Guadeloupe : « Nous sommes à un carrefour pour faire de l’ESS un pan de l’économie qui pèse »

Depuis bientôt dix ans, la Chambre Régionale de l'Économie Sociale et Solidaire (CRESS) de Guadeloupe œuvre à accompagner les projets d'ESS sur le territoire et se structure en mêm temps pour mener à bien sa mission. Entretien avec sa présidente, Murielle Toto

Guadeloupe : « Nous sommes à un carrefour pour faire de l’ESS un pan de l’économie qui pèse »

Depuis bientôt dix ans, la Chambre Régionale de l'Économie Sociale et Solidaire (CRESS) de Guadeloupe œuvre à accompagner les projets d'ESS sur le territoire et se structure en mêm temps pour mener à bien sa mission. Entretien avec sa présidente, Murielle Toto

Amandine Ascensio

Quel est le rôle d'une Cress dans un territoire comme la Guadeloupe, où l'ESS existe depuis si longtemps, presque sans qu'on s'en rende compte ?

Justement, le fait que ce soit un mouvement naturel crée toutefois un manque de structuration de l’écosystème. C’est totalement le rôle de la Cress d’animer cette communauté, d’adapter et d’accompagner les projets pour éviter toute perte de mobilisation. Par rapport au bénévolat d’il y a cinquante ans, celui d’aujourd’hui a indéniablement changé, porté par le consumérisme. Et même si chez nous, on garde encore un peu cet esprit villageois d’entraide naturelle, le « yonn a lot », le mouvement commun, la Cress sert à maintenir ce maillage collectif, pour continuer d’avancer ensemble. Et depuis la loi de 2014, la question de la présence d’une Cress ne se pose pas : c’est un outil régional qui a un savoir-faire en interne, qui doit savoir mobiliser les expertises nécessaires.

L’ESS représente 8% des entreprises guadeloupéennes.

Source : ESS France Outre-mer – L'ESS en Guadeloupe en 2024

La Cress fonctionne-t-elle à son plein régime ?

Nous sommes une chambre toute récente, même si officiellement nous avons dix ans d’existence. Au départ, nous avions 82 entreprises de l’ESS dans notre giron. Nous accompagnons de plus en plus de structures qui veulent se professionnaliser (1007 structures en 2024, NDLR) et pour faire cela, il y a une toute petite équipe que nous étoffons d’ailleurs : nous recrutons actuellement cinq nouvelles personnes. Et derrière nous, nous avons ESS France qui nous offre, avec son pôle Outre-mer, un groupe d’experts pour nous aider à structurer nos accompagnements pour les porteurs de projets d’ici.

Quand un porteur de projet vient vous voir, par quel parcours passe-t-il ?

On le félicite car il faut un sacré courage, aujourd’hui, pour se lancer dans l’ESS. Mais toute plaisanterie mise à part, on va l’écouter, chercher à comprendre son projet, où il en est, ce dont il a besoin. On va ensuite pouvoir l’orienter vers des structures partenaires comme France Active, qui propose des solutions de financement. On va aussi pouvoir le conseiller sur les différentes étapes du projet, sa gouvernance, ses statuts, sa comptabilité, mais aussi les formations possibles, et bien sûr, suivre son développement.

En Guadeloupe, l’ESS compte 11 193 salariés, dont 72 % de femmes.

Source : ESS France Outre-mer – L'ESS en Guadeloupe en 2024

En Guadeloupe, qui sont les acteurs principaux de l'ESS ?

À 86 %, ce sont surtout des associations loi 1901 dont plus de 40 % sont dans l’action sociale, mais aussi la formation et l’enseignement. Nous avons aussi pas mal d’acteurs de l’ESS dans le secteur de la finance et beaucoup dans la santé, notamment le médico-social.

La loi de 2014 sur l'ESS ouvrait le champ à la création de coopératives ouvrières, d'intérêt collectif, ou de projets qu'on voit encore peu chez nous : ces évolutions sont-elles prévues ?

Actuellement, en Guadeloupe, je trouve qu’on est à un carrefour pour faire de l’ESS un pan de l’économie qui pèse sur le territoire, à la fois en termes d’emplois mais aussi de services. Il est vrai que nous avons peu de SCOP, ou de SCIC, mais c’est toutefois en cours de développement : certaines associations entament leur transformation. Nous avons, avec les coopératives agricoles, notamment dans la canne, une vraie tradition de coopératives. Par ailleurs, nous avons une monnaie locale qui est en phase de structuration et qui devrait lancer son expérimentation sous peu. Pour moi, l’ESS, c’est un peu l’avenir de notre territoire.