Comprendre les addictions avec le Dr Tony Romuald

Le docteur Tony Romuald est médecin-chef du service d’addictologie au Centre Hospitalier Universitaire de Guadeloupe et coordonnateur médical de la Structure régionale d’appui et d’expertise en addictologie de Guadeloupe. Un médecin engagé dans une écoute active et bienveillante des patients présentant une addiction.

© Lou Denim
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Comprendre les addictions avec le Dr Tony Romuald

Le docteur Tony Romuald est médecin-chef du service d’addictologie au Centre Hospitalier Universitaire de Guadeloupe et coordonnateur médical de la Structure régionale d’appui et d’expertise en addictologie de Guadeloupe. Un médecin engagé dans une écoute active et bienveillante des patients présentant une addiction.

Anne De Tarragon

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir médecin ?

Je suis né prématuré. Une prématurité annoncée comme fatale (à l’époque). Toute mon enfance, j’ai entendu l’histoire particulière de cette naissance très compliquée et angoissante pour mes parents. Le pédiatre de la clinique avait finalement été stupéfait de mon évolution. Je dois donc ce choix à mes parents et singulièrement à ma mère qui a failli mourir.

Pourquoi l’addictologie ?

Au début de mon internat en Guadeloupe, j’ai été marqué par les patients « toxicomanes au crack ». Cette drogue venait de faire son apparition chez nous. Mes confrères disaient qu’on ne pouvait rien pour eux. Cela m’a certainement motivé à choisir cette spécialité ! Ensuite, la rencontre avec ces patients, leur prise en charge, leur histoire singulière et certaines formations ont conforté mon choix.

C’est quoi un addictologue ?

C’est un médecin qui accompagne le patient dépendant vers l’abstinence, ou si c’est son objectif, vers la réduction ou le contrôle de sa consommation. Il prend en charge les addictions avec substances (alcool, tabac, cannabis, cocaïne, crack, substances les plus consommées en Guadeloupe) mais aussi les addictions sans substances (cyberaddiction, jeux d’argent, achats compulsifs, troubles du comportement alimentaire…). Il s’agit aussi d’accompagner l’entourage pour une meilleure compréhension et adhésion en vue de favoriser le changement souhaité. L’addiction étant un symptôme d’un système dysfonctionnel, elle nécessite aussi une prise en charge systémique et familiale aux côtés des thérapies comportementales et cognitives. .

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© Lou Denim

" Je suis fier d’avoir permis un autre regard sur les addictions. Et aussi d’avoir contribué
à réduire l’aspect tabou de cette maladie qui trop souvent est prise en charge tardivement. "

Dr Tony Romuald, Médecin-chef du service d’addictologie au Centre Hospitalier Universitaire de Guadeloupe

Quelle est votre plus belle réussite ?

Je suis fier d’avoir permis un autre regard sur les addictions, au travers de rencontres, d’interventions, d’échanges et de débats. Mais aussi d’avoir contribué à réduire l’aspect tabou de cette maladie qui trop souvent est prise en charge tardivement. Ma grande fierté, c’est la tenue des journées antillo-guyanaises d’addictologie en Guadeloupe en 2019. Un moment très fort de partage et d’émotion et un vrai succès pour la population, les patients et pour les acteurs de l’addictologie de Guadeloupe très impliqués au côté de mes collaboratrices du Groupement d’intérêt public – Réseaux et actions de santé publique en Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy (GIP-RASPEG).

Quelle a été votre implication au sein du GIP-RASPEG et aujourd’hui de Promotion Santé Guadeloupe ?

J’ai été coordonnateur médical du Réseau Addictions Guadeloupe pendant 19 ans. Ce réseau a permis d’assurer une meilleure continuité dans le suivi médico-psycho-social des personnes ayant des conduites addictives, de promouvoir et améliorer la coordination des différents acteurs et professionnels impliqués dans la prise en charge, mais aussi la prévention auprès de la population et des personnes à risque. Depuis le 1er juillet 2024, je suis coordonnateur médical de la Structure régionale d’appui et d’expertise en addictologie de Guadeloupe, portée par Promotion Santé Guadeloupe et financée par l’ARS. Les objectifs sont pour beaucoup dans la continuité de l’action du réseau, avec une part d’expertise.

Une journée avec vous, ça donne quoi ?

Mon programme varie beaucoup ! Au CHUG, j’assure des consultations individuelles ou familiales et parfois pour les patients hospitalisés. C’est aussi un temps de synthèse avec mon équipe en vue de définir un parcours de soin adapté à chaque patient. J’y donne des cours théoriques pour les étudiants infirmiers, en puériculture ou en médecine et j’encadre les internes et les externes. Et je suis coordonnateur d’une étude portée par le CHUG sur la consommation d’alcool et de tabac en Guadeloupe. Une fois par semaine, je consulte au centre hospitalier Beauperthuy pour évaluer avec l’équipe les demandes d’hospitalisation en addictologie. À Promotion Santé Guadeloupe, j’assure des formations pour les professionnels, spécialisés ou non en addictologie, des réunions pour améliorer les soins, la prévention ou organiser des journées spécifiques sur les addictions…

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans votre carrière ?

La souffrance. La souffrance exprimée ou parfois cachée dans des secrets familiaux. Les vécus familiaux traumatiques et chaotiques. Les violences physiques, psychiques et parfois sexuelles que subissent les adolescents, sans avoir pu trouver un adulte pour les protéger.

Le patient que vous n’oublierez jamais ?

C’est le jeune qui exprime une inquiétude et sa souffrance par des comportements problématiques, pour permettre la prise en charge de son parent en difficulté. Mais aussi la femme enceinte désespérée, dont des enfants ont déjà été placés, et qui espère que l’enfant à naître lui permettra de modifier sa consommation, de changer de vie. Ce sont ces personnes sans liens familiaux, sans logement, sans soutien, sans travail, sans revenus.

Si vous pouviez régler d’un coup de baguette un problème de santé local, ce serait lequel ?

Tous les problèmes de santé modifiables, que l’usager pourrait éviter, liés à l’alimentation, au manque de sport, aux substances consommées. Mais aussi la souffrance psychique des enfants qu’on ne reconnaît pas assez précocement.

Son parcours express

1992 : entrée au CHUG.

1997 : praticien hospitalier, chef du service d’addictologie à l’USLA du CHUG dans une équipe pluridisciplinaire pour la prise en charge des addictions.

2005 : coordonnateur médical du Réseau Addictions Guadeloupe porté par le GIP-RASPEG.

2005 : chargé de formation au COGES puis à l’IREPS (devenu Promotion Santé Guadeloupe).

2022 : intervient en renforcement médical dans le service d’addictologie du centre hospitalier Louis-Daniel Beauperthuy (Pointe-Noire).

2023 : nommé responsable médical de l’étude TOBASCO.

2024 : nommé coordonnateur médical de la Structure régionale d’appui et d’expertise en addictologie de Guadeloupe de Promotion Santé Guadeloupe.