Dr Roseline Delblond : « je soigne avec les plantes »
Durant toute sa carrière, Roseline Delblond, docteure en pharmacie à Bellefontaine et présidente de l’Avaplammar*, a mis les plantes médicinales au centre de sa pratique. Jeune retraitée, elle poursuit sa mission : celle de soigner les maux des autres avec les plantes. *Association pour la valorisation des plantes médicinales de la Martinique.
Dr Roseline Delblond : « je soigne avec les plantes »
Durant toute sa carrière, Roseline Delblond, docteure en pharmacie à Bellefontaine et présidente de l’Avaplammar*, a mis les plantes médicinales au centre de sa pratique. Jeune retraitée, elle poursuit sa mission : celle de soigner les maux des autres avec les plantes. *Association pour la valorisation des plantes médicinales de la Martinique.
Comment êtes-vous devenue pharmacienne ?
À l’origine, je voulais être médecin, mais j’ai finalement bifurqué vers la pharmacie. J’avais envie de soigner les gens autrement. À l’officine, je conseillais volontiers des plantes médicinales plutôt que des médicaments classiques. À la faculté, on m’a appris tout un tas de choses sur des plantes qui ne sont pas de chez nous, comme le tilleul. Là, je me suis dit qu’il était important de revenir aux fondamentaux en s’intéressant à ce qui pousse sur nos îles.
D’où vient cet intérêt pour les plantes ?
Dès l’enfance, j’ai vu mes parents se soigner grâce aux plantes que l’on avait dans le jardin. Je me souviens m’être foulé la cheville et avoir vu mon père mélanger des feuilles de zorèy-mouton avec de la chandelle de bougie. Il en avait fait un cataplasme et me l’avait appliqué sur la cheville. Dès le lendemain, je marchais normalement ! Quant à ma mère, elle nous soignait beaucoup avec des tisanes de plantes médicinales.
Vous souvenez-vous de guérisons surprenantes grâce aux plantes ?
Il y a peu de temps, j’ai fait la connaissance d’un arbitre de foot. Il avait, lors de son jogging quotidien, respiré de fortes doses de pesticides. Depuis, il se plaignait d’un mal de gorge et d’une gêne respiratoire. Il avait tout essayé pour s’en débarrasser, pris des tonnes d’antibiotiques. Quand il est venu me voir au bout d’un mois, je lui ai sorti une bouteille de chiniy-trèf trempée dans du rhum. Le lendemain matin, il m’a appelée pour me dire qu’il se sentait mieux. Je me souviens aussi d’une autre personne qui traînait une toux depuis des années. Il a suffi qu’elle prenne régulièrement des tisanes de plantes dont du gwo kocliko rouj pour faire passer sa toux avec du miel et du citron.
Vous êtes la présidente de l’Association pour la valorisation des plantes médicinales de la Martinique (Avaplammar). Quel est le rôle de ce collectif ?
Notre but est d’accompagner les gens en forêt pour les aider à identifier les plantes médicinales dans leur milieu naturel. Nous allons aussi dans les écoles pour sensibiliser les jeunes. Mais ces activités ont cessé à cause du Covid. Nous avons aussi fait de nombreux colloques dans tous les Drom. En Guadeloupe, en Guyane, mais aussi en Nouvelle-Calédonie ou à La Réunion et à Tahiti. Chaque pays possède sa propre flore et donc ses propres remèdes ! J’observe depuis quelques années un vrai regain d’intérêt pour les médecines traditionnelles.
Faut-il nécessairement avoir un terrain pour créer son propre jardin médicinal ?
Il n’est pas nécessaire d’habiter à la campagne pour avoir son petit jardin médicinal. Je vis en ville, à Fort-de-France, et j’ai mes jardinières où je cultive de l’atoumo, de la citronnelle, du thé péyi et d’autres plantes.
Quelles plantes conseilleriez-vous d’avoir toujours chez soi ?
Si je devais n’en citer que cinq, je choisirais le moringa, le basilic, le gros thym, la brisée et l’Aloe vera. Le moringa aide à réguler le diabète, une maladie très présente sur nos territoires. Et si vous n’avez rien à manger, vous pouvez consommer ses feuilles ! Le gros thym est très bon pour la circulation. La pulpe de l’Aloe vera soigne les brûlures. Elle permet une guérison sans trace. Le basilic en décoction est très bon pour la digestion. Quant à la brisée, elle est excellente pour lutter contre les grippes tropicales comme la dengue, à condition de la consommer en tisane. Pour nos compatriotes qui vivent en Hexagone, je recommande le basilic et la cannelle avec un peu de clou de girofle pour se concocter des grogs et faire face à l’hiver.
Comment se consomment les plantes médicinales ?
Il y a deux manières de consommer les plantes médicinales. En infusion ou en décoction. La décoction est réservée aux parties épaisses des plantes, comme les racines ou les tiges. On les plonge dans une eau à température ambiante et on porte à ébullition. Les infusions concernent les feuilles et les fleurs des plantes. Là, il faut d’abord faire bouillir l’eau et ensuite laisser tremper le tout une dizaine de minutes.
Est-il possible d’apprendre à faire ces préparations ?
Oui. Le meilleur moyen d’apprendre, c’est d’aller sur les places de marché et de discuter avec les vendeurs. Au sein de mon association, nous faisions beaucoup de formation ainsi que des sorties. Pour ma part, j’ai déjà commencé à transmettre à ma fille et à mes petites filles pour que ce savoir ne se perde pas avec moi.
Les diabétiques et les hypertendus peuvent-ils utiliser les plantes pour se soigner ?
Le diabète et l’hypertension sont deux fléaux de nos départements. Il faut revoir en priorité son alimentation. Mais des décoctions de cannelle et des infusions de moringa et de pawoka peuvent aider à réguler son diabète, à condition d’en parler à son médecin. Pour la seconde, la zèb tansyon est excellente en décoction ou des tisanes de zèb koumès. Vous pouvez également faire bouillir des christophines et en consommer l’eau.
Parcours Express
Septembre 1985 : diplôme d’État de docteur en pharmacie.
Décembre 1991 : ouverture de son officine à Bellefontaine.
2009 : présidente de l’Avaplammar.
Novembre 2018 : 10e Colloque international sur les plantes aromatiques, médicinales et cosmétopées à Tahiti – Intervention sur l’usage des plantes traditionnelles aux Antilles pour se protéger et se soigner des maladies cardiovasculaires.
Avril 2025 : départ à la retraite.