Comment faire décoller l’apprentissage aux Antilles-Guyane ?
Un chiffre pour une triste réalité : le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans s’élève aujourd’hui à plus de 60% en Guadeloupe comme en Martinique, l’absence de chiffres exacts pour la Guyane ne sachant masquer une réalité encore plus alarmante… En signant un contrat d’objectifs et de moyens, l’État et les régions ont donc décidé d’apporter une réponse concrète, et de s’engager en faveur de l’apprentissage et de l’emploi. Mais cela sera-t-il suffisant ?
Avec le renouvellement du Contrat d’Objectifs et de Moyens (COM) entre l’État et les régions Guyane, Guadeloupe et Martinique, l’État et les Régions ont donc décidé de frapper fort : dix millions d’euros en Martinique, plus de onze millions en Guadeloupe et six millions en Guyane. Un geste fort pour relancer les formations en alternance si longtemps dénigrées dans nos territoires.
Parce que l’apprentissage n’a pas encore trouvé sa place dans le tissu économique et social des Antilles-Guyane. Les raisons de ce retard sont multiples : nombre limité des filières et diplômes préparés par la voie de l’apprentissage, lourdeur des investissements permettant l’ouverture de nouvelles filières, quasi absence des grandes entreprises et du secteur public de l’offre d’emploi en apprentissage, un taux d’accès au niveau IV (baccalauréat) dans le cursus scolaire qui reste très faible en Guyane (35%), faible aux Antilles (65%) quand il est de 80% en Métropole… De plus, les secteurs en pleine expansion (ex : médico-social, BTP, etc.) ne sont pas forcément ceux où l’offre de formation est la plus disponible, et quand cette offre existe, ces filières ne sont pas forcément les plus attractives en terme d’image pour les jeunes.
Enfin, c’est la nature même du tissu économique antillo-guyanais qui ne permet pas de mettre en place de telles filières de formation : plus de 70% de nos entreprises ne comptent qu’un seul ou même aucun employé. Dans ces conditions, le circuit administratif de l’apprentissage se révèle d’une grande complexité pour ces entreprises peu organisées collectivement et qui ne bénéficient pas toujours de réseaux et d’organisations patronales développés.
Aussi, le Contrat d’Objectifs et de Moyens est-il une réponse certes concrète mais qui ne peut être l’arbre cachant la forêt. Il faut bien entendu un investissement des collectivités pour rénover les CFA et augmenter leur capacité d’accueil. La réussite d’un tel programme passe aussi par l’adaptation de l’offre quantitative et qualitative de formation au marché local, l’amélioration de la qualité du déroulement des formations des apprentis et de leur condition matérielle, le soutien à l’initiative pédagogique et à l’expérimentation, le développement de la mobilité des apprentis vers les Antilles, la métropole et l’étranger, etc.
Néanmoins, le plus vaste chantier est ailleurs : il faut avant toute chose que les Antilles et la Guyane structurent leurs économies, en identifiant et en stimulant les filières porteuses d’emploi et d’activité. Le tout, bien sûr, en tenant compte des besoins réels des entreprises de façon à ce que celle-ci jouent pleinement le jeu et commencent à y croire. Développer l’alternance passe ainsi par une meilleure connaissance de nos économies et en ce sens, la création d’un observatoire sur les besoins de formation des entreprises semble l’un des premiers outils à mettre en place.
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