Christian Claudon tente depuis un an maintenant de stimuler et de structurer le développement endogène des pays du plateau des Guyanes. L’occasion de faire un premier bilanà un tiers du parcours.

Nommé en décembre 2010, vous êtes Commissaire au développement endogène pour encore deux ans. Un an après, quel premier bilan faites-vous ?

Mes trois premiers mois ont été consacrés à la découverte de l’économie guyanaise, les trois suivants à l’identification des obstacles à son développement avec les acteurs économiques et les services de l’Etat et les trois derniers à la préparation de deux projets pilotes dans les secteurs agricoles et énergétiques. Enfin, le quatrième trimestre en cours a été consacré à leur mise en œuvre et à la préparation de nouvelles actions pour 2012.

Quelle impression générale vous laisse cette première année ?

Mon impression générale est que le potentiel de développement économique de la région est incontestable, mais qu’il est entravé par des contraintes de toutes natures qu’il faudra méthodiquement, mais urgemment, lever. Je pense en particulier à l’accès au foncier pour le secteur agricole et à l’organisation de son interprofession, à la mise en œuvre d’un plan de développement minier ambitieux, y compris dans ses composantes environnementales, à la consolidation de la filière pêche et à son évolution vers la transformation, à la structuration d’une filière bois-énergie, à l’intégration économique du secteur pétrolier naissant… autant d’activités potentiellement créatrices d’emplois qu’il convient d’accompagner solidement dans la durée afin que la Guyane puisse en attendre des retombées positives pour son avenir.

Votre mission consiste, d’une part, à soutenir la structuration des filières de production, et d’autre part, à intégrer la Guyane dans son environnement géographique, le Plateau des Guyanes. Qu’en est-il aujourd’hui des relations économiques avec nos voisins ?

Aujourd’hui les relations économiques structurantes avec nos voisins sont quasiment nulles. Il est commun de considérer qu’il faut des entreprises compétitives et bien enracinées dans leur marché local pour partir à la conquête des marchés extérieurs. L’étroitesse du marché guyanais et ses coûts de production élevés par rapport aux pays de la région ne favorise pas cette approche. Il faut donc en changer. J’identifie actuellement des secteurs dans lesquels nous disposons d’avantages technologiques qui intéressent nos voisins. Nous nous en servirons comme vitrine pour installer des coopérations durables visant des niches de marchés dans les deux grands ensembles économiques que sont le Mercosur et le Caricom. Il faudra faire fonctionner simultanément une structuration de nos filières avec la recherche de partenaires chez ces voisins. Je parle de partenaires car des pays comme le Brésil et le Surinam ont des atouts à faire valoir, ce ne sont plus des consommateurs primaires. C’est la combinaison de ces atouts, les nôtres et les leurs, qui sera porteuse de résultats.

Comment déterminez-vous les secteurs à développer en priorité ?

Il faut être obsessionnellement focalisé sur les secteurs les plus créateurs d’emplois durables et qualifiés. Prenons l’exemple du secteur de l’énergie. Différentes sources d’énergies renouvelables peuvent permettre de produire de l’électricité en Guyane : le photovoltaïque, l’éolien, l’hydraulique et la biomasse. Certains d’entre eux peuvent avoir des ratios coût-efficacité élevés de niveaux comparables mais parmi ceux-là, celui qui dispose du meilleur rapport entre le volume d’investissement et le nombre d’emploi créés, c’est la biomasse. J’ai donc choisi en priorité de financer un programme d’appui à la structuration de la filière biomasse. D’autres priorités se déterminent en fonction de leur impact, non sur les emplois initiaux créés mais sur la chaîne de valeur ajoutée qui se développe en aval de leur filière. C’est le cas des secteurs agricoles ou de l’élevage, qui en aval de la production primaire engendrent de multiples emplois directs par la récolte, la transformation, le conditionnement des produits, leur stocka-ge, leur distribution et au-delà engendrent des emplois induits dans d’autres filières connexes comme les intrants ou le machinisme agricole. J’ai donc, en raison de son effet de levier sur l’emploi, choisi, en accord avec les acteurs de ces filières, de financer un projet pilote visant à favoriser l’installation des agriculteurs, redéfinir l’organisation de la fili-ère, faciliter l’accès aux financements et, par voie de conséquence l’accès à la mécanisation et à la compétitivité.

Quels sont vos moyens d’action ?

Ils sont de deux natures, techniques et financiers. En raison de l’organisation verticale de ces services et des procédures complexes, donc longues, de mobilisation de certains fonds publics, l’État a souhaité répondre de deux manières, par une transversalité des actions des commissaires qui jouent un rôle “d’assembleur” et par des financements rapidement mobilisables. Pour favoriser cette réactivité attendue des commissaires, le ministère de l’Outre-mer a mis en place un fonds d’appui au développement endogène de deux millions d’euros par an. C’est un fonds à mobilisation rapide qui fonctionne comme un fonds d’amorçage qui permet de mettre en place des projets pilotes en vue de tester des solutions aptes à résoudre des problèmes immédiats. Si les résultats visés sont validés en phase pilote, alors il faudra mobiliser d’autres ressources, comme les fonds européens pour des actions plus durables, qui auront pour objectif d’appuyer les filières sur le long terme. Je peux également capter des moyens externes. L’utilisation de ce fonds permet également de mobiliser des moyens d’ingénierie qui font défaut actuellement en Guyane pour mettre en place des projets complexes. J’espère, par des partenariats choisis entre des grands cabinets internationaux et des cabinets de conseil et d’ingénierie guyanais, favoriser l’émergence locale de ces nouvelles compétences. Elles sont la cheville ouvrière qui permet de passer de la conception à la réalisation, c’est-à-dire passer du stade de l’étude au stade du financement et ensuite à celui de l’investissement. c