Kazabrok, De la seconde main et bien plus encore
La ressourcerie, installée au Raizet, est une association majeure dans le champ de l’ESS. Si elle est spécialisée dans les produits de seconde main, elle a multiplié, sous l’impulsion de son infatigable fondateur, Franck Phazian, les opérations en faveur de l’écologie, de l’insertion sociale et du sport.
 Cédrick-Isham Calvados
                            Cédrick-Isham Calvados
                    Kazabrok, De la seconde main et bien plus encore
La ressourcerie, installée au Raizet, est une association majeure dans le champ de l’ESS. Si elle est spécialisée dans les produits de seconde main, elle a multiplié, sous l’impulsion de son infatigable fondateur, Franck Phazian, les opérations en faveur de l’écologie, de l’insertion sociale et du sport.
Plus besoin de présenter Kazabrok : tous les Guadeloupéen(ne)s connaissent cet espace de plusieurs milliers de mètres carrés aux Abymes où s’entassent des tonnes de produits de seconde main. Il y a l’espace — le plus grand — réservé aux vêtements pour tous, aux jeux pour enfants, du mobilier, de la vaisselle, du petit électroménager, des sacs… « Je viens ici régulièrement pour acheter des habits, notamment pour mes enfants. Ce n’est pas cher et tout est en bon état », confie Lucie (le prénom a été changé à sa demande), croisée au détour d’un rayon de l’immense magasin. Pas cher et accessible aux porte-monnaie les moins bien garnis : le leitmotiv depuis toujours pour le fondateur, Franck Phazian, à la tête de l’association depuis 2007, et intarissable sur le sujet. L’affaire d’une vie. Sa vie.
100 % seconde main
« Avant la création de Kazabrok, je travaillais déjà dans une autre association (Jaricot, à Carénage/Pointe-à-Pitre, NDLR) qui avait pour but d’aider les plus pauvres. » Il la quitte en 2007, l’année où il rencontre l’abbé Pierre, fondateur d’Emmaüs. « Ça a été comme une révélation », s’exclame Franck Phazian. « Il y avait un fort besoin sur le terrain, raconte-t-il. Les gens avaient toujours besoin de s’outiller, de livres, de vêtements, de mobilier et l’offre du marché local n’était pas du tout dans leur capacité financière. » Alors la seconde main, c’était la clé. Avec un terrain mis à disposition par le Département, le dynamique entrepreneur entame la création de son association. Tout est fait, soudé, monté et créé main.
Il fonde, dans cette même dynamique, Kazarecycle qui s’occupe spécifiquement du gros électroménager, les déchets électriques et électroniques, les D3E, dans le jargon. Et pour faire tout ça, il ramène avec lui une petite équipe qui le connaît bien. « J’avais monté un club de sport attenant à Jaricot et quand je l’ai quittée, j’ai emmené tous les sportifs avec moi. C’était ma seule condition », sourit-il. Ensemble, ils mettent un an à construire le projet. En 2008, Kazarecycle ouvre ses portes et voit affluer des dizaines de gens. « On a vu un mouvement qui annonçait la crise de 2009 (1) », se souvient le patron des lieux, qui ne lâchera jamais son but ultime. Réparer les vivants, comme il aime à dire.
(1) Le mouvement social de 2009 en Guadeloupe, mené par le LKP (Liyannaj Kont Pwofitasyon), a donné lieu à une grève de 44 jours ayant pour revendication la revalorisation du pouvoir d’achat.
 
                                                    Bientôt une ressourcerie nautique
Epaulé par une équipe fidèle et motivée (qui le suit depuis bientôt 20 ans), il monte des chantiers d’insertion, pour lesquels il va recruter parmi les personnes les plus défavorisées de l’archipel. Ses ouvriers ? Des jeunes hommes souvent, aux parcours de vie chaotiques parfois, d’autres qui aspirent à changer d’horizon, rebondir, se former autrement. Des âmes perdues pour le marché du travail et l’économie classique. Mais à Kazabrok, ils trouvent un abri, un travail, des soins, une raison de se lever le matin, des projets, des idées et maintes réalisations.
« Après Kazarecycle, on a fait Kazavélo. Puis KazaRénov. Tous les vendredis, on partait chez quelqu’un dans le besoin pour remettre des portes, refaire le système électrique, nettoyer… », énumère Franck, qui reprend : « On travaille avec la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse), autour des travaux d’intérêt général. Il y avait chez moi un petit gars qui, quand il est arrivé, était incapable de parler, drogué, psychotique. On a travaillé avec l’équipe mobile de psychiatrie et quand il a quitté la structure, il distribuait des tracts en expliquant ce qu’on faisait à Kazabrok. »
Des victoires comme celle-ci, Franck Phazian en compte des centaines. Elles aident à rester mobilisé et motivé. Car la vie d’entrepreneur social n’est pas de tout repos. Changements de loi, de modalités de subventions, défaillances des versements… Les chantiers d’insertion peuvent s’avérer complexes. Désormais, celui qui emploie six personnes sur Kazabrok et une cinquantaine sur Kazarecycle nourrit un nouveau projet : une ressourcerie nautique, couplée à une formation tout public liée aux métiers de la mer, notamment autour de la plaisance. Une affaire qui survient après un long travail d’observation dans les régates de voile traditionnelle. « Nous, les Antillais, on a un rapport complexe, parfois conflictuel avec la mer. Je crois qu’amener les gens à l’apprivoiser, ça aide aussi à se guérir. »
 
                                                    