Accompagner les talents martiniquais vers les grandes écoles
Fatou Faye est présidente de l’association « De la Martinique aux grandes écoles ». Malgré un emploi du temps sous pression, la jeune normalienne, qui exerce en tant que juge d’instruction au tribunal judiciaire de Fort-de-France, s’engage bénévolement pour aider les élèves martiniquais à viser l’excellence.
Fatou Faye, présidente " De la Martinique aux grandes écoles" association loi 1901 © Jean-Albert Coopmann
Accompagner les talents martiniquais vers les grandes écoles
Fatou Faye est présidente de l’association « De la Martinique aux grandes écoles ». Malgré un emploi du temps sous pression, la jeune normalienne, qui exerce en tant que juge d’instruction au tribunal judiciaire de Fort-de-France, s’engage bénévolement pour aider les élèves martiniquais à viser l’excellence.
Fatou Faye témoigne de ses choix d’orientation afin de lever les obstacles psychologiques mais aussi financiers qui peuvent conduire des étudiants à renoncer aux filières sélectives.
« Avec les autres membres de l’association, j’interviens dès que je le peux dans des lycées et classes préparatoires pour montrer que c’est possible. Si vous avez de bonnes notes, ne vous censurez pas, visez haut »
De la Martinique aux grandes écoles
Elle le sait. « Partir a été un débat. C’était loin d’être évident. Ma mère, tout en m’encouraging, s’est légitimement posé la question du coût de mes études post-bac dans l’Hexagone, qui plus est, pour une matière que je ne connaissais pas, le droit n’étant pas enseigné au lycée. La prépa que je visais n’existait pas ici, je savais au fond de moi que c’était le bon choix. J’ai aussi eu la chance d’être boursière », explique la jeune juge de 28 ans.
Un parcours exemplaire
Fatou Faye grandit dans le sud de l’île. Au départ, elle veut être avocate. Âgée de 14 ans, elle assiste, accompagnée de sa mère aux audiences de comparution immédiate dans ce même tribunal où elle exerce aujourd’hui. C’est un déclic, elle sera juge, celle qui décide.
Pour y parvenir, elle connaît un parcours sans faute : Bac scientifique mention très bien au lycée de Bellevue, classes préparatoires D1 de droit, économie et gestion à Lyon puis suivent l’École normale supérieure de Rennes (la seule ENS spécialisée en droit) et l’École nationale de la magistrature (ENM). Fatou Faye prête serment le 7 février 2020.
Une volonté de fer
Lors de ses études à l’ENM, elle souhaite rentrer en Martinique pour effectuer son stage. Elle apprend avec étonnement qu’aucun tribunal outre-mer n’accueille les auditeurs de justice. Un paradoxe quand on sait que ces tribunaux sont en tête de liste pour les ouvertures de postes en sortie d’école. Elle lance alors une pétition avec deux amies de l’ENM, l’une Guadeloupéenne et l’autre Guyanaise pour demander l’accueil des stagiaires dans les tribunaux de Fort-de-France, Basse-Terre, Pointe-à-Pitre, Cayenne, Mamoudzou et Saint Denis de la Réunion. Elles réunissent les signatures de plus de la moitié des élèves dans leur promotion, qui en compte alors 300. Une impulsion certaine, car depuis les choses ont changé.
En 2024, le tribunal judiciaire de Fort-de-France accueillait ses premiers auditeurs de justice en stage juridictionnel. Comme un clin d’œil à sa détermination, c’est cette même année, en juin, que Fatou Faye a obtenu sa mutation à Fort-de-France après une première affectation à Metz : « C’était déjà une vocation mais, en étant juge d’instruction ici en Martinique je me sens encore plus utile, le fait de pouvoir comprendre le créole, avoir les mêmes repères socioculturels que ceux que je convoque, c’est pour moi une grande fierté ».
« Ne vous censurez pas, visez haut ! »
Trois amis basques ont dressé le constat que plus de deux tiers des effectifs des grandes écoles provenaient d’établissements d’Île de France. Ils ont donc décidé de créer en 2013 du « Pays basque aux grandes écoles » afin d’agir pour l’égalité des chances et le développement des territoires.
Aujourd’hui ce sont 60 associations locales regroupées au sein de la fédération « Des territoires aux grandes écoles » parmi lesquelles « De la Martinique aux grandes écoles », « De la Guadeloupe aux grandes écoles » et « Guyan’Envol aux grandes écoles » qui luttent contre l’autocensure conjuguée au manque d’informations et aux difficultés financières qui empêchent de nombreux lycéens ultramarins d’intégrer des cursus sélectifs.
Pour en savoir plus sur l’association martiniquaise : martinique@dtge.org