Inventer demain, ici et maintenant

En Guadeloupe, I-Nova transforme les idées en projets concrets. La technopole fédère ainsi chercheurs, entreprises, investisseurs et collectivités, et place l’innovation au cœur du développement durable et du rayonnement du territoire. Rencontre.

Claudia PHILIBERT : Chargée de mission R&D agro transformationÉmilie ERAMBERT : Chargée marketing, communication et événementiel juniorGary KODADAY : Chargé d’affaires Accompagnement des entreprises innovantesAxelle TIEDREZ-DAIJARDIN : Directrice de la Technopole InovaCédric COCO-VILOIN : Chargé de mission R&DVaneeta MAHARAJ : Responsable administrative et financièreVitty DORVILLE : Responsable marketing, communication et événementielRaïssa GOUBIN-KERN : Conseillère Développement InnovationChelsea BOUDINE : Chargée d’affaires junior Accompagnement des entreprises innovantes LOU DENIM
Claudia PHILIBERT : Chargée de mission R&D agro transformationÉmilie ERAMBERT : Chargée marketing, communication et événementiel juniorGary KODADAY : Chargé d’affaires Accompagnement des entreprises innovantesAxelle TIEDREZ-DAIJARDIN : Directrice de la Technopole InovaCédric COCO-VILOIN : Chargé de mission R&DVaneeta MAHARAJ : Responsable administrative et financièreVitty DORVILLE : Responsable marketing, communication et événementielRaïssa GOUBIN-KERN : Conseillère Développement InnovationChelsea BOUDINE : Chargée d’affaires junior Accompagnement des entreprises innovantes LOU DENIM

Inventer demain, ici et maintenant

En Guadeloupe, I-Nova transforme les idées en projets concrets. La technopole fédère ainsi chercheurs, entreprises, investisseurs et collectivités, et place l’innovation au cœur du développement durable et du rayonnement du territoire. Rencontre.

Sarah Balay

Présentez-nous I-Nova ainsi que son rôle dans l’écosystème de l’innovation en Guadeloupe ?

Axelle Tiedrez-Daijardin, directrice I-Nova Guadeloupe : I-NOVA est née d’une volonté régionale de stimuler l’innovation et le développement économique. Après une phase expérimentale en 2018, la structure a été officiellement créée en 2022. Basés à Jarry (Baie-Mahault), et financés par des fonds européens et régionaux, nous fédérons tous les acteurs de l’écosystème – entreprises, chercheurs, investisseurs, acteurs publics, société civile – pour créer un environnement favorable. Concrètement, toute personne, ayant validé une première preuve de concept, peut venir nous voir pour être accompagnée dans la transformation de son idée en solution.

Quels sont les profils qui composent aujourd’hui votre équipe et en quoi leur diversité est un réel atout ?

Nous sommes huit aux profils variés et complémentaires pour couvrir tous les aspects de l’innovation : R & D (recherche et développement), finance, stratégie de marché, levée de fonds et export. Je supervise la propriété intellectuelle et la stratégie d’innovation. Cette diversité nous permet un suivi 360° des projets, avec recours à des experts externes si besoin, selon un processus clair : diagnostic, objectifs et feuille de route.

Pourquoi le lien avec la recherche académique est-il si stratégique pour le développement de projets innovants ?

L’université des Antilles (UA) et l’INRAE*, membres fondateurs d’I-Nova, sont des partenaires clés. Nous valorisons ainsi les résultats de la recherche, favorisons le transfert technologique vers l’économie, accompagnons les jeunes docteurs vers l’entrepreneuriat et sensibilisons à la propriété intellectuelle. Nous mobilisons aussi les laboratoires universitaires pour répondre aux besoins techniques des projets et développons des plateaux techniques afin d’accélérer la transformation des innovations en solutions concrètes pour notre territoire.

Quels sont les enjeux spécifiques de l’accompagnement de projets innovants et comment I-Nova y répond-t-elle ?

Accompagner l’innovation, c’est gérer des enjeux complexes : R & D, certifications, financements ou encore propriété intellectuelle. Chez I-Nova, nous adaptons notre soutien à chaque étape. Pour les brevets, par exemple, nous aidons les porteurs à analyser l’état de l’art* et à évaluer la pertinence d’un dépôt. Côté financement ou R & D, nos experts les conseillent, structurent leur démarche et facilitent les bonnes mises en relation. L’objectif : gagner du temps et maximiser les chances de succès.

Les Caribbean Innovation Days approchent : quelle place cet événement occupe-t-il dans votre vision de l’innovation en Guadeloupe et dans la Caraïbe ?

C’est un rendez-vous clé pour l’écosystème de l’innovation, pensé comme un espace de co-construction et de prospective. Nos marchés naturels sont ceux où nos solutions innovantes répondent à des enjeux similaires à ceux que nous rencontrons ici, à savoir la Caraïbe, l’Amérique du Sud et l’Afrique, parfois l’Europe, mais principalement sur des enjeux de résilience et avec des voies d’accès différentes. L’événement permettra aussi de débattre de cette singularité et de mieux intégrer nos innovations dans les réseaux nationaux et européens.

Y a-t-il un projet soutenu par vos équipes qui incarne la façon dont I-Nova fait la différence ?

Nous accompagnons, par exemple, Karusphère, société de recherche appliquée, dans la création d’une start-up issue de ses travaux sur le monitoring préventif et l’impact des brumes de sables dans la Caraïbe, via une plateforme d’aide à la décision. Au-delà de l’accompagnement 360° proposé par Deep & Rise*, nous avons facilité sa co-incubation à MétéoFab et son parcours au concours i-LAB 2025. Un exemple concret de notre valeur ajoutée.

Nicolas verres et Axelle Daijardin LOU DENIM

Des hampes de bananiers aux emballages éco-responsables

« C’est un projet guadeloupéen, innovant, tourné vers l’économie circulaire et le développement durable. Peut-être même le début d’un autre mode de fonctionnement… ». Il y a cinq ans, rien ne prédestinait Nicolas Verres, commercial dans la téléphonie mobile, à devenir entrepreneur, encore moins à la tête d’une société innovante. En 2019, il relève pourtant un défi audacieux : imaginer une alternative locale aux emballages polluants ! « Avec l’interdiction des plastiques à usage unique, il fallait trouver une solution, notamment pour la restauration rapide, très populaire chez nous », explique-t-il.

Quelques mois plus tard, il participe au concours I-Nova et séduit le jury avec une idée novatrice : valoriser la hampe des bananiers, un déchet abondant et fibreux, qui pourrit sur les exploitations (jusqu’à 7 000 tonnes par an).

Récompensé, il bénéficie de l’accompagnement de partenaires mandatés par I-Nova ainsi que des subventions de l’ADEME (agence pour la transition écologique), du Département et de la Région. L’aventure prend forme en août 2020 avec la création de LVDEV : La valeur des déchets verts.

« Un vrai besoin »

Aujourd’hui, l’unité pilote, implantée à Gourbeyre, fabrique déjà un papier d’emballage recyclable et biodégradable utilisé par des artisans, artistes et agro-transformateurs. Mais ce n’est qu’une étape. « Mon objectif est de produire des emballages avant tout alimentaires (papier, barquettes, assiettes…), poursuit Nicolas. Les études de marché montrent que c’est dans ce secteur qu’il y a le plus de gaspillage et donc un vrai besoin ».

L’entrepreneur a collaboré avec l’Institut national polytechnique de Grenoble pour faire valider son process. Mais doit encore obtenir les certifications environnementales et sanitaires exigées par l’ADEME. I-Nova, quant à elle, poursuit son accompagnement. « Aujourd’hui, la preuve du concept est faite, précise Axelle Tiedrez-Daijardin, directrice d’I-Nova. Nous travaillons désormais sur le développement de la structure : dimensionner l’activité, anticiper les besoins en ressources humaines, sécuriser les aspects environnementaux, etc. L’objectif est de passer d’une production artisanale à une échelle semi-industrielle, voire industrielle. Cela implique d’automatiser certaines étapes jusque-là manuelles, tout en garantissant la même qualité de papier et de pâte, et en quantité suffisante pour répondre à la demande ».

fondatrice YURE Lou DENIM

Pour une économie plus juste

Portée par Toya Vertil, Yure est une fintech guadeloupéenne dédiée à l’inclusion financière. Elle prépare le lancement d’un terminal de paiement permettant aux commerçants, en marge de la digitalisation, de centraliser leurs transactions et à terme, d’activer pour leurs clients des comptes bancaires avec carte associée. Accompagnée par I-Nova via le dispositif Deep & Rise, la start up a pu consolider son business plan et bénéficier d’un appui technique et financier décisif avec un déploiement prévu en Afrique de l’Ouest, au Brésil et les Antilles-Guyane.

 

Yann Lamarre, chercheur biologiste MAG-C.CuRe Lou DENIM

L’innovation au service de la douleur chronique

La société MAG-C.CuRe, fondée par le chercheur Yann Lamarre, transforme la recherche sur la drépanocytose* en solutions thérapeutiques innovantes à base de cannabinoïdes, en fédérant cliniciens, biologistes et pharmaciens autour du programme Cannova. I-Nova l’accompagne pour passer de la recherche à l’entrepreneuriat : structuration du business model, préparation au concours I-Lab, accès aux financements et mise en réseau avec experts et mentors.

INRAE, moteur scientifique au sein d’I-NOVA

Membre d’I-Nova, l’INRAE (Institut national pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) met son expertise et sa logistique au service de l’écosystème d’innovation guadeloupéenne, notamment dans les domaines du système alimentaire et de la bioéconomie. L’outil co-construit avec la technopole s’articule autour de quatre volets : fermes agro-écologiques et climato-résilientes ; laboratoire de services pour l’analyse d’échantillons ; halle technologique dédiée aux produits biosourcés ; espace de formation et d’accueil de porteurs de projets. « Cette démarche collaborative, conduite avec d’autres partenaires (CIRAD, université, instituts techniques…), place la recherche et l’innovation au service du développement économique local et de la transition agroécologique. », précise Harry Archimède, président du centre de l’INRAE Antilles Guyane.

Yann Lamarre, chercheur biologiste MAG-C.CuRe Lou DENIM

Un pont entre recherche et innovation

L’université des Antilles, un des membres fondateurs d’I-Nova, travaille en étroite collaboration avec la technopole, via la Direction de la recherche et de la valorisation, pilotée par Mendy Bengougou Valérius et créée en 2023. Ce service relie monde académique et socio-économique, en soutenant les chercheurs, en sécurisant les financements, en protégeant les résultats et en favorisant leur diffusion ou leur exploitation. Ensemble, ils accompagnent les jeunes chercheurs pour transformer leurs découvertes en innovations concrètes, notamment grâce à des concours nationaux comme Starthèse et organisent toute l’année des ateliers thématiques (propriété intellectuelle, déclaration d’invention…). Ce partenariat facilite également les liens entre entreprise et chercheurs notamment par l’utilisation des plateaux techniques pour la recherche et le développement des acteurs territoriaux.

Yann Lamarre, chercheur biologiste MAG-C.CuRe Lou DENIM

Un intrant naturel contre les champignons

À 35 ans, Pauline Dentika représentera la Guadeloupe, dans quelques semaines, lors de la finale nationale du Starthèse Challenge 2025, concours porté par l’UA et soutenu par la technopole I-Nova. Docteure en sciences agronomiques et enseignante au lycée agricole de Baie-Mahault, elle défend Plantévia, un projet qui utilise la fermentation de l’ail pour créer un intrant naturel qui a le potentiel de protéger les cultures contre les champignons en dépit du climat. Objectif : offrir aux producteurs des zones tropicales une solution stable, pouvant se conserver plus longtemps, afin de sécuriser leurs récoltes et surtout encourager une agriculture plus durable. Encore en recherche de financements pour tester et valider ses molécules, Pauline compte sur ce concours pour donner à son innovation l’élan nécessaire.

Yann Lamarre, chercheur biologiste MAG-C.CuRe Lou DENIM

Transformer les sargasses en cuir végétal

Océanne Cipolloni transforme les sargasses en cuir végétal, souple, résistant et imperméable. Une alternative innovante au cuir animal. Docteure en biologie marine, elle a fait émerger ce projet de sa thèse, soutenue en 2023 à l’université des Antilles sur la contamination des algues brunes. Sa start-up (SargSea), créée il y a un an, est encore en phase de lancement et à la recherche de financements pour valider le processus de décontamination. En septembre, elle a présenté son projet lors de la finale régionale du Starthèse Challenge, soutenu par I-Nova. Le cuir, à base de sargasses, n’est pas juste un produit, explique Océanne. C’est un projet à fort potentiel économique, environnemental et international, capable de générer emplois et marchés durables ».