Le breaking au rythme olympique

Les JO de Paris 2024 accueilleront donc, pour la première fois, la discipline qui avait déjà fait une apparition aux Jeux de la jeunesse de Buenos Aires (Argentine), en 2018. L’épreuve se déroulera les 9 et 10 août, place de la Concorde, à Paris. Trente-deux athlètes (16 B-Boys et 16 B-Girls) seront qualifiés.

18 Le breakeur guyanais Dany Dann, devant la station spatiale, à Kourou, en Guyane, a obtenu son ticket d'entrée pour les Jeux ©Ingway SABAJO @raw_photographe
Anne-Laure Labenne

Par Anne-Laure Labenne

Du Bronx à la Concorde

Le breaking fait son apparition dans les années 1970 dans le quartier du Bronx, à New York. « Ce sont les chefs de gangs qui ont souhaité transformer la violence en quelque chose de positif. De là sont nées les battles et toute la culture hip-hop. Il faut attendre la fin des années 1980 pour que ce mouvement novateur et fédérateur arrive aux Antilles-Guyane et attire les jeunes de la rue », explique Yves Milôme, le coordinateur DOM-TOM de la Fédération française de danse. « Chez nous, contrairement à la France, les premiers danseurs et groupes fer de lance du mouvement sont peu médiatisés. Malgré tout, beaucoup se reconnaissent dans les valeurs véhiculées que sont la paix, l’amour, l’unité et le vivre-ensemble. »

Les JO de Paris 2024 accueilleront donc, pour la première fois, la discipline qui avait déjà fait une apparition aux Jeux de la jeunesse de Buenos Aires (Argentine), en 2018. L’épreuve se déroulera les 9 et 10 août, place de la Concorde, à Paris. Trente-deux athlètes (16 B-Boys et 16 B-Girls) seront qualifiés. Chaque pays pourra sélectionner au maximum deux athlètes par genre, soit quatre en tout. « Après les compétitions nationales et internationales de très haut niveau, l’entrée du breaking aux JO est la continuité logique des choses. C’est une reconnaissance aussi pour tous ces sportifs à qui on demande de grandes qualités athlétiques. »

L’entrée du breaking aux JO est la continuité logique des choses.

Entre chorégraphie et freestyle

Lors des compétitions, le danseur peut alterner entre des phases chorégraphiques, qu’il connaît par cœur, et des phases de freestyle. « Le tout donne un côté très travaillé, très maîtrisé à l’enchaînement, mais aussi très libre. Le flow, le toucher, l’occupation d’espace et l’interaction avec le public sont autant de qualités requises qui doivent amener les juges et le public à vous regarder avec attention. »

Jury lors du championnat de France, à Reims, en avril dernier, Yves Milôme a pu constater la belle progression du niveau français. « En B-Boy +16, ça a été très disputé. Il y a une vraie maîtrise des fondamentaux : danse et glissé au sol, jeux de jambes, acrobatie, puissance… » À Paris, les athlètes s’affronteront en battle de un contre un, mêlant ainsi performance physique et artistique. « Certains danseurs vont entrer avec un côté très énervé, ça peut juste être une interprétation, une façon de vouloir dire les choses. Comme un comédien qui entre dans son personnage. »

DJ et MC : piliers des battles

Comprenez ici que sans DJ ni MC (maître de cérémonie), il ne se passe rien, ou presque. « Lors de battles de breaking, le DJ est primordial. Dans le milieu, on dit qu’il balance les galettes pour régaler l’audience, autrement dit public comme danseur », détaille Yves Milôme. « Le danseur ne sait jamais, en amont, ce que va jouer le DJ. C’est du live, sinon ça serait trop facile, limite robotique. Mais le B-Boy connaît forcément les musiques qu’il écoute lors de ses trainings ou sur des playlists. »

Le MC, quant à lui, est « l’ambianceur » de l’événement. Il est chargé de l’interaction entre le public et ce qu’il se passe sur scène. « Un bon MC est capable de transformer un événement. Ou alors de le tuer ! On ne choisit pas un DJ et un MC au hasard. Ce sont des professionnels.  »

Troisième pilier indispensable : le danseur, bien sûr, qui se doit d’enchaîner des mouvements. « Dans le break, on parle aussi de l’âme du danseur et c’est ce qui est magique. Il peut être aussi doué que vous voulez, s’il n’a pas de présence, sa performance sera amoindrie. Le break, c’est ça, c’est l’instant présent. »

Et si la première médaille olympique de breaking venait des Antilles-Guyane ?

C’est le ranking international qui permet aux danseurs de cumuler des points. Et parmi les Français les plus titrés figure un Guyanais (Cf. photo ci-dessus). « Dany Dann a pris un gros ascendant sur les autres. Il a remporté, pour la 2e année consécutive, le championnat de France. Il sort 4e du championnat d’Europe 2023 (également champion d’Europe 2022, NDLR), et dans le classement mondial, il est parmi les meilleurs. Il est très bien placé pour représenter la France aux JO », se réjouit Yves Milôme. « Il fait preuve d’une très belle expérience. Sa stratégie est parfaite pour contrer ses adversaires. »

Juste derrière le natif de Saint-Laurent-du-Maroni se trouve le Martiniquais Gætan Alin, alias B-Boy Lagaet. « Sur nos territoires, nous avons un héritage très fort avec le reggae, le dancehall, le socca. Le hip-hop est venu se rajouter comme nouvelle échappatoire. » Seul bémol pour le coordinateur de la FFDanse : le manque de confrontations en Outre-mer. « On est lésés car on n’a pas le rythme, comme en France, où il y a une compétition tous les week-ends. Il faut donner à nos territoires la possibilité d’avoir un événement officiel qui permette de cumuler des points. »


Retrouvez cet article dans le hors-série D’entrée de jeux, édition 2023