Le retour de la chandelle !

Aux Antilles, la pratique du frottement revient en force, et avec elle, l’utilisation de chandelles…

© Barbara Keller
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Le retour de la chandelle !

Aux Antilles, la pratique du frottement revient en force, et avec elle, l’utilisation de chandelles…

Barbara Keller

« Lorsque je crée mes chandelles, c’est toute mon enfance qui me revient en mémoire », commence Séverine Roux-Divialle, tradipraticienne. Baignée par les récits de ses ancêtres, elle a repris le flambeau et pratique le fwòtman an tan lontan avec ses chandelles aux plantes médicinales et aromatiques issues de son jardin.

Sel, rhum, piment

« Mon arrière-grand-mère, Man Vévé, était une frotteuse réputée. Les gens du monde entier venaient la consulter ! Je la regardais écraser des feuillages et morceaux de chandelle au pilon. Elle ajoutait à sa mixture du sel, du rhum et du piment fort. Elle craquait ensuite une allumette afin de faire fondre le tout. Puis, elle versait le liquide dans le creux de sa main pour en frictionner les plaies et contusions. Dans certains cas, par exemple pour une blessure au pied causée par un clou rouillé ou un tesson de bouteille, il lui arrivait de poser ce cataplasme à même la plaie et d’y ajouter… un gros cafard mort ! Le pied devait rester ainsi bandé durant toute la nuit ! Cette recette, alliant piment et cafard, était surtout connue en Basse-Terre. Le ravet était utilisé en guise d’antibiotique, combiné à des plantes anti-inflammatoires. »

Ne riez pas ! Cette pratique repose sur l’hypothèse que les cafards, qui vivent dans de très mauvaises conditions d’hygiène, ont développé des molécules bactéricides. Des chercheurs de l’université de Nottingham travaillent sur cette piste depuis de nombreuses années afin d’élaborer des traitements antibiotiques…

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Severine Roux-Divialle, tradipraticienne © Barbara Keller

« Lorsque je crée mes chandelles, c’est toute mon enfance qui me revient en mémoire », commence Séverine Roux-Divialle, tradipraticienne.

Carapate et gros-thym

« Le lendemain, Man Vévé renouvelait le pansement, et le deuxième jour, on pouvait constater que la fièvre était tombée et que la plaie guérissait », termine Séverine.

Dans son atelier, elle fabrique des chandelles traditionnelles en proposant diverses alliances de plantes :

– chanvre/menthe aux vertus toniques pour les douleurs articulaires et la migraine,

– romarin/raifort contre les rhumatismes et l’arthrose,

– carapate/gros-thym aux effets expectorants pour le traitement des voies respiratoires,

– ou encore verveine/basilic sacré, aux effets relaxants et apaisants.

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© Barbara Keller
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© Barbara Keller

Tradition populaire

L’utilisation de chandelle pour soulager divers maux et maladies est une tradition millénaire et très populaire aux Antilles et dans toute la Caraïbe. Elle apporte un soulagement et favoriserait certaines guérisons : affections des phanères, abcès, furoncle, kyste, extraction d’un corps étranger (épine d’oursin, écharde). La chandelle et le Bay Rum (lotion à base de bois d’Inde) peuvent être combinés pour soulager les douleurs musculaires. Pour faire mûrir un orgelet, on appliquait une jeune feuille de corossol enduite d’un peu de chandelle. Aussi appelée bougie molle au suif, elle s’obtient en faisant fondre de la graisse animale, mélangée à diverses plantes médicinales. Le mélange servait d’onguent ou de cataplasme, notamment dans le traitement des « blesses » ou blès pour apaiser la douleur. Blès est un terme créole renvoyant à une meurtrissure ou à un traumatisme physique comme un coup, une chute ou un effort violent. C’est souvent pour soigner ces symptômes qu’on allait consulter le frotteur. Il utilisait ses préparations en frictionnant le corps avant de le bander fortement.

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© Barbara Keller

Comment fabriquer sa chandelle ?

La chandelle peut être composée de graisse animale purifiée (mouton, porc, bœuf) appelée suif, ou plus récemment de paraffine, cire végétale, cire d’abeille. Pour la graisse animale, vous pouvez par exemple utiliser de la graisse de bacon chauffée. Posez ensuite un bout de ficelle (mèche) dans un contenant en laissant dépasser une partie. Remplissez la boîte avec la graisse animale fondue qui va ensuite se solidifier (suif). Notez que les chandelles à base de graisse animale brûlent parfaitement, mais dégagent une forte odeur et produisent plus de fumée que la paraffine ou la cire d’abeille.