Odile Oxybel, l’urgence et la passion

Cheffe de service des urgences pédiatriques au CHU de Martinique depuis 2018, urgentiste de formation, Odile Oxybel a trouvé sa voie auprès des enfants. Rencontre avec une praticienne passionnée qui a su transformer un hasard en engagement.

Dr Odile Oxybel, cheffe de service des urgences pédiatriques au CHU de Martinique © Jean-Albert Coopmann
Dr Odile Oxybel, cheffe de service des urgences pédiatriques au CHU de Martinique © Jean-Albert Coopmann

Odile Oxybel, l’urgence et la passion

Cheffe de service des urgences pédiatriques au CHU de Martinique depuis 2018, urgentiste de formation, Odile Oxybel a trouvé sa voie auprès des enfants. Rencontre avec une praticienne passionnée qui a su transformer un hasard en engagement.

Magaly MONDESIR

Qu’est-ce qui vous a poussée à vous orienter vers la médecine ?

Je voulais être astronaute ! Mais en terminale, je me suis rendu compte que je n’avais pas le niveau. En cours de maths, j’ai eu une révélation : pourquoi ne pas devenir médecin ? Je me suis dit qu’il y avait bien des soignants qui partaient dans l’espace, et que je pourrais aussi travailler pour des organisations humanitaires, voyager… Mon rêve d’aventure n’était pas abandonné, juste réorienté.

Pourquoi la médecine d’urgence ?

J’ai choisi cette spécialité avec cette grande vision de l’urgentiste de terrain qui intervient dans l’instant, efficacement. C’était une décision assez claire dès le début de mes études. J’ai toujours préféré l’imprévu aux événements programmés. J’aimais aussi l’idée de ne pas me spécialiser dans un seul domaine.

Comment êtes-vous arrivée aux urgences pédiatriques ?

C’est un peu le fruit du hasard ! Pendant mon internat, la cheffe des urgences pédiatriques m’a proposé un marché : travailler six mois dans son service en échange d’un temps aménagé pour préparer ma thèse dans les meilleures conditions. J’ai commencé en juin 2012 et n’en suis jamais partie !

Qu’est-ce qui vous plaît dans ce service ?

Nous avons de nombreux petits moments de bonheur : les sourires, les regards, la spontanéité des enfants, c’est exceptionnel ! Le contact avec eux est sincère et simple. Les urgences pédiatriques, c’est beaucoup de pédiatrie générale. En-dehors des situations de crise — afflux de patients en période épidémique par exemple —, on voit une majorité d’enfants qui, finalement, vont bien, et quelques-uns qui relèvent de situations urgentes. La difficulté consiste à repérer et prendre en charge rapidement ces derniers. C’est intellectuellement stimulant. Selon les box, on peut passer d’une rhinopharyngite à une pathologie plus complexe. J’aime les changements de rythme, la polyvalence que le métier impose. C’est un sentiment de satisfaction d’avoir fait quelque chose d’utile à la fin de la journée, d’avoir accompagné des familles dans des moments d’inquiétude.

Soigner un adulte ou un enfant, qu’est-ce que cela change ?

Les enfants sont “tout neufs”, donc le plus souvent, exempts de pathologies chroniques. Les prises en charge sont généralement moins lourdes, mais l’engagement émotionnel est aussi plus intense : voir souffrir un enfant n’est pas simple. La beauté de ce travail, c’est de les aider à aller mieux. L’autre différence réside dans la manière d’aborder le patient : avec un enfant, le soignant est plus dans le jeu, le câlin… Enfin, l’ambiance du service est différente. En pédiatrie, c’est un petit monde, on se connaît tous — les pédiatres, les urgentistes, les équipes d’hospitalisation. Cette cohésion fait qu’on travaille plus facilement ensemble.

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Dr Odile Oxybel, cheffe de service des urgences pédiatriques au CHU de Martinique © Jean-Albert Coopmann

" J'aime les changements de rythme, la polyvalence que le métier impose. "

Odile Oxybel, cheffe de service des urgences pédiatriques au CHU de Martinique.

Quelles sont vos missions en tant que cheffe de service ?

Je suis à la fois cheffe de service et médecin praticien. Garder une activité médicale était une condition pour que j’accepte ce poste. Sur le papier, c’est 20 % d’administratif et 80 % de médecine, mais quand la situation l’impose (flux important de patients, manque d’effectif médical…), je suis à 100 % médecin. Ce qui m’intéresse dans la fonction de cheffe de service, c’est de pouvoir porter des projets autour du bien-être de l’enfant et de sa protection. Enfin, je suis garante de la sécurité de la prise en charge des patients. Cela passe par le management des équipes médicales et paramédicales, la communication avec l’administration hospitalière, l’animation de réunions pour améliorer constamment nos pratiques.

Quel est le principal défi du service ?

C’est de pouvoir assurer une prise en charge médicale correcte de nos patients en composant avec un effectif médical fluctuant, un nombre de patients souvent important, et surtout de ne pas passer à côté de l’urgence médicale.

Quelles pathologies rencontrez-vous le plus souvent ?

Essentiellement des problèmes infectieux au gré des épidémies, mais aussi des décompensations de pathologies chroniques. En ce moment, nous prenons en charge beaucoup de pathologies respiratoires : bronchiolite, exacerbation d’asthme. Enfin, il y a des spécificités propres à nos territoires, comme la dengue et la drépanocytose, une maladie génétique qui touche principalement les populations d’origine africaine. Les globules rouges sont mal formés, ce qui entraîne une anémie, des crises douloureuses et un risque accru d’infections.

Un message à faire passer aux parents ?

Les parents consultent souvent pour de la fièvre, or s’ils viennent trop tôt, on n’a pas forcément la possibilité de poser un diagnostic. Avant de se déplacer, qu’ils n’hésitent pas à faire le 15. Ils auront une réponse médicale adaptée qui les orientera soit vers leur médecin généraliste, soit vers la maison médicale de garde, soit vers les urgences. Personnellement, je n’ai aucun problème à prendre en charge les parents qui viennent aux urgences pour des situations non graves, à condition qu’ils comprennent qu’ils ne sont pas prioritaires. Le critère essentiel, c’est le comportement de l’enfant. S’il a 39-40 °C de fièvre mais qu’il joue, ça va. En revanche, s’il est amorphe, qu’il ne mange pas ou peu, un avis médical est nécessaire.

Quelles sont les problématiques de santé infantile qui vous préoccupent ?

J’ai une sensibilité particulière pour les enfants vulnérables. Les jeunes Martiniquais vont mal (beaucoup de tentatives de suicide, de mal-être au sens large). La maltraitance peut prendre des formes très diverses : négligence, manque de soins, misère sociale… C’est difficile pour nous d’identifier les causes, délicat d’intervenir. J’aimerais vraiment participer à l’amélioration de ce circuit de protection de l’enfance. L’autre sujet qui m’inquiète est le grand déficit de pédopsychiatres en Martinique. Il y a des CMP (Centres médico-psychologiques) rattachés à l’hôpital, mais ils manquent cruellement de praticiens. Ces structures sont essentielles pour la prise en charge des enfants qui ont besoin d’un suivi psychologique ou psychiatrique.

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© Jean-Albert Coopmann

« Voir souffrir un enfant n’est pas simple. La beauté de notre travail, c’est de les aider à aller mieux. »

Odile Oxybel, cheffe de service des urgences pédiatriques au CHU de Martinique.

2003 : Réussite au concours de première année de médecine en Guadeloupe.

2003-2008 : Études de médecine (2e à 6e année), faculté de Bordeaux.

2009-2012 : Internat à la faculté des Antilles et de la Guyane.

Juin 2012 : Médecin senior aux urgences pédiatriques, CHU de Martinique.

2018 : Cheffe de service des urgences pédiatriques.

DIU urgences et réanimation médicales.

DIU Pédiatrie de maternité.

DIU dermatologie pédiatrique.

DU gestion et management des services d’urgences.

Formations EPILS/EPALS (gestion de l’urgence vitale) plusieurs fois validées.