Marie-Laure Phinera-Horth : “Mon engagement politique est ancré dans les valeurs de gauche”


Deux ans après avoir succédé à Rodolphe Alexandre à la Mairie de Cayenne, Marie-Laure Phinera-Horth revient pour le GuyaMag sur l’ensemble des actions entreprises par l’équipe municipale et évoque les prochains défis qui attendent la capitale guyanaise. Extraits choisis.

Vous êtes à la tête de la Mairie de Cayenne depuis avril 2010. Quel bilan pouvez-vous faire de vos deux premières années de mandature ?

Cela n’a pas beaucoup de sens de faire un bilan alors qu’on est en plein cœur de l’action. Ceci étant il y a des choses qui sont réalisées et qui me tiennent particulièrement à cœur. Je pense notamment à la réalisation de la statue des chaînes brisées ou la tenue de plusieurs grandes manifestations musicales, la rénovation de l’avenue d’Estrées pour laquelle je rends hommage au passage à Rodolphe Alexandre qui est à l’origine de cette belle réalisation ou encore la relance des conseils de quartier.

Je constate également les succès enregistrés dans le domaine de la sécurité/prévention qui a notamment permis à Cayenne de tenir les premiers États Généraux du Carnaval, l’effort sans précédent dans la lutte menée contre l’habitat insalubre ou indigne et contre les marchands de sommeil.

Enfin, il est aussi important de noter le retour progressif à un meilleur équilibre de nos comptes publics, avec une meilleure maîtrise de la dépense, mais aussi une attention particulière portée aux bases fiscales et aux revenus du domaine.

Il vous reste désormais deux ans avant les prochaines échéances électorales prévues en avril 2014. Quelles seront les grandes lignes de votre action pour ces deux années à venir ?

Comme précédemment, je vais juste citer un certain nombre de dossiers qui me tiennent tout particulièrement à cœur.

En premier lieu, la mise en place de vidéo protection, tant j’ai conscience que l’amélioration de la sécurité est une préoccupation importante pour nos concitoyens. Je voudrais que, au-delà de la dimension dissuasive, cet outil puisse être aussi utilisé comme un instrument au service de l’élucidation des crimes et des délits, dans le respect de l’intimité de chacun.

Il y a évidemment aussi les grands travaux d’urbanisme qui vont remodeler le visage de Cayenne à l’horizon des années 2020. Je vais prochainement achever la reconfiguration globale du site de Buzaré. Le boulevard Jubelin, déjà embelli à son extrémité nord par la statue des chaînes brisées, sera refleuri dans son terre-plein central, doté d’équipements publics de grande ampleur et débouchera sur la perspective renouvelée des tours Floralies qui sont incluses dans le programme ANRU. Je compte également, en partenariat avec le Conseil Général, offrir à Cayenne des places dignes de ce nom, avec une statuaire dédiée aux gloires de notre pays pour marquer les entrées de la Ville.

L’aménagement du territoire semble être une de vos priorités…

Vous savez, pour moi, l’urbanisme ne se conçoit pas sans une attention particulière portée au réseau viaire de la Ville. Dans ce domaine, le Maire n’agit pas seul : je dois harmoniser mes orientations stratégiques avec celles de l’intercommunalité. Je suis consciente des attentes des Cayennais et je vous dis clairement que mes priorités sont l’entretien et le curage des canaux, avec le busage partout où c’est possible. On continue à trouver dans tous les quartiers des zones où l’écoulement des eaux pluviales est peu ou mal maîtrisé. Je prends l’engagement de travailler à la résolution de ces problèmes qui constituent, au-delà de la gêne occasionnée dans la vie quotidienne des habitants, une charge budgétaire non négligeable pour la collectivité.

Toujours parmi les projets en cours, il y a la rénovation du stade de la cité Césaire, qui est pratiquement achevée, et le lancement de plusieurs autres équipements sportifs dans le cadre de conventions de mécénat avec certaines personnalités guyanaises qui appartiennent au milieu des sportifs de haut niveau, et du dispositif Guyane Base Avancée.

Quels projets restent encore à réaliser ?

Vous permettrez que je garde la primeur de mes grandes orientations pour mon équipe municipale, dont je tiens à souligner la solidarité et le sérieux.

Je m’autorise simplement à vous dire que je militerai comme je l’ai déjà fait pour que Cayenne,  riche de sa diversité et des multiples richesses de ses quartiers, inscrive son développement dans la modernité, mais sans renier son passé historique et ses traditions qui en font l’une des Villes les plus attachantes d’Outre-mer. Que mon engagement politique est ancré dans les valeurs de gauche, ce qui signifie que je continuerai à me battre pour que les jeunes de Cayenne, et en particulier des quartiers de la banlieue Sud, puissent avoir leur chance pour l’accès à la santé et aux soins, pour un accès égalitaire à la formation et à l’emploi.

Vous évoquiez précédemment la lutte contre l’habitat insalubre. Justement, quelles mesures ont été prises pour tenter de le résorber ?

Dans la lutte contre l’habitat insalubre, la réelle difficulté réside dans la nécessité de pourvoir à l’hébergement transitoire d’urgence des occupants, voire dans certains cas au relogement. Pour le Mont Baduel, je me suis  employée à créer les conditions d’un relogement pour une fraction des occupants qui y avaient droit, et je dois reconnaitre que cette étape supplémentaire a constitué un frein sérieux dans le programme de destruction de cet habitat dangereux. Cependant, nous avons procédé depuis 2009 à pas moins de quatorze démolitions sur la première zone d’intervention.

Par ailleurs, j’ai mis en place une cellule de lutte contre l’habitat irrégulier. Cette cellule, qui regroupe la Police Nationale et la Police Municipale ainsi que différents autres partenaires comme EDF, a pour vocation de travailler de façon concrète sur les propositions de démolition qui sont faites à propos d’immeubles squattés ou bien exploités par des marchands de sommeil. Je tiens à souligner que la Mairie ne fait pas que détruire. A l’échelle de la ville, les efforts entrepris sont immenses : nous allons réaliser très prochainement environ 200 logements sociaux dans le cadre de la RHI Baduel, dont au moins 80 pourront être utilisés comme logements tiroirs pour permettre la réalisation de nouvelles opérations.

Quelles sont, selon vous, les problématiques auxquelles la ville de Cayenne devra faire face dans un avenir proche ?

J’identifie deux questions majeures parmi les problématiques à venir. La première, en lien avec ce qui vient d’être développé, c’est la maitrise du développement urbain. Cayenne est avec ses 24km2 la plus petite des communes de Guyane. C’est pourtant celle qui concentre toutes les attentes ou presque en matière de disponibilité foncière. Nous devons commencer à gérer la transition vers une densification urbaine inéluctable, tout en tenant compte du fait que la construction de barres d’immeubles n’est conforme ni aux traditions et à la mentalité Guyanaise, ni aux réalités du climat et du sous sol, ni aux attentes des habitants.

La deuxième problématique, c’est l’équation budgétaire. Nous sommes aujourd’hui en train de retrouver les voies de l’équilibre. Mais à quel prix ? J’ai dû faire des sacrifices douloureux et différer des programmes d’investissement auxquels j’étais très attachée. Or, une part non négligeable des dépenses que j’inscris au budget de la collectivité résulte directement ou indirectement de la position de Cayenne en tant que chef-lieu. C’est ce que l’on appelle les charges de centralité. Cayenne supporte des charges supérieures à celles qui résultent de sa population, dès lors que des flux importants de travailleurs issus des communes voisines viennent s’ajouter quotidiennement aux résidents. Je sais que plusieurs de mes homologues d’Outre-mer se mobilisent pour apporter à ce problème une réponse institutionnelle. J’appelle de mes vœux une prise de conscience au plus haut niveau politique sur ce problème et sur ses conséquences lourdes pour la charge fiscale qui pèse sur chacun des contribuables de Cayenne.

Et les prochains défis ?

Vous permettrez que je garde la primeur de mes grandes orientations pour mon équipe municipale, dont je tiens à souligner  la solidarité et le sérieux. C’est avec mes collègues élus que j’aborderai les propositions de grands chantiers pour la fin de l’actuelle mandature et pour le programme sur lequel nous pourrions aborder la prochaine.

J’identifie cependant trois défis majeurs auxquels Cayenne est confrontée pour réussir son passage au statut de métropole régionale.

Le premier défi est celui des infrastructures de transport. Nous sommes confrontés aux prémices d’une véritable situation d’embolie urbaine : congestion marquée des accès au centre-ville, saturation de l’espace public de stationnement dans le centre-ville, multiplication des décharges automobiles sauvages etc. L’avenir est dans le renforcement et la fiabilisation de l’offre de transport actuelle, autour du SMTC, dans la mise en œuvre de nouvelles solutions de transport en commun dans l’intercommunalité et au niveau interurbain et dans la réalisation de grands axes destinés tout autant à fluidifier la circulation actuelle qu’à offrir de nouvelles zones disponibles à l’urbanisation.

Le second défi est celui du renforcement du réseau d’entreprises. Je ne peux que me réjouir du taux élevé de création d’entreprises en Guyane, en particulier à Cayenne. Mais ma préoccupation première reste la pérennité de ces jeunes entreprises et leur capacité à se développer pour créer un vrai tissu de PME.

Enfin, le troisième défi est celui de la réappropriation de la façade maritime de Cayenne. Nous avons la chance d’avoir l’océan à nos portes. Il nous apporte symboliquement l’ouverture au monde extérieur et nous permet de faire vivre des activités, notamment la pêche artisanale, qui sont essentielles pour faire le lien entre le Cayenne d’hier et celui d’aujourd’hui.

Quels sont encore les freins à une vraie attractivité régionale de la ville de Cayenne ?

L’économie guyanaise est caractérisée par une insuffisance de compétitivité, ce qui correspond au principal frein à une dynamique d’attractivité régionale. Les causes de ce manque de compétitivité, à l’échelon régional, sont à rechercher dans le coût du travail, particulièrement élevé en Guyane, et dans une relative insuffisance de la formation, en particulier dans les filières techniques et artisanales.

Autre frein, l’enclavement régional. A l’exception de la liaison transatlantique et des lignes desservant les Antilles, la Guyane n’est pas reliée quotidiennement à un aéroport international important en Amérique du Sud. La ville de Cayenne est concernée au premier chef par ces problématiques de désenclavement, car, en tant que ville-capitale, elle se mesure aux principaux chefs lieux d’Outre-mer qui bénéficient presque tous de liaisons stables et rentables avec leur environnement régional.

L’aménagement du territoire, enfin, constitue un frein majeur au développement par son insuffisance. Là encore, Cayenne ne peut être indifférente à cette problématique, dès lors que d’une part les grands travaux nécessaires pour cet aménagement du territoire représentent une manne potentielle pour les entreprises du littoral, notamment dans le secteur du BTP, et que, d’autre part, le chef-lieu, principal point d’entrée en Guyane, ne peut que bénéficier de l’augmentation des échanges qui accompagnerait nécessairement le décollage économique de l’intérieur.