En pleine crise Covid-19, l’association MartiniqueTech dessine la réponse numérique du territoire aujourd’hui et demain.

Depuis 2012, l’association MartiniqueTech s’appuie sur le numérique afin d’accompagner le développement économique des startups, la compétitivité des entreprises et la transformation technologique du territoire.

Fidèle à ses ambitions, MartiniqueTech fait aujourd’hui preuve d’une grande réactivité en développant des outils et du contenu permettant de mieux appréhender la période d’incertitude économique et de crise sanitaire que nous traversons et envisage d’ores et déjà l’après.

Rencontre avec Emmanuel Joseph, Président de MartiniqueTech.

Comment MartiniqueTech contribue à la transformation numérique du territoire ?

Emmanuel Joseph, président de MartiniqueTech :

« Notre mission est d’aider la population et les entreprises à mieux appréhender le numérique et à découvrir comment il permet de gagner en performance. »

Nous développons également des partenariats avec les différentes filières du territoire, afin d’avoir une meilleure compréhension de leurs enjeux et de pouvoir leur offrir un accompagnement personnalisé et adapté.

Jusqu’à maintenant, sur le marché local, le numérique n’était pas vraiment perçu comme une problématique compétitive. Mais force est de constater que la crise a permis une remise en question des entreprises quant à leur organisation interne et la façon de faire face à ce type d’événement critique.

Initiatives de MartiniqueTech pendant le confinement

Lasotè Dijital

Dès le 18 mars 2020, MartiniqueTech a lancé un programme de web conférences gratuites destinées aux professionnels, afin d’accompagner la prise en main de nouveaux outils. Des replays des webinaires sont accessibles pour ceux qui les auraient manqués.

Sport bo kay avec l’IMS

Restez chez vous. Bougez chez vous !, tel est le leitmotiv du programme de cours de sport à distance développé par l’IMS en partenariat avec MartiniqueTech. Du lundi au vendredi, deux cours sont proposés chaque jour par des professionnels en fitness, en yoga ou encore en nutrition.

Etudes prospectives

Afin de coller aux besoins des entreprises et du territoire et d’apporter des réponses adaptées, MartiniqueTech a mis en place deux questionnaires en ligne : un premier pour identifier les besoins de la population et un second en partenariat avec la FEDOM pour identifier les impacts de la crise sur les entreprises locales.

Quel est le retour des entreprises depuis le début de la crise ?

A l’annonce du confinement, nous avons lancé le Lasotè Dijital, un programme de webinaires (conférences en ligne) sur des sujets divers et variés liés au numérique, dans l’optique de nous mettre à disposition des entreprises pour répondre à toutes les questions qu’elles pourraient se poser.

Et les entreprises se posent aujourd’hui beaucoup plus de questions. Elles cherchent notamment à comprendre, a posteriori, comment le numérique aurait pu leur permettre de réduire l’impact de la crise sur leur structure.

Cela nous a permis de constater qu’il y a encore une certaine méconnaissance des possibilités offertes par le numérique et que nombre de chefs d’entreprise ne sont pas du tout au courant des atouts du digital en termes de perspectives et d’opportunités d’amélioration de leur business.

Nous espérons que tout cela crée un électrochoc et que la crise permettra à tout un chacun, avec les outils mis à disposition et les analyses réalisées, de se poser les bonnes questions sur l’organisation de sa structure et sur sa capacité de résilience.

Anticipez-vous une mutation d’ampleur des entreprises au sortir du confinement ?

Tous les travailleurs directement concernés par les problématiques de mobilité, les problématiques d’accès aux données de l’entreprise à distance… ce sont eux qui vont créer un appel d’air du bas vers le haut, pour demander du changement. Car ils ne peuvent aujourd’hui que constater que le mode de fonctionnement actuel n’est pas pérenne.

« Je ne suis pas persuadé que le chef d’entreprise change tout seul. Si changement il y a, il viendra sans doute des collaborateurs, des managers, des professions intermédiaires qui vont réclamer une évolution des pratiques. »

Cette crise crée du remue-ménage chez les entreprises qui n’étaient pas acculturées au digital et en particulier des difficultés à maintenir le lien social. Quand on est une petite entreprise, de 3 ou 4 personnes par exemple, et que l’on a l’habitude d’être ensemble au bureau au quotidien, c’est très compliqué de se retrouver totalement isolé pour bosser du jour au lendemain, d’autant plus avec des enfants à la maison.

Utiliser des outils de communication tels que Whatsapp ou Messenger dépanne à court-terme mais cela ne permettra pas de rester productif sur le long terme, au sens où l’entreprise ne peut pas capitaliser sur ce mode de fonctionnement.

Pour ce qui est de la structure même des entreprises locales, je ne crois pas qu’il y aura un changement radical car après tout, notre tissu économique est déjà en grande partie constitué d’entreprises individuelles “mono-salarié”.

Cependant, les entreprises vont nécessairement devoir se poser la question de savoir quelle est leur capacité à être résilientes, c’est-à-dire, comment je peux continuer à exister en cas de crise et continuer à faire du chiffre d’affaires, même si je dois réduire mes effectifs.

La résilience d’une entreprise se mesure finalement à sa capacité à maintenir une activité en situation difficile. Or, aujourd’hui, de nombreuses entreprises n’ont plus du tout d’activité et ont été obligées de fermer car elles n’avaient malheureusement aucun processus mis en place pour pouvoir faire face à ce type de situation.

Je suis convaincu qu’une partie des entrepreneurs et chefs d’entreprise seront en mesure de faire cette remise en question en autonomie et adopteront certains réflexes dans leurs modes de fonctionnement pour être beaucoup plus résilients, beaucoup mieux préparés aux prochains chocs.

« En cherchant à s’adapter et s’organiser autrement, les entreprises vont également véhiculer à leurs clients, de nouvelles habitudes de fonctionnement. »

Identifiez-vous des opportunités économiques à la situation actuelle ?

De la difficulté naît toujours des opportunités. Comme toutes les difficultés et crises, la situation que nous traversons va nécessairement ouvrir des brèches, créer des opportunités et un effet d’aubaine.

Ce qui va être, à mon sens, primordial pour les entreprises, c’est de prendre le temps de la réflexion et de ne pas céder à la panique, de bien identifier la stratégie qu’elles souhaitent mettre en place pour continuer à exister et également de s’adresser à des professionnels afin d’utiliser des outils adaptés à leurs spécificités.

Il va nécessairement y avoir un besoin de conseil, d’accompagnement et de produit. Cependant, le nerf de la guerre n’est pas l’outil lui-même. Il y a déjà tellement d’outils disponibles que ce n’est pas sur ce sujet qu’il faudra se concentrer, mais davantage sur l’accompagnement.

« Ce qui va être intéressant, c’est la capacité du secteur de la tech à accompagner les entreprises dans leurs problématiques d’efficacité, d’efficience et de compétitivité. »

Une montée en compétences des formations proposées sera nécessaire, afin d’aider à comprendre les nouveaux cycles de fonctionnement de l’entreprise et à savoir comment mobiliser de nouvelles ressources pour l’entreprise. Cela va être fondamental.

L’intérêt est de bien identifier les besoins du client, de pouvoir trouver un ou deux outils qui répondent à ses problématiques et qui lui permettent d’être plus efficace. Ce qui va être pertinent, c’est d’accompagner la progression au fil de l’eau.

Y a-t-il une technologie qui aurait pu permettre de mieux gérer la crise que nous vivons selon vous ?

Je ne pense pas qu’il y ait une unique technologie révolutionnaire. J’identifie plutôt un ensemble de solutions qui mises bout à bout auraient permis de créer un cadre de protection plus efficace dès le début de la crise.

En ce qui concerne le suivi et le traitement des cas potentiels de covid-19, tout un pan des SIG (Système d’Information Géographique) et des technologies de cartographie peut être mobilisé. L’idée est de s’assurer, grâce à la localisation, que les personnes restent en confinement, dans le respect de la vie privée bien entendu.

Ce type de technologie peut, par ailleurs, se révéler utile pour localiser les personnes dites fragiles, personnes âgées et/ou handicapées et ainsi faciliter les échanges avec ces personnes et rompre leur isolement, aggravé par le confinement.

Au-delà de suivre des personnes isolées, ces technologies peuvent également permettre de suivre des flux de personnes ou de marchandises et ainsi faciliter les circuits d’approvisionnement, une problématique centrale aujourd’hui.

Par ailleurs, cette crise remet sur la table la problématique du kilomètre 0, en ce qui concerne la mobilité des personnes ainsi que les processus de distribution. C’est, selon moi, l’occasion de réfléchir à des solutions de multimodalité et de coordination entre les grands acteurs du transport et la population, afin de faciliter les déplacements de ceux qui sont obligés de sortir du fait de leur activité et de rapprocher les denrées des populations afin que tout un chacun n’ait pas à se déplacer pour aller faire des courses.

Pour ce qui est de l’éducation également, on voit bien que la technologie est essentielle pour assurer la continuité pédagogique à distance.

La situation actuelle va certainement accélérer la transformation des écoles et des rythmes scolaires, et des outils pédagogiques adaptés permettront de vivre au mieux ce nouveau mode de fonctionnement, qui va certainement devoir se poursuivre pendant les grandes vacances étant donné le retard pris.

Au-delà de la technologie, finalement, quelles sont les qualités nécessaires pour être plus résilient selon vous ?

Pour être résilient, la première chose fondamentale à mon sens est d’accepter ses difficultés, accepter le fait que nous soyons petits, que nous soyons sur une île, en zone non-interconnectée… Accepter les obstacles et commencer à les embrasser. Assumer les spécificités du territoire.

C’est à cette condition que l’on va pouvoir basculer à l’étape suivante. En d’autres termes : je sais que j’ai telle problématique, comment je trouve une solution à cette problématique ?

« Quand nous serons capables d’assumer nos faiblesses, nous serons davantage en mesure d’y trouver des solutions et alors, d’apporter des réponses aux difficultés rencontrées par d’autres. »

Une de nos forces est que nous avons une capacité de mise à l’échelle insoupçonnée, car nous concentrons sur un petit territoire de nombreuses problématiques, qu’elles soient démographiques, géo-spatiales, hydrauliques, énergétiques ou autres. Et donc quand nous réussissons localement à trouver des solutions, elles sont rapidement généralisables à d’autres situations similaires.

La deuxième chose pour être résilient est de faire preuve de curiosité. Il faut être à l’écoute et être ouvert.

J’ai l’impression que l’on a développé une certaine arrogance par rapport à pas mal de choses, par exemple vis-à-vis de la nature, en se disant que l’on ne sera jamais touché par les ouragans et en ne respectant pas les niveaux d’alerte par exemple. Et si cela arrivait, que ferait-on ?

Cela me semble primordial de se remettre en question, regarder ce qu’il y a à faire chez nous par rapport à nos faiblesses, regarder ce qui se fait autre part et concevoir, en amont des crises, des solutions adaptées à nos spécificités.

Enfin, je pense qu’il est important de sensibiliser la jeunesse, de leur montrer l’étendue des perspectives, de leur ouvrir le champ des possibles, de les aider à faire et à se dépasser, car si on veut changer le territoire, autant commencer par ceux qui feront le territoire de demain.

MartiniqueTech
martiniquetech.com
FB @MartiniqueTech

Cet article a été initialement publié dans l’e-magazine « Everyday We Act for Good | Les territoires se mobilisent » créé par EWAG. Découvrez le magazine complet et son contenu interactif en cliquant ici.