« L’Agence doit servir de guichet unique »

 Imaginer l’urbanisation de demain

 Harry Arnoux dirige l’Agence des 50 pas géométriques, une structure qui prend part  activement à l’aménagement durable de la Guadeloupe en proposant aux communes de redessiner les quartiers construits de façon informelle, en participant à la suppression de l’insalubrité et en recherchant les voies d’une mise en valeur du littoral.

Pouvez-vous nous rappeler les missions de l’Agence des 50 pas géométriques ?

Tout d’abord, l’Agence doit servir de « guichet unique » pour accueillir les résidents sans titre de propriété afin de les aider à créer le dossier de demande de cession de la parcelle d’implantation de leur maison et servir aussi de relais afin de transmettre des dossiers complets à la DEAL ainsi qu’à France-Domaine. L’Agence des 50 pas ne vend pas les terrains, ne fixe pas les prix et ne rédige pas l’acte de propriété. Ce sont ces deux dernières administrations qui en sont chargées. La seconde mission de l’agence consiste à créer avec, et pour les communes, des plans d’aménagement afin de lutter contre l’insalubrité et d’améliorer le cadre de vie des occupants des quartiers construits sans réflexion sur les 50 pas géométriques. Prochainement, la mise en application de la loi sur l’habitat informel et indigne dans les DOM votée en juillet 2011 devrait permettre de mettre à l’abri les personnes qui résident dans les zones les plus dangereuses en raison des risques naturels.

Quelles sont les difficultés majeures rencontrées pour régulariser les résidences sans titres ?

D’abord, l’ignorance. Les gens savent qu’ils ne sont pas loin de la mer mais ne savent pas s’ils sont ou non dans les 50 pas géométriques (81,20 mètres depuis la mer). D’autre part, ils ne savent pas réellement s’ils ont ou non un titre de propriété et, s’ils le retrouvent, ils ignorent que le titre peut ne pas être juridiquement valide. Ensuite, les moyens financiers. A l’échelle historique, il y a très peu de temps que le littoral est devenu un lieu de résidence convoité et les personnes installées depuis très longtemps ont, le plus souvent, des revenus modestes. La moyenne d’âge dans ces quartiers “spontanés” des 50 pas tourne autour de soixante ans. Il faut aussi se souvenir que 40% des foyers des résidents disposent de moins de 900€ de revenus mensuels.

S’agit-il d’une spécificité guadeloupéenne ?

Il faut se décomplexer sur le plan juridique. L’équivalent des 50 pas géométriques existe dans toute la Caraïbe, sauf à Cuba, et en France une bande de 100 mètres joue le même rôle. De plus, l’occupation illicite du littoral n’est pas une spécificité guadeloupéenne. Elle se retrouve sur le littoral de France, notamment dans le Sud. Les particularités viennent de la nature de l’occupation. Il s’agit majoritairement de constructions servant de résidence principale, de lieux d’activités, voire d’édifices communaux.

Comment expliquer ce grand nombre de résidences sans titres ?

Combien d’entre elles sont « régularisables » ? Les explications du phénomène mettent en jeu l’histoire, la culture, l’économie, les modes de vie, la démographie, la gestion du territoire, etc. Parmi les facteurs d’occupation illégale, il est très clair qu’un espace dont le propriétaire ne se manifeste pas pour des raisons diverses a de bonnes chances de trouver preneur. La remise en ordre actuelle est aussi une remise à niveau au regard des contraintes légales de la gestion par l’occupant de ce qui devient son patrimoine (nouvelle construction, héritage…) Sur les 17.000 constructions répertoriées sur le littoral, 7.000 au moins devront être régularisées et 3.600 demandes de normalisation ont été reçues. Attention, le législateur a fixé au 31 décembre 2012 la date limite pour déposer un dossier. Au-delà de cette date, si nul ne peut présager de l’avenir, ceux qui comptent sur l’inertie et l’apathie des décennies précédentes afin d’éviter de régulariser leur situation, font certainement une erreur.