Est-ce vraiment une urgence ?
Les campagnes d’information sur les services d’urgence se succèdent. Pourtant, nos services restent saturés. Pour une meilleure prise en charge, adoptons de bonnes attitudes.
Est-ce vraiment une urgence ?
Les campagnes d’information sur les services d’urgence se succèdent. Pourtant, nos services restent saturés. Pour une meilleure prise en charge, adoptons de bonnes attitudes.
1. Comprendre une urgence
« Il s’agit d’une situation qui risque d’entraîner des préjudices au niveau des fonctions vitales si elle n’est pas prise en charge dans un délai optimal », définit le Pr Patrick Portecop, chef de service Samu-Smur, chef du pôle urgences soins critiques (CHU de Guadeloupe) et médecin coordonnateur du réseau Karu-Urgences*.
2. Évaluer les différents types d’urgence
- Urgence vitale
Situation de détresse où la vie du patient est en danger imminent faute de soins rapides et adaptés : hémorragie sévère, asthme grave, obstruction des voies aériennes supérieures, réaction allergique grave, cardiopathies avec arrêt cardiaque…
- Urgence relative
Elle nécessite une prise en charge, mais sans que le facteur temps soit prédominant. La vie du patient n’est pas en danger imminent. Cette urgence relative est le reflet d’une évaluation à un instant T et peut évoluer à tout moment. En effet, l’état du malade peut se dégrader brutalement et passer en urgence vitale. Ainsi, l’urgence relative nécessite une surveillance régulière de l’état clinique du patient.
- Arrêt cardiorespiratoire
Il correspond à la cessation de l’activité mécanique cardiaque confirmée par l’absence de pouls et une apnée.
3. Savoir quand composer les numéros d’urgence
15
Avant de vous déplacer aux urgences, composez le 15 pour joindre le Service d’aide médicale urgente (Samu) et avoir une intervention rapide. Selon le Pr Patrick Portecop, « le centre 15 a un rôle de régulation centrale. Il a la capacité de diminuer progressivement l’engorgement des urgences en apportant une réponse adaptée qui évite le déplacement du patient ». Au CHU de Guyane, le Dr Alexis Frémery, praticien hospitalier au service des urgences et Samu, insiste : « Le centre 15 est là pour vous conseiller. Vous devez toujours appeler pour déterminer l’urgence. »
114
Accessible par visiophonie, tchat et SMS, pour les personnes sourdes et malentendantes.
112
En voyage ou en déplacement en Europe, utilisable dans tous les pays de l’UE.
Les appels vers ces numéros sont gratuits, géolocalisés et priorisés. Les services sont joignables 24 h/24, 7 j/7.
4. Choisir les solutions alternatives
- Journée : si votre cas n’est pas urgent, contactez votre médecin traitant.
- Nuit, week-end et jour férié : vous pouvez joindre un médecin, une pharmacie de garde ou des lieux de soins non programmés (maisons médicales, maisons de santé, etc.). Les listes sont sur internet (mairies, ARS). En Guadeloupe, cinq à six centres de consultations non programmées devraient ouvrir en 2026, selon le Pr Portecop.
5. Rester calme
« Soyez patients ! », exhorte le Dr Alexis Frémery, praticien hospitalier (CHU de Guyane). Les situations conflictuelles viennent souvent d’incompréhensions des patients. « Si le délai est long, c’est qu’on est occupé ailleurs », insiste le Pr Portecop (CHU de Guadeloupe).
Le Dr Frémery renchérit : « Les soins demandent du temps incompressible. Par exemple, dans le cas de bilans biologiques, il faut que la machine ait le temps de réaliser les analyses. » Le sentiment que sa situation justifie une priorité et la crainte que son état de santé ne s’aggrave augmentent cette anxiété du patient.
Au CHU de Martinique, le Dr Florian Négrello, responsable Samu, observe surtout ce comportement chez les moins de 40 ans : « Contrairement aux personnes âgées, les jeunes sont vindicatifs et ont une culture de l’instant. On veut tout, tout de suite. C’est la génération Uber ! » Néanmoins, le Pr Portecop se veut rassurant : « La formation médicale à l’urgence permet d’évaluer l’urgence vitale, l’urgence relative et l’urgence ressentie. » D’où l’importante pédagogie de l’assistant de régulation médicale (ARM), au bout du fil, qui — grâce à un interrogatoire bien mené — est à même de réorienter le patient vers une solution adaptée à sa situation.
6. Éviter les abus
Les urgences sont réservées aux cas les plus graves. Or, « une grosse part de nos activités — au moins 50 % — sont des interventions qui ne relèvent pas d’urgences », souligne le Dr Alexis Frémery. Il cite notamment la petite traumatologie (plaies, entorses, fractures) ou des symptômes fébriles (rhumes, gastro-entérites, courbatures). Les urgences, ce n’est pas pour un certificat médical sportif, un renouvellement d’ordonnance, une vaccination, une prolongation d’arrêt de travail, la réalisation de radios, un test de grossesse sans symptômes pathologiques.
7. Mesurer les failles du système
« La crise sanitaire de 2020 a montré la forte capacité de résilience, mais aussi la pénibilité de nos métiers et les grandes failles du système », admet le Pr Portecop. S’il pointe du doigt le manque de moyens alloués à la santé, il dénonce également une société violente (circulation des armes, agressions, accidents routiers) et la responsabilité des politiques et des citoyens. « À l’échelle individuelle, territoriale et nationale, chacun doit se poser des questions », prévient-il.
De son côté, le Dr Frémery est confronté à la réalité du département français dont la densité médicale est la plus faible. « Le réseau de soins est mal connu de la population. L’avènement des plateformes de rendez-vous complique l’accès aux médecins de ville. » La solution ? « Nous devons redoubler d’efforts sur la communication : qu’est-ce que la médecine d’urgence ? Pourquoi et quand se rendre aux urgences ? » En attendant, « les urgences restent la solution de facilité », souffle-t-il.
*Groupement d’intérêt public – Réseaux et actions de santé publique en Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy (Gip-Raspeg).
Les urgences en chiffres !
En 2024, on observe :
En Guadeloupe
Aux urgences : 140 071 passages.
Au centre 15 : 324 143 appels reçus / 83 % des appels décrochés en moins d’une minute.
En Guyane
Aux urgences : environ 105 000 passages.
Au centre 15 : 311 449 appels/an. 91 % des appels décrochés en moins d’une minute.
En Martinique
Aux urgences : 90 000 passages.
Au centre 15 : 307 000 appels/an. 81 % des appels décrochés en 30 secondes.
La caméra du téléphone pour aider les urgentistes
Bonne nouvelle pour les interventions d’urgence ! Il sera bientôt possible, dans certaines situations, de déclencher la caméra du téléphone de l’appelant. Ainsi, « l’assistant de régulation médicale pourra avoir une meilleure appréciation de la situation décrite », se réjouit le Pr Portecop.