Lakou Bosco, un village dans le quartier
Installée aux Abymes, l’association Lakou Bosco se définit bien au-delà d’un agrément de tiers-lieu ou de centre social. Elle est avant tout un espace de vie où chacun trouve sa place et se sent accueilli.
©Cédrick-Isham Calvados
Lakou Bosco, un village dans le quartier
Installée aux Abymes, l’association Lakou Bosco se définit bien au-delà d’un agrément de tiers-lieu ou de centre social. Elle est avant tout un espace de vie où chacun trouve sa place et se sent accueilli.
« Il faut tout un village pour éduquer un enfant. » C’est l’idée sur laquelle s’est construite Lakou Bosco, cet « esprit lakou » cher à la tradition créole — historiquement, « lakou » désigne un ensemble de cases. Aujourd’hui, les préfabriqués qui abritent l’association sont devenus un lieu de vie partagé pour bon nombre de jeunes et adultes du quartier. Son directeur, Arthur Massiet du Biest (notre photo), s’étonne encore du chemin parcouru en cinq ans. « Tout a commencé par de l’animation de rue. » C’était en 2020, en vpleine crise sanitaire. La Guadeloupe sort à peine de confinement, et Arthur et Pierre vont à la rencontre des habitants du quartier. Ils jouent avec les enfants, discutent avec les parents. « L’idée était “d’aller vers” et, à travers le jeu, d’instaurer un lien de confiance et d’amitié pour aller ensuite vers une relation éducative. »
La spécificité de Lakou Bosco ? Être une association qui ne s’est pas constituée seulement pour, mais aussi avec les habitants. Si l’objectif est clair, « favoriser l’épanouissement, la dignité et la responsabilisation des enfants, des adolescents et des familles, en les aidant à prendre place dans la société », les moyens d’y parvenir sont co-construits. Les dix salariés d’aujourd’hui sont pour la plupart d’anciens bénévoles (35 actuellement) qui se sont « fait happer par l’esprit et l’engagement Lakou Bosco », note Delphine Ravier, responsable du pôle famille.
80 : C'est le nombre de jeunes de 4 à 16 ans accompagnés par Lakou Bosco par semaine
« Sans confiance, pas d’éducation »
Chacun apporte ainsi sa pierre à l’édifice et l’association obtient la reconnaissance des institutions : en 2023, c’est l’agrément « tiers lieu » délivré par le Département ; en 2024, Lakou Bosco est reconnue centre social par la CAF et reçoit l’agrément « éducation académique » du rectorat ; et en 2025, c’est l’agrément « jeunesse et éducation populaire » qui lui est délivré par la Délégation régionale académique à la jeunesse, à l’engagement et aux sports.
Dans quelque temps, l’association devrait déménager dans de nouveaux locaux : le Village Lakou Bosco, composé d’espaces chaleureux et de rencontre autour d’un manguier centenaire ! Les travaux ont tout juste commencé. « Sur les 2,2 millions d’euros qu’il nous faut, nous avons déjà 2 millions, financés majoritairement par la CAF, mais également le Département, Action Logement et les fondations privées. Ne reste plus que 200 000 euros à trouver », note Arthur Massiet du Biest. « Ensuite, il faudra continuer à faire vivre la structure dans ce même esprit Lakou. L’idée est que ça devienne un lieu de ressourcement, de partage, où toutes les différences sont les bienvenues, où on n’attire pas seulement le jeune, mais aussi l’oncle, le cousin, la grand-mère… Et que chacun y trouve un espace qui lui convienne puisqu’on aura une cuisine, un “repair café” pour apprendre à réparer plutôt que jeter, une salle multimédia, un lieu d’accueil parents-enfants, un terrain de sport… »
S’agrandir, oui, mais pas question d’y perdre son âme. L’esprit lakou doit perdurer, fait de bienveillance, de confiance et d’espérance car, comme le disait l’éducateur Jean Bosco : « Sans affection, pas de confiance ; sans confiance, pas d’éducation. »
Accompagner les parents pour aider les enfants
Kristy de la Clémendière est à la fois bénévole et prestataire. Elle anime les séances de fitness pour les « mamans », les « émancipées » comme elle les appelle parfois. « Nos premières séances, on les a faites volets fermés parce qu’elles ne voulaient pas être vues, se souvient Kristy. Et aujourd’hui, on fait du sport en extérieur, du vélo, de la natation… On est même parties à Marie-Galante. » Certaines de ces femmes ont d’ailleurs suffisamment repris confiance en elles pour s’engager dans un parcours de retour vers l’emploi.
Parce qu’en accompagnant les parents, on aide aussi les enfants. « On ne peut pas faire sans eux », insiste Delphine Ravier, la responsable du pôle famille qu’elle a créé il y a deux ans avec un objectif en tête : « rétablir le parent dans son rôle de premier éducateur ». Pour ce faire, « il faut déjà être à l’écoute ». L’approche est alors globale, allant de la médiation avec les instances de droit commun comme la CAF, à des formations pour développer les habilités parentales, en passant par des activités pour renforcer l’estime de soi ou la complicité avec son enfant…
« Le cœur de cible est toujours le jeune, rappelle Delphine Ravier. Mais quand ça fonctionne, on le doit à la mobilisation de toute la communauté : salariés, bénévoles, parents… »
« Une deuxième famille… »
« J’ai vu les affiches et j’ai eu envie de venir », se souvient Nancy, aujourd’hui âgée de 14 ans, comme Daniel. Lui est venu à Lakou Bosco après avoir rencontré Arthur dans le quartier. « Je jouais dans la rue et Arthur est venu avec une autre personne de l’association. Ils ont dit qu’ils aidaient les jeunes, qu’ils organisaient des sorties, des activités… »
Depuis quatre ans, Nancy et Daniel (notre photo) viennent environ deux fois par semaine et pendant les vacances. « C’est une deuxième famille, confie l’adolescent. C’est là que je viens quand j’ai besoin de quelque chose », sûr d’y trouver le soutien dont il a besoin. « Ma mère est anglophone et elle m’a aussi encouragé à venir car ici, on peut m’aider à faire mes devoirs », poursuit Daniel.
Depuis tout petit, l’adolescent rêve de devenir sapeur-pompier. « Arthur est allé voir à la caserne des Abymes et j’ai pu participer à la sélection des jeunes sapeurs-pompiers. » S’il n’a pas encore franchi le pas, Daniel sait maintenant ce qu’il lui reste à faire pour atteindre son rêve.
Nancy, elle, ce qu’elle apprécie, ce sont les rencontres, et Lakou Bosco lui a permis de nouer de nouvelles amitiés, des jeunes de son âge à qui elle n’aurait pas forcément parlé à l’école, « à cause des a priori », explique l’adolescente : « Ici tout le monde peut venir et j’ai appris qu’il ne faut jamais juger les gens sans les connaître… ».
Lien vers la cagnotte en ligne pour le financement du village LAKOU BOSCO