Frédérique Dulorme à l’écoute des enfants

Le Dr Frédérique Dulorme est pédiatre du neuro-développement. Engagée pour la prévention des troubles de l’apprentissage et la prise en charge optimale de ses petits patients, elle tente d’allier bienveillance et écoute avec une détermination tout terrain.

Dr Frédérique Dulorme, pédiatre © Lou Denim
Dr Frédérique Dulorme, pédiatre © Lou Denim

Frédérique Dulorme à l’écoute des enfants

Le Dr Frédérique Dulorme est pédiatre du neuro-développement. Engagée pour la prévention des troubles de l’apprentissage et la prise en charge optimale de ses petits patients, elle tente d’allier bienveillance et écoute avec une détermination tout terrain.

Texte : Anne de Tarragon

Avez-vous rêvé d’être médecin ?

Eh non ! C’est plutôt une vocation tardive, presque fortuite. Je rêvais d’être reporter-photographe. Mon père, aussi réaliste que pragmatique, a eu l’argument imparable pour m’éloigner de cette carrière précaire et dangereuse selon lui : menacer de me couper les vivres. J’étais au collège, c’était un peu tôt pour être autonome ! J’ai choisi une filière scientifique, puis j’ai fait médecine à Bordeaux : les stages du cursus m’ont permis de découvrir différents services et spécialités. La pédiatrie s’est imposée à moi comme une évidence. Durant l’internat entre les Antilles-Guyane et Bordeaux, j’ai choisi des diplômes universitaires (DU) me conférant un profil « infectio » et « neuro-développement ». Forte de ce parcours, je rassure souvent mes jeunes patients : il n’est pas grave de ne pas savoir très tôt ce qu’on veut faire, car il est possible de découvrir sa voie selon les opportunités qui se présentent.

Pourquoi être revenue en Guadeloupe ?

Parce que je suis Guadeloupéenne, je suis née et j’ai grandi ici. Aussi parce que ma grand-mère m’a fait comprendre qu’il fallait revenir avant qu’elle ne meure. Je suis revenue pensant faire quelques remplacements, et finalement, je ne suis pas repartie. Et j’en suis heureuse, mais c’est un vrai engagement. Je voudrais inciter les jeunes qui ont des talents et des compétences à revenir les exprimer sur leur terre natale. Nous en avons tellement besoin !

Avez-vous eu des mentors dans votre parcours médical et personnel ?

Oui. J’ai été amenée à certaines fonctions par « compagnonnage ». Parmi les grandes figures qui m’ont accompagnée et marquée, un de mes mentors a été Gérard Brédent. Je l’admirais beaucoup pour sa personnalité forte mais empreinte d’une grande douceur dans son rapport avec ses petits patients. Il m’a beaucoup influencée dans ma pratique, me suggérant de m’intéresser aux enfants qui ont des difficultés d’apprentissage. J’ai alors validé d’autres diplômes et c’est devenu mon cœur de métier : pédiatre du neuro-développement. Sans oublier Jack Bade, José Périanin, Jean-Pierre Diara, et Rénald Aristide, qui était mon pédiatre, mais aussi mon prédécesseur au CAMSP (Centre d’action médico-sociale précoce). J’ai travaillé avec eux près de 5 ans avant d’ouvrir avec des « amies-consœurs » la maison de santé du Nord Basse-Terre.

Pourquoi la pédiatrie ?

Le pédiatre est le spécialiste de l’enfant, de la naissance à l’adolescence. Il l’accompagne dans ses acquisitions et d’une manière générale dans son développement. Au-delà des soins classiques, c’est très gratifiant d’accompagner les familles afin de proposer à chaque enfant un environnement optimal pour un développement harmonieux. Alimentation, hygiène de vie, interactions, sommeil, activité physique : c’est beaucoup de prévention et on peut influer de façon très significative sur la vie du futur adulte dès l’enfance.

Quelles sont les qualités d’un bon pédiatre selon vous ?

La bienveillance et l’écoute. Les enfants ne vous donnent pas plusieurs chances de s’ouvrir à vous : il ne faut pas se rater. Ils doivent pouvoir faire confiance, constater qu’on leur dit la vérité. J’ai dû développer ma patience, ma capacité à prendre sur moi, à formuler, présenter les choses. Je suis fière d’avoir des petits patients heureux de venir en consultation. Il m’arrive de me mettre à genoux avec eux pour jouer. Instaurer une vraie relation de confiance, ça peut aussi passer par là. La pédiatrie fait vivre toutes sortes d’émotions.

dsc_9573
© Lou Denim

« Je voudrais inciter les jeunes qui ont des talents et des compétences à revenir les exprimer sur leur terre natale. Nous en avons tellement besoin ! »

Dr Frédérique Dulorme, pédiatre du neuro-développement

Vous êtes présidente de l’Union régionale des médecins libéraux de Guadeloupe (URPS). Quel est son rôle ?

D’abord secrétaire générale de l’URPS en 2015 sous la présidence du docteur Ursule, mon mentor syndical, j’ai été élue présidente en 2021. Un bon moyen de comprendre les enjeux de la santé et de m’engager au-delà de ma seule pratique. L’URPS se positionne en effet comme un laboratoire d’idées : il est important de pouvoir faire remonter, au niveau des instances et décideurs, les difficultés, problématiques, mais aussi les idées du terrain, de faciliter la formalisation de projets pour améliorer la pratique, la fluidité des parcours, l’accès aux soins, et la santé des patients au final. On accède surtout à une meilleure compréhension de diverses situations, on appréhende mieux les tenants et aboutissants. J’ai aussi pu apprécier l’agilité et la capacité de réponse aux situations critiques de la médecine libérale, l’engagement des confrères malgré le contexte politique complexe du moment.

Vous intervenez aussi au CAMSP. Que sont ces Centres d’action médico-sociale précoce ?

Embauchée en 2011, j’ai pris la direction médicale du CAMSP des Abymes en 2015. Nous accueillons les enfants de moins de 6 ans présentant des troubles (sensoriels, moteurs, mentaux…) pour les aider à développer leur autonomie et leurs compétences. Nous avons une file active autorisée de 110 enfants par an. En réalité, nous avons toujours poussé les murs pour en voir bien plus. Les enfants bénéficient d’un bilan pluridisciplinaire (pédiatre, pédopsychiatre, orthophoniste, psychomotricien, psychologue, ergothérapeute, puéricultrice, éducateur, assistante sociale…) afin de poser un diagnostic le plus précis possible. Puis, est préconisée une rééducation adaptée ou une orientation.

Vous avez de grosses semaines ! Comment tenez-vous le coup ?

Effectivement. Je n’ai que peu de jours off et je travaille sur des plages horaires étendues : je suis clairement hyperactive ! J’essaie d’avoir une hygiène de vie correcte, même si peu de sommeil me suffit pour être opérationnelle. J’essaie d’optimiser le temps. Mais j’ai surtout la chance d’être entourée de personnes humainement extraordinaires qui me soutiennent énormément, m’aident à garder la tête froide et les idées claires… ma mère, mes proches en général.

De quoi êtes-vous le plus fière ?

Je suis heureuse d’être rentrée chez moi, en Guadeloupe, et de contribuer à ce que les choses bougent, mais certainement pas « fière », car je suis loin d’avoir atteint mes objectifs : il me tient à cœur d’améliorer l’attractivité médicale, mais aussi les axes de prévention et l’accès aux soins des enfants qui ont des troubles neuro-développementaux. C’est une vraie « bombe à retardement » : quels adultes deviendront ces petits patients s’ils sont insuffisamment accompagnés dans l’enfance ? Je suis d’un naturel optimiste, mais aussi très réaliste. La Guadeloupe cumule les facteurs de risque pour ces troubles : précarité, désertification médicale, prématurité, diabète et obésité des mamans, chlordécone, sargasses, zika et autres arboviroses. Beaucoup de sujets me révoltent, mais celui-ci en particulier ! Ça bouge, oui, mais trop lentement à mon goût.