Christine Monlouis : « Je porte ce lourd fardeau »
Première Guadeloupéenne engagée, Christine Monlouis concentre, en 2010, les espoirs de tout un peuple. Mais son rêve se brise trop tôt contre un chalutier, au large des côtes bretonnes. Face aux critiques et aux quolibets, la Désiradienne s’exile sur son île, où nous l’avons retrouvée.
Peu de personnes du monde de la voile savent ce que vous êtes devenue. Certains pensent même que vous avez quitté l’archipel depuis des années…
Non, je vis toujours en Guadeloupe, mais à La Désirade, d’où je suis originaire. Je m’y suis installée à nouveau après la Route du Rhum 2010. J’ai d’abord exercé à l’office municipal des sports et de la culture avant d’occuper, depuis trois ans, un poste de chargée de mission au centre technique municipal.
Peut-on parler d’exil ?
Disons que j’ai fait le choix de m’éloigner, oui, de prendre du recul. On m’a tellement réduite à cet échec, ce n’était pas évident à vivre, encore aujourd’hui d’ailleurs. En plus d’avoir risqué ma vie, j’ai pris une très grosse claque derrière. Je porte ce lourd fardeau depuis.
Vous avez beaucoup réfléchi avant d’accepter cette interview, pourquoi ?
Vous savez, je me méfie des journalistes depuis cette époque. Certains ont jeté l’opprobre sur moi. Mon échec, sportif, était déjà très dur à vivre personnellement, mais ce qui a été dit, venant de médias guadeloupéens en plus… Ça m’a fait très mal, je n’oublierai jamais.
Vous souhaitiez alors vite passer à autre chose, mais ça n’a pas été possible…
Une longue bataille juridique a suivi avec les sponsors et l’armateur du chalutier contre lequel j’ai tapé, ce qui avait provoqué mon démâtage puis mon abandon. Mon voilier s’était pris dans ses câbles en acier qui le relient aux filets. Il a été reproché au bateau de pêche de ne pas avoir allumé ses instruments d’alerte et j’ai été pour ma part reconnue coupable d’un défaut de veille, mais c’est très dur en solitaire. Il m’a fallu rembourser les dégâts, car mon bateau était en location. Cette histoire s’est terminée il y a seulement trois ans. Je n’ai pas pu tourner la page du jour au lendemain comme je l’aurais souhaité.
On imagine que vous gardez tout de même quelques bons souvenirs ?
Oui, bien sûr. Le fait d’avoir eu accès à un monde qu’on ne côtoie pas habituellement fut extraordinaire. Je me souviens d’avoir pu échanger avec de grands navigateurs tels que Thomas Coville, qui est adorable, Lionel Lemonchois, quelqu’un de très humble, ou Michel Desjoyeaux, qui est très accessible. J’avais aussi tissé des liens très forts avec Julien Mabit et Louis Burton mais surtout avec ma team en Guadeloupe, dont Luc Coquelin et Jimmy Dreux.
Étiez-vous suffisamment prête pour vous lancer dans une telle aventure ?
Je pense, oui. Certes, c’était ma première expérience du large, moi qui venais de l’habitable
et de la voile traditionnelle, mais ce projet a été mûrement réfléchi. Et puis j’ai notamment
été formée par Luc Coquelin, qui n’est pas n’importe qui.