Samuel Gélas « Je peins le réel en prenant parfois des risques »

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EWAG

D’origine guadeloupéenne, le peintre Samuel Gélas a tout juste 30 ans. Il présente Négricide sa seconde exposition personnelle tandis que ses œuvres font leur entrée dans une galerie pari-sienne. 

Par Willy Gassion 

D’aussi loin qu’il se souvienne, Samuel Gélas a toujours dessiné. Le dessin quand d’autres font du foot, regardent la télévision ou s’ennuient. Le dessin qui s’est imposé à lui et qui a fini par devenir son moyen d’expression. « Je n’ai pas grandi avec des tableaux autour de moi, je me suis tourné vers l’art parce que j’étais doué en dessin, je crois que c’est un don qui me vient de Dieu, j’ai conservé tous mes dessins d’enfant ».

Au départ, l’adolescent se borne à dessiner avec talent ce qu’il voit, « je reproduisais ce qui m’entourait, les gens, la nature, les objets. » Samuel Gélas doit attendre l’obtention du bac et son entrée au centre des métiers d’art en Guadeloupe et aux ateliers Beaux-arts à Paris pour « apprendre à réfléchir » et à donner du sens à sa création. « Un de mes professeurs m’a dit, tu as un savoir-faire, mais qu’est-ce que tu fais savoir ? » L’étudiant découvre alors qu’on ne nait pas artiste mais qu’on le devient et que cette indispensable quête artistique est aussi une quête de soi, de son identité. Créer, c’est se dire et c’est aussi dire sa vision du monde. L’art est donc une rencontre, aussi bien avec les autres qu’avec soi. « Aux ateliers Beaux-Arts de Paris, j’ai été confronté à diverses cultures, c’était pour moi une formidable ouverture sur le monde, un vrai chamboulement qui a changé ma pratique artistique ».

Samuel Gélas cherche, creuse, fouille et poursuit son apprentissage hors des murs de sa prépa, dans les livres, lors de visites d’expositions en galerie d’art et dans les musées. « Lorsque je suis allé au Louvre j’ai été bouleversé par ce que j’ai vu, j’ai découvert des siècles de créations ».

SAMUEL GELAS - Poésie urbaine, 2014 - Pierre noire et peinture sur toile  libre - (160cm X 500cm)

L’artiste se remet complètement en question, « j’ai tout reconsidéré, je devais me faire une place dans cet océan de création, trouver mon identité picturale et développer mon propre style ». Il privilégie les grands formats et « expérimente sans relâche toutes les possibilités que la peinture peut offrir ». Sa quête n’est pas terminée mais ce passionné de peinture sait désormais où il va.

La démarche picturale de Samuel Gélas s’apparente à la figuration narrative et au pop art dans une forme à la fois ludique, poétique et critique du monde. L’artiste observe et analyse les phénomènes médiatiques et sociétaux de la vie quotidienne.

Après avoir participé à des expositions collectives, « Specimen », sa première exposition personnelle est présentée en Guadeloupe en 2014. Une exposition dans laquelle le peintre montre l’animalité qui peut résider en chacun de nous. « Négricide » sa seconde exposition personnelle est un questionnement sur l’histoire de ses ancêtres et de la traite négrière. « Le point de départ de Négricide est la lettre ouverte de Joëlle Ursull au président de la République. Je me suis questionné sur l’histoire de l’esclavage et sur ses conséquences encore visibles dans notre société. Je peins le réel en prenant des risques parfois à travers des œuvres qui peuvent déranger, voire choquer. Questionner son époque fait partie des rôles d’un artiste ».

Samuel Gélas a fait du chemin depuis ses premiers dessins d’enfant. Ses tableaux sont aujourd’hui exposés dans une galerie parisienne et certains sont déjà entre les mains de collectionneurs.