L’ITSEE, un outil pour éclairer les politiques saint-martinoises
Saint-Martin s’est enfin récemment dotée d’un Institut territorial de la statistique et des études économiques études économiques (ITSEE). De quoi produire et analyser des données afin, entre autres, que les politiques publiques aient une meilleure connaissance de la réalité du territoire.
Texte Fanny Fontan
En mars dernier, le Conseil territorial de la Collectivité de Saint-Martin votait à l’unanimité la création d’un Institut territorial de la statistique et des études économiques de Saint-Martin.
« C’est pour le bien de Saint-Martin », avance Alain Richardson, 1er vice-président de la Collectivité et président de l’ITSEE qui note « qu’il est des sujets qui font fi des clivages partisans ». Impossible de nier en effet qu’il existe encore trop peu de données statistiques sur le territoire. Et seule la COM, dotée de la compétence statistique, pouvait y remédier.
L’ITSEE, pour remédier au manque de données
L’IEDOM (Institut d’émission des départements d’Outre-mer), filiale de la Banque de France, a pour métier principal l’émission de billets et de pièces. Parmi ses autres activités, il est aussi un observatoire économique et financier des territoires ultramarins. Sur Saint-Martin, jusqu’à présent, l’IEDOM publiait principalement un rapport annuel. « On souffrait d’un manque de données économiques et financières », confie Thierry Beltrand, directeur de l’IEDOM Guadeloupe et Îles du Nord, qui se félicite donc de la création de l’ITSEE et annonce la parution prochaine d’une étude comparative entre les deux parties de l’île.
Quant à l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), qui est un établissement public, il n’a lui aussi qu’une activité limitée sur le territoire. « Les missions de l’Insee à Saint-Martin sont régaliennes », explique Jean-Baptiste Herbet, directeur inter-régional Antilles-Guyane de l’Insee. Ce qui signifie qu’il y réalise tous les cinq ans, et comme dans chaque grande commune (+ de 10 000 habitants) du territoire national, le recensement de la population. Mais aussi, et à la même fréquence, le compte économique, autrement dit, le calcul du PIB du territoire.
« L’information statistique permet d’anticiper et de mesurer ce qui se passe aujourd’hui et les besoins que la population et les entreprises peuvent adresser aux politiques. »
Démarrer en partenariat avec l’Insee
Aujourd’hui opérationnel, l’ITSEE devrait démarrer ses travaux dans les prochaines semaines. L’un des premiers chantiers consistera en l’analyse des riches données du dernier recensement de l’Insee. « En 2024 », promet Alain Richardson, « nous mettrons en place un observatoire des prix avec pour objectif de créer un indice des prix à terme ». L’équipe devrait compter cinq personnes d’ici la fin de l’année, puis huit fin 2024. Un Data manager doit arriver en novembre. Dans le cadre d’un partenariat avec l’Insee, Philippe Winnicki, ancien chef du service territorial de l’Insee Guadeloupe, a été mis à disposition de la COM pour prendre la direction de l’ITSEE depuis le 1er septembre. L’Insee s’est également engagé à former les personnels de l’ITSEE aux outils de la statistique publique et à les soutenir techniquement pour l’exploitation des données. Un partenariat avec l’IEDOM est également à l’étude.
En outre, une mission interne à l’ITSEE est entièrement dédiée à l’économie du tourisme. L’Insee apportera son aide pour la mise en place d’une enquête auprès des touristes et à la demande de la COM, étudie la possibilité d’intégrer le parc hôtelier de Saint-Martin dans son enquête sur la fréquentation touristique en Guadeloupe. Les travaux de cette mission « pourront, par exemple, servir d’instrument de mesure précis du poids de cette industrie dans notre économie ou encore d’évaluation des politiques publiques dédiées au développement touristique », prévoit Alain Richardson.
« Éclairer la gouvernance » grâce aux statistiques
Obtenir des données statistiques n’est en effet pas une fin en soi. L’idée, c’est d’avoir un impact. « Les objectifs sont multiples mais nous avons d’abord un besoin impérieux d’éclairer la gouvernance par nos travaux », avance Alain Richardson. Comme le souligne Thierry Beltrand, « l’absence de statistiques ne permet pas de bâtir de politiques fiables. Sans indice des prix », insiste-t-il, « on ne sait pas qu’elle est l’inflation ». Et il est donc, entre autres, plus difficile de négocier une augmentation de salaire.
« L’information statistique permet d’anticiper et de mesurer ce qui se passe aujourd’hui et les besoins que la population et les entreprises peuvent adresser aux politiques », estime Jean-Baptiste Herbet. Ce qui est, selon lui, non seulement utile à la prise de décision politique mais également à la population concernée par ces décisions. Le recensement permet, par exemple, aux politiques publiques de savoir si la population s’accroît et s’il faut construire des crèches, des écoles ou des EHPAD, d’orienter les investissements à long terme, d’aménager le territoire en fonction du lieu d’habitation et de travail des habitants, de calibrer les besoins en eau, en électricité, etc. Les collaborateurs de l’Insee sont régulièrement auditionnés par l’Assemblée nationale sur les enjeux des DROM-COM. « On n’est pas là pour dire ce qu’il faut faire, sur qui taper ou comment réagir, mais simplement pour donner les clés », avance Jean-Baptiste Herbet. Encore faut-il faire preuve de patience. La statistique est un processus long et sa prise en compte se fait parfois attendre.
« On n’est pas là pour dire ce qu’il faut faire, sur qui taper ou comment réagir, mais simplement pour donner les clés. »