Le porc guadeloupéen se réinvente avec Iguavie
Entre le développement de produits transformés, la sécurisation sanitaire et la valorisation de la race créole, la filière porcine guadeloupéenne se dynamise. L’IGUAVIE, interprofession guadeloupéenne de la viande et de l’élevage, joue un rôle central en accompagnant éleveurs, transformateurs, bouchers et distributeurs. Alain Bazir, secrétaire général de l’IGUAVIE, nous en dit plus.
Letitia Limea (directrice d’Alyans Elevage Guadeloupe), Jésahelle Aramon (technicienne de Karukéra Porc), Eric Phaeton (technicien COOPORG), Alain Bazir (secrétaire général d’IGUAVIE)-Jacques CROZILHAC Président COOPORG-Olivier CESAR-AUGUSTE Président d’IGUAVIE-Karine AMIENS Directrice COOPORG Lou Denim
Le porc guadeloupéen se réinvente avec Iguavie
Entre le développement de produits transformés, la sécurisation sanitaire et la valorisation de la race créole, la filière porcine guadeloupéenne se dynamise. L’IGUAVIE, interprofession guadeloupéenne de la viande et de l’élevage, joue un rôle central en accompagnant éleveurs, transformateurs, bouchers et distributeurs. Alain Bazir, secrétaire général de l’IGUAVIE, nous en dit plus.
Quel est l’état des lieux de la filière porcine en Guadeloupe et comment l’IGUAVIE contribue à son développement et à sa valorisation ?
La filière porcine guadeloupéenne représente environ 1 100 tonnes de viande produites chaque année. Elle a connu d’importantes fluctuations au fil des années, principalement liées aux coûts de production : elle est passée sous le seuil des 1 000 tonnes en 2024, après avoir atteint plus de 1 400 tonnes entre 2016 et 2017. En tant qu’interprofession regroupant l’ensemble des acteurs – éleveurs, fabricants d’aliments, abattoirs, bouchers et grande distribution – l’IGUAVIE œuvre aujourd’hui à renforcer la stabilité et la régularité de la filière. Nous avons remis en place une planification mensuelle collégiale de la production afin d’encourager une progression maîtrisée et durable.
Quels sont les principaux défis auxquels la filière est confrontée aujourd’hui, et quelles solutions stratégiques l’IGUAVIE met en œuvre pour y répondre ?
Le principal défi est d’augmenter la production tout en maîtrisant les coûts, afin que le consommateur puisse continuer à acheter local. Aujourd’hui, 1 100 tonnes sont produites en Guadeloupe, contre 4 300 importées – soit seulement 20 % de la consommation. Pourtant, près de 90 % du porc frais vendu sur le territoire provient d’élevages guadeloupéens, preuve de la qualité de notre viande. Notre objectif est donc d’atteindre 1 900 tonnes de production d’ici 2030 en diversifiant nos produits et débouchés (restauration scolaire…) grâce à une production régulière et tracée. Cela passe aussi par la formation des éleveurs (biosécurité, bien-être animal et qualité) et par un travail de sensibilisation du public à l’importance de consommer local. Enfin, nous encourageons une meilleure coordination entre les trois coopératives de la filière pour parler d’une seule voix face aux distributeurs et garantir une présence régulière du porc local sur tout le territoire.
« Nous misons sur la transformation pour renforcer la durabilité de la filière : développer du jambon et du bacon produits localement, avec une vraie identité gustative guadeloupéenne »
Dans le contexte des financements européens et nationaux, quels sont les principaux dispositifs mobilisables ?
Le principal levier reste le POSEI (programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité), un programme européen destiné à compenser les surcoûts liés à l’éloignement et aux contraintes structurelles des territoires ultramarins. Il soutient la production, la transformation et la fabrication locale d’aliments pour le bétail. L’IGUAVIE assure la gestion de la mesure « Structuration de l’élevage », avec une enveloppe d’environ 4,9 millions d’euros par an pour l’ensemble des filières d’élevage. À court terme, toutefois, la France devrait reprendre la main sur la gestion des fonds, jusque-là gérés au niveau européen, ce qui pourrait fragiliser la stabilité actuelle. En parallèle, le FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural) soutient l’innovation et les projets d’installation, dont plusieurs restent en attente depuis 2023 faute de mise en route du nouveau programme.
À l’avenir, quelles initiatives ou innovations l’IGUAVIE envisage-t-elle pour renforcer la compétitivité et la durabilité de la filière locale ?
Nous misons sur la transformation pour renforcer la durabilité : développer du jambon et du bacon produits localement, avec une vraie identité gustative guadeloupéenne. C’est en développant ces produits différenciés que nous pourrons absorber progressivement une part plus importante de la production locale. Une étude lancée en 2024 porte aussi sur la race porcine créole (actuellement minoritaire) : plus adaptée à la chaleur et à notre environnement. L’objectif est de définir un référentiel d’élevage clair et de proposer une viande typique, reconnaissable et durable. La sécurité sanitaire demeure également une priorité, notamment pour prévenir l’arrivée de la peste porcine, qui circule déjà dans la Caraïbe. Enfin, nous travaillons sur la valorisation des effluents d’élevage avec un projet de systèmes collectifs de traitement et de valorisation visant à les rendre inertes afin de ne pas gêner le voisinage et de faciliter l’installation de nouveaux éleveurs. À terme, ces effluents pourraient être transformés en engrais organique local, contribuant à une logique d’économie circulaire et durable pour la filière. Accroître la compétitivité passe surtout par la maîtrise des coûts de production et par une meilleure performance technique.