Le vitiligo, maintenant ça se soigne !

Appelé « pikuyt » en créole, le vitiligo est une maladie dermatologique auto-immune chronique évoluant par poussées. Les patients qui en souffrent assistent à une dépigmentation de leur peau. Mais des traitements existent. Tour d’horizon avec le Dr Ahmed Zrafi, praticien au service de dermatologie-immunologie clinique du CHU de la Guadeloupe.

Le vitiligo, maintenant ça se soigne !

Appelé « pikuyt » en créole, le vitiligo est une maladie dermatologique auto-immune chronique évoluant par poussées. Les patients qui en souffrent assistent à une dépigmentation de leur peau. Mais des traitements existent. Tour d’horizon avec le Dr Ahmed Zrafi, praticien au service de dermatologie-immunologie clinique du CHU de la Guadeloupe.

Boni Kwaku

Le vitiligo en deux mots

Le vitiligo est une dermatose auto-immune (1) caractérisée par l’apparition de taches blanches sur la peau. Cette dépigmentation progressive s’explique par la disparition des mélanocytes. Ces cellules de l’épiderme fabriquent les mélanines chargées de pigmenter la peau et de la protéger des agressions des rayonnements. « La prédisposition génétique est un facteur important de la maladie. De l’ordre de 80 %. Les recherches ont identifié une cinquantaine de gènes de prédisposition », indique le Dr Ahmed Zrafi.

Mais il ajoute que les facteurs environnementaux comme la pollution et le stress ont également un impact. D’ailleurs, des épisodes de poussées sont souvent observés chez le malade dans des situations de stress telles que les conflits, les deuils ou en post-opératoire. Si la physiopathologie (2) exacte du vitiligo est encore mal connue, il est avéré que le vitiligo est associé ou prédispose à d’autres maladies auto-immunes comme les maladies de la thyroïde, le diabète de type 1, la maladie de Biermer (anémie par carence en vitamine B12) ou le lupus érythémateux systémique.

(1) L’organisme développe des anticorps et s’attaque à ses propres cellules.
(2) Étude des troubles qui surviennent dans le fonctionnement des organes au cours d’une maladie.

Un impact social et psychologique

« Le vitiligo est une maladie affichante dans le sens où le problème de santé est au vu et au su des autres. Mais halte aux superstitions ! Ce n’est ni dangereux, ni mortel, ni contagieux ! », affirme le Dr Ahmed Zrafi. Le professionnel de santé concède que la peau est importante dans le rapport à l’autre. Ainsi, la maladie peut entraîner des problèmes d’atteinte de son image, de perte d’estime de soi. « Cela peut jouer sur la vie de couple, la vie intime. » Mais le médecin précise que « l’impact du vitiligo dépend de la personnalité du malade et de son vécu ». Il semble alors regretter que dans le cursus d’études « il n’y ait pas de formation spécifique en psychothérapie. Nous misons donc sur l’écoute du patient lors des consultations ».

Le service de dermatologie-immunologie clinique du CHU peut néanmoins s’appuyer sur une psychologue lorsque le patient en exprime le besoin. À une plus grande échelle, le Dr Ahmed Zrafi aimerait un meilleur accompagnement des malades avec l’implantation d’une antenne locale de la très active Association française du vitiligo. Isolés, certains patients sont souvent désemparés face au manque d’informations et outils adaptés aux besoins spécifiques des populations antillaises, comme le maquillage de camouflage. Celui-ci n’est souvent pas convenable. En effet, il n’est pas adapté à la diversité des types de peau rencontrés sur nos territoires. De plus, il nécessite une formation et n’est, dans tous les cas, pas remboursé, étant considéré comme un produit cosmétique.

Si on ne peut prétendre à une guérison définitive, on peut aboutir à une repigmentation complète si la maladie est prise en charge très tôt et convenablement.

Dr Ahmed Zrafi, praticien au service de dermatologie-immunologie clinique du CHU de la Guadeloupe

Ça se soigne !

D’après une étude menée en 2000, aux Antilles, 0,4 % de la population est atteinte de vitiligo. Le service de dermatologie-immunologie clinique du CHU de Guadeloupe, dirigé par le Pr Nadège Cordel, soigne une trentaine de patients atteints de vitiligo par photothérapie. Ce traitement — avec la seule cabine de ce type en Guadeloupe — démontre une forte efficacité ! La photothérapie UVB consiste en l’irradiation du corps par des rayons ultraviolets B (UVB). « Sans ultraviolets, on n’arrive que très difficilement à repigmenter la peau », rappelle le spécialiste. Le rythme des séances, selon le protocole de la Société française de dermatologie, est en moyenne de trois par semaine pour le traitement d’attaque. Au fil des séances d’entretien, les durées et doses varieront. Cependant, il faut noter que des repigmentations spontanées ne sont pas rares.

Il existe, par ailleurs, d’autres types de traitements :

  • Héliothérapie (rayons UV naturels) : exposition directe au soleil (10 minutes le 1er mois, 15 le deuxième), avant 10 h et après 16 h, 3 fois par semaine minimum ;
  • Traitements médicamenteux : Ruxolitinib crème, Tacrolimus pommade, dermocorticoïdes et dérivés de la vitamine D, anti oxydants (cure de 3-6 mois pour aider à limiter le stress oxydatif).
  • Traitements chirurgicaux dont la greffe mélanocytaire. Mais ce traitement n’est pas pratiqué au CHU de la Guadeloupe.

Et demain ?

Les perspectives sont encourageantes. Des recherches sont en cours sur les lymphocytes, des cellules jouant un rôle majeur dans le système immunitaire. Les scientifiques étudient particulièrement les lymphocytes T régulateurs (Treg) dont le rôle est fondamental dans le maintien de la tolérance immunitaire. Des déficits qualitatifs (fonctionnent-ils mal ?) ou quantitatifs (sont-ils en nombre suffisant ?) de ces cellules ont été mis en évidence dans les maladies auto-immunes. Des petites molécules en comprimés de la famille des anti-JAK sont en cours d’étude et pourraient permettre de réguler cette réponse immunitaire inadaptée.