DU NUMÉRIQUE

Notre expert : Betty Fausta, à la tête d’IPEOS en Guadeloupe, entreprise spécialisée dans le développement des logiciels libres

« Il faut de la création de valeur ajoutée »

Les métiers du numérique ont cet avantage d’être en perpétuelle évolution, porteurs d’innovations et présents dans de nombreux secteurs d’activité. En effet, les domaines de l’énergie, de l’agriculture, de la recherche, de la médecine, ou de l’industrie misent désormais sur le numérique pour être aussi modernes que performants. Aux Antilles-Guyane comme ailleurs, le besoin en professionnels compétents ne manque pas. Parmi les métiers du numérique incontournables de ces prochaines années comptent ceux qui gravitent autour de l’IA (intelligence artificielle), comme ingénieur en IA ou spécialiste en éthique de l’IA ; de la cyber sécurité ou l’exploitation de données (analyste, data scientist). Des fonctions davantage estampillées « marketing » sont aussi en pleine explosion comme SEM manager (chargé du référencement payant), ou Digital Brand manager chargé de valoriser l’image de marche ou d’une entreprise sur les réseaux sociaux. 

Ce qu’il faut aux Antilles-Guyane, « ce sont des projets ambitieux et de la création de valeur ajoutée ». « Nous sommes une société dépendante à 95 % des importations. S’il n’y a pas de décisions fortes au niveau national et local nous allons continuer d’être un pays qui paye des prestataires. Ces métiers de demain, nous devons les développer ici, commencer dès maintenant, et aller même au-delà ». Selon elle, nos territoires ont besoin de professionnels du numérique dans de nombreux domaines comme l’énergie, la gestion climatique, le recyclage des déchets, les ressources naturelles, la cyber sécurité et la sécurité au sens large (gestion de l’eau et de l’électricité). « Il sera également nécessaire de compter sur place des formateurs de qualité pour assurer l’éducation de la population sur ces évolutions. »