« La société guyanaise dans son ensemble souhaitait donner à l’aéroport de Cayenne le nom d’un Guyanais célèbre »

  

L’aéroport nouveau est arrivé

 Officialisé le 4 janvier 2012, le changement de dénomination de l’aéroport de Cayenne a soulevé les passions et fait couler beaucoup d’encre en Guyane ces dernières années. Mais pourquoi ce changement de nom au juste ? Et surtout, combien cette large campagne de communication autour de Felix Eboué a-t-elle coûté ?

 A l’origine, il y a un débat autour du nom de Rochambeau. Ou plutôt un malentendu autour de ce patronyme, un quiproquo entre le comte de Rochambeau, un ancien militaire français qui s’est notamment illustré à la tête du corps expéditionnaire français lors de la guerre d’indépendance des États-Unis (1775-1782), et le général Rochambeau, un esclavagiste chargé par Napoléon Ier de reconquérir Haïti, devenu tristement célèbre à cause d’une correspondance avec le général Ramel dans laquelle il écrivait : “Je vous envoie, mon cher commandant, un détachement de cent cinquante hommes de la garde nationale du Cap, commandés par M. Bari, il est suivi de vingt-huit chiens bouledogues. (…) Il ne vous sera passé en compte aucune ration, ni dépense pour la nourriture de ces chiens. Vous devez leur donner des nègres à manger“.

Rochambeau vs Rochambeau

Si le premier, Jean-Baptiste Donatien de Vimeur, comte de Rochambeau, a eu les honneurs des Américains qui lui ont dédié un monument sur la place Lafayette à Washington avant de proposer à la France, au lendemain de la seconde guerre mondiale, de donner son nom à l’aéroport de Guyane, le second a laissé de biens tristes souvenirs dans la mémoire de tous les Haïtiens, y compris ceux implantés aujourd’hui entre Oyapock et Maroni. C’est donc face à la vindicte publique des Guyanais que la CCCI de Guyane, qui assure la gestion de l’aéroport, décide en décembre 2009 de consulter les différents partenaires pour parvenir à une nouvelle dénomination de l’Aéroport Cayenne-Rochambeau. “La société guyanaise dans son ensemble souhaitait donner à l’aéroport de Cayenne le nom d’un Guyanais célèbre, celui d’un personnage qui avait réalisé de grandes choses, se souvient Marie-Joseph Pinville, Directeur général de la CCI de Guyane. Et les noms du chef amérindien Sépélou, de Léon-Gontran Damas et de Félix Eboué se sont rapidement imposés“.

And the winner is… Félix Eboué

Emboîtant le pas de la CCIG, le Conseil Général et la Mairie de Cayenne se prononcent pour le nom de Félix Eboué, résistant et homme politique connu notamment pour avoir joué un rôle de premier plan dans la conduite des forces de la France libre en Afrique pendant la seconde guerre mondiale et resté célèbre pour son discours devant des lycéens guadeloupéens en 1937 dans lequel il les exhortait à “jouer le jeu” de la résistance et de la liberté. En octobre 2011, le Conseil régional, au terme d’une pétition sur internet, opte à son tour pour Aéroport Cayenne-Félix Eboué. Ainsi, le 4 janvier 2012, est officialisé le changement de dénomination de l’aéroport. Mais qui dit changement de nom dit campagne de communication à large renfort de spots télévisés, de spots radio et d’affichages en 4 par 3. “La CCI voulait que les Guyanais s’approprient le nom de Félix Eboué, explique Marie-Joseph Pinville. D’où les deux phases de notre campagne de communication : la première, celle de la maturation, de la sensibilisation de la population à la personne de Félix Eboué, et la seconde, celle de l’ancrage de ce nouveau nom, pour faire en sorte que les Guyanais changent de point de vue et adoptent définitivement l’Aéroport Cayenne-Félix Eboué“. Et que les mauvaises langues se rassurent, la campagne de communication autour de ce changement de nom menée conjointement par la Chambre de commerce et le Conseil régional de Guyane aura coûté bien moins que prévu : 17.000 euros dont les deux tiers assurés par la CCIG.