Katarina Jacobson, patriote
Première Guadeloupéenne docteure en archéologie précolombienne, également primée aux “Talents de l’Outre- mer”, Katarina Jacobson est fière « d’être là où on ne l’attendait pas ». Passionnée, tenace et déterminée, elle contribue aujourd’hui à la création du récit et de l’identité de son pays.
Texte Sarah Balay
LA PASSION DES ORIGINES
Férue de culture, Katarina Jacobson se découvre très jeune un intérêt pour l’archéologie qui lui permet une « meilleure compréhension de son identité caribéenne ». À l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, elle entame un cursus en archéologie précolombienne. « Ce n’est que onze ans plus tard, alors maman de trois enfants (Mattéo, Zya et Messy), que j’ai décidé de passer ma thèse (1). »
Aujourd’hui docteure, elle est également vice-présidente du bureau des directeurs de l’association des Musées de la Caraïbe (MAC) et participe, en tant qu’experte, à de nombreuses conférences, notamment à l’étranger. Ambitieuse, elle songe aussi à écrire un ouvrage, « histoire de renforcer mon ego ». Alors que le monde entier lui tend les bras, elle a fait le choix de rester en Guadeloupe. « C’est du patriotisme pur. Cette compétence, je veux la ramener au pays. »
ENTRE VIE DE MAMAN ET PROJET DOCTORAL
En 2013, en quête d’une nouvelle « stimulation intellectuelle », Katarina quitte la Guadeloupe pour les Pays-Bas. Direction la faculté d’archéologie de Leiden pour un projet doctoral d’envergure : NEXUS 1492. Objectif : comprendre l’impact de l’arrivée des Européens sur les sociétés amérindiennes.
« J’étais la seule Française et la seule maman d’un groupe d’une trentaine d’étudiants. »
Un défi qu’elle a surmonté en neuf ans de travail acharné entre les Pays-Bas, l’Allemagne, la République Dominicaine et la Guadeloupe. « C’était très difficile d’être séparée de mes enfants. Je me demande encore comment nous avons pu surmonter ça ! Je dois ma réussite au soutien inconditionnel de mes enfants, de mes parents et de mes proches. Sans eux, rien n’aurait été possible. »
EXPÉRIENCES MUSÉALES : CHANGER POUR AVANCER
Depuis le 1er juillet, la native du Gosier occupe le poste de directrice du musée municipal Saint- John-Perse, à Pointe-à-Pitre, un lieu où l’on apprend, temple de la « transmission ». Des notions essentielles à ses yeux. Une expérience muséale qu’elle ne fait qu’enrichir, puisqu’entre 2007 et 2023, elle exerce différents postes au musée départemental Edgar-Clerc au Moule (2).
« J’avais envie d’évoluer mais les perspectives étaient limitées. À la fin de mon doctorat, j’ai donc accepté l’idée de changer. » Au musée Saint-John-Perse, elle entend « faire avancer le domaine muséal en Guadeloupe et dans la Caraïbe », en boostant notamment l’image du site et son nombre de visiteurs grâce, entre autres, au succès des expositions temporaires, Maré Tèt, Noël et carnaval.
CONSÉCRATION (ENFIN) MÉRITÉE
4 avril 2023, Katarina passe sa soutenance de thèse à Leiden face à un jury en robe. La seule fois de sa vie où elle a pu débattre de sa thèse « face à des gens qui l’ont lue en entier ». Mais surtout où elle a pu lire autant de fierté dans les yeux de ses enfants. Quelques mois plus tard, elle est lauréate des Talents d’Outre-mer, dans la catégorie art et culture. « C’est là que tu réalises tout le chemin parcouru et que tu savoures cette reconnaissance, après des années de sacrifice. »
Article paru dans le hors-série Portraits Guadeloupe, mars 2024 |
(1) Sa thèse s’intitule « Jeu d’argile : céramique, identité culturelle, créolisation ».
(2) Musée départemental entièrement dédié à l’archéologie précolombienne.