Jackson RICHARDSON, « la pression était immense »

Capitaine emblématique de l’équipe de France de handball, Jackson Richardson regrette d’avoir échoué avec les Bleus, en 2004, sous la pression. Mais le porte-drapeau réunionnais garde un souvenir inoubliable de ces Jeux d’Athènes

Jackson Richardson © CNOSF_KMSP
Thibaut Desmarest

Capitaine emblématique de l’équipe de France de handball, Jackson Richardson regrette d’avoir échoué avec les Bleus, en 2004, sous la pression. Mais le porte-drapeau réunionnais garde un souvenir inoubliable de ces Jeux d’Athènes

Propos recueillis par Thibaut Desmarest

Quels souvenirs gardez-vous de ce moment, il y a près de vingt ans ?

Ce fut une très grande fierté d’amener cette délégation, d’en être le capitaine. J’ai toujours eu l’habitude de partager des émotions collectives dans mon sport, alors vivre cette sensation de manière individuelle m’a beaucoup touché. Avec le recul, je me rends vraiment compte du privilège que j’ai eu.

L’entrée dans le stade olympique d’Athènes vous a beaucoup marqué…

Vous savez, nous, au handball, on joue au maximum dans des salles de 20 000 places ou à Paris-Bercy, lors de grands rendez-vous. Et quand je vais voir du foot, je suis dans les tribunes. Alors là, me retrouver tout en bas, au centre… Après une longue attente dans le tunnel, on voit enfin la lumière, on se dit, ça y est, les Jeux commencent. À ce moment, on veut que personne d’autre ne soit à notre place.

Vous échouez en quart de finale. Pensez-vous que ce rôle de porte-drapeau vous a fait sortir de vos objectifs sportifs ?

C’est vrai que ça m’a pris beaucoup d’énergie. Il ne s’agit pas juste de défiler dans le stade mais d’accompagner plus de 350 athlètes. J’étais l’ancien, l’expérimenté, donc la pression était énorme en termes de responsabilités auprès de mes camarades, en termes de sollicitations médiatiques, etc. C’était difficile de rester focus, d’autant que notre tournoi court sur toute la durée des Jeux, contrairement à d’autres sports comme l’athlé, l’escrime ou le kayak. Je n’ai pas été à la hauteur de mes prédécesseurs (1). Ça a été une très grosse déception.

Vous regrettez ?

Pas du tout, ce fut un honneur qu’on ne m’enlèvera jamais. J’ai toujours décroché des titres collectifs alors là, j’en ai profité pour moi, même si c’est tout le handball français qui était porte-drapeau en quelque sorte.

Vous aviez été désigné par Henri Sérandour, l’ancien président du CNOSF. Avez-vous le sentiment d’avoir été choisi comme un symbole en tant qu’ultramarin ?

Je ne peux pas dire oui, je ne peux pas dire non. Sur mon île ou en Métropole, ou même à l’étranger, j’ai toujours réagi en tant que Français. Je suis fier d’être Réunionnais et fier d’être Français.

Avez-vous été victime de remarques racistes suite à votre désignation ?

Je ne me suis pas focalisé sur l’image que je pouvais renvoyer, honnêtement. Le racisme, je l’ai toujours vécu, j’ai toujours dû supporter ça, surtout dans les autres pays où j’ai évolué. Je n’y ai jamais porté attention, car ces gens manquent d’intelligence. En tout cas, en France, je ne l’ai pas vécu en tant que porte-drapeau.

Quels conseils donneriez-vous aux prochains porte-drapeaux à Paris ?

De ne pas se laisser submerger par l’émotion, surtout à la maison. En me transmettant le drapeau, à J-100, David Douillet m’avait glissé à l’oreille : « Tu verras, c’est un instant inoubliable ! » Il n’avait pas tort !

(1) Marie-José Pérec en 1996 (Atlanta) et David Douillet en 2000 (Sydney) avaient remporté l’or.


Retrouvez cet article dans le hors-série D’entrée de jeux, édition 2023