Crise oblige, le gouvernement s’attaque aux niches fiscales et porte un coup dur aux incitations fiscales sensées compenser les problématiques propres aux économies ultramarines. Si les entreprises locales vont devoir se serrer la ceinture, se sont tous les outre-mer qui voient l’un des leviers essentiels à leur développement remis en question.

“La tuile”, “une mauvaise nouvelle” aux “conséquences néfastes”, “une occasion ratée”… Alors que l’on célèbre en 2011 l’Année des Outre-mer, les inquiétudes des acteurs et décideurs économiques ultramarins vont grandissantes face au tour de vis budgétaire annoncé par le gouvernement pour l’année prochaine.

En effet, la Loi de Finance 2012 ; telle que proposée par le gouvernement, vise à réduire les déficits en économisant douze milliards d’euros d’ici fin 2012, dont un milliard dès 2011. Et l’Outre-mer devra mettre la main à la poche.

Comment ? Tout d’abord par une baisse de 10% des avantages liés à la défiscalisation. La loi Girardin “immobilier libre” sera supprimée, et les avantages de la loi Girardin “secteur intermédiaire” seront diminués de plus de treize points… un coup d’arrêt sévère est donc attendu en ce qui concerne la construction de logements neufs locatifs, et cela alors que le secteur de la construction ne se porte déjà pas au mieux dans nos régions. Seules la construction de logements sociaux et la loi Girardin pour l’industrie seront épargnées. Une bien maigre consolation.

Les fonds propres des entreprises impactés

Un autre tour de vis est attendu avec la fin du régime d’abattement d’un tiers sur le résultat imposable des entreprises – dites protégées – situées dans les départements d’outre-mer. Abattement qui devait normalement courir jusqu’en 2017. Le Ministère de l’Outre-mer a beau arguer que “cette mesure bénéficie à des entreprises qui ont déjà réussi à devenir rentables puisqu’elles dégagent des bénéfices“, il n’en demeure pas moins que cette décision est un mauvais coup porté contre les fonds propres des entreprises d’outre-mer. D’autant plus qu’il convient de rajouter à la liste deux autres mesures qui concernent aussi les entreprises de l’Hexagone : le coût de rabot sur les exonérations de charges sociales liées aux heures supplémentaires et la hausse du forfait social, qui passe de 6 à 8%.

Conséquences néfastes sur l’emploi

Les conséquences directes de ces mesures d’austérité risquent fort de se faire sentir dès l’année prochaine et soulèvent une vraie inquiétude pour le financement de nos économies. En effet, si pour les entreprises désireuses de défiscaliser, l’économie d’impôt réalisée n’est pas suffisamment attractive, elles ne prendront plus le risque d’investir en outre-mer et préfèreront payer l’impôt plutôt que de défiscaliser. Les investisseurs risquent de tourner le dos à la Martinique ou à la Guadeloupe, renforçant ainsi la morosité de leurs économies respectives. La Guyane pourrait certes profiter de ce désintéressement, même si la commission des Finances de l’Assemblée Nationale vient de voter la fin de l’exonération des droits de douane et de TVA relative à l’exploitation des ressources naturelles du plateau continental guyanais. Ceci afin d’éviter un effet d’aubaine après la découverte de pétrole au large de la Guyane.

Par ailleurs, ce coup de rabot laisse entrevoir des conséquences néfastes sur l’emploi, alors même que les outre-mer enregistrent les taux les plus élevés sur le plan national.

Il n’existe actuellement aucun autre outil de financement

Pour le patron du Medef de Martinique, Philippe Jock, ces restrictions budgétaires risquent bien de mettre à mal les économies ultramarines. “Le discours ambiant qui veut que l’outre-mer contribue au redressement de l’économie nationale je veux bien l’entendre. Mais on ne peut pas faire plus, donner au-delà de nos capacités contributives. Au regard du fort taux de chômage dans nos départements, on ne saurait la même contribution qu’une région de l’Hexagone. D’autant plus que la défiscalisation n’est pas une niche fiscale mais un dispositif qui avait pour vocation de contribuer à limiter les handicaps de nos économies insulaires“. Même malaise du côté de Willy Angèle, son homologue guadeloupéen : “10% de moins sur la défiscalisation, ce n’est pas le meilleur moment, c’est très problématique. Il aurait fallu préserver l’essentiel, car il n’existe actuellement aucun autre outil de financement“.

Même si les entreprises ultramarines continueront de bénéficier d’autres mesures de soutien,  comme les zones franches d’activité mises en place en 2009 (Lodeom), même si les mesures d’aide au fret et à la rénovation hôtelière seront renforcées à hauteur de 27 M€, cette restriction budgétaire donne l’impression que l’on donne d’un côté pour reprendre de l’autre.

Plus que jamais, en période de crise, le développement économique des outre-mer passera donc par des initiatives locales sans attendre en vain la main tendue de la France qui n’en a plus les moyens. C’est peut-être là le principal enseignement de la Loi de Finance 2012.

Mathieu Carbasse