Empreinte – questions à Jean-Luc de Laguarigue

Jean-Luc, comment est né le projet d’un livre de photographies sur les Sablières de Fond Canon- ville ?
L’idée de rassembler ce travail dans un ouvrage pour célébrer les trente ans de l’entreprise appar- tient à Stéphane Abramovici qui a bien voulu m’en confier la tâche. Depuis un peu plus de dix ans, à sa demande, je me rends fréquemment aux SFC pour suivre l’évolution de l’activité du site. C’est vous dire que, depuis ce temps, j’ai pu constituer une photothèque intéressante sur son évolution, ses changements et leur corollaire qui est le respect de l’environnement. Je suis devenu également familier du lieu qui, pourtant, ne cesse de me surprendre. Le site est en lui-même remarquable et possède une beauté qui lui est propre. A cela s’ajoute le fait qu’il subit, pour les besoins de la production, des trans- formations picturales drastiques. La falaise est creusée en divers point pour en extraire la roche puis, le travail fini, elle est reconstituée et la nature reprend alors ses droits. Cela créé des paysages en perpétuelle mutation qui don- nent à l’ensemble des sablières un coté “décors pour films de science-fiction”, un peu lunaire, qui me fascine à chaque fois. A ce paysage s’ajoutent l’énormité des machines et l’activité des hommes qui font de ce lieu quelque chose de très particulier, une véritable conquête de chacun. J’ajoute aussi que, pour moi, le nom même de Sablières de Fond Canonville est une heureuse association de mots qui participe de sa beauté.

La photographie est un art essentiel pour té- moigner de l’action humaine concrète selon vous ?
Si le livre d’entreprise peut-être, pour celle-ci, une vitrine commerciale mettant en avant son savoir faire, son histoire et sa mémoire, il peut également avoir une fonction plus large, sociologique et anthro- pologique. C’est la raison pour laquelle j’accorde beaucoup de soins à sa fabrication et beaucoup de rigueur quant à sa constitution, c’est à dire le choix des images. Mis à part le débat idéologique (entre la commande et l’engagement de l’artiste), je reste per- suadé de la nécessaire fonction sociale de l’ouvrage au présent et de l’intérêt qu’il suscitera dans le futur. C’est probablement une des raisons pour laquelle j’ai eu tant de plaisir à revenir au portrait, sans arti- fice, en essayant de pouvoir définir un espace propre à chacun. Chaque visage est le reflet de la vie qui lui fait face et, convaincu de cela, je reste toujours très respectueux du moment que je passe avec les personnes que je photographie. C’est un moment qui participe de l’échange et d’une confiance récip- roque. Il me semble qu’il y a eu une grande acuité dans la demande de Stéphane Abramovici. C’est un projet pensé qui s’est inscrit dans le temps, par petites touches. Un livre en dehors de tout coup mé- diatique ou propagande stupidement publicitaire.